Pas plusieurs arrêts rendus en février 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à traiter la question de la clause de non-concurrence sous plusieurs aspects.

 

Effet immédiat de la clause de non-concurrence au jour de la rupture

 

Lorsqu'un salarié quitte son entreprise pour aller travailler immédiatement chez un concurrent, l'employeur est fondé à invoquer la violation de la clause de non-concurrence même s'il n'a pas eu le temps de verser la contrepartie financière.

 

C'est ce qu'à décidé la Cour de cassation en confirmant la décision des juges du fond ayant condamné le salarié à indemniser son ancien employeur pour violation de la clause de non-concurrence.

 

Dans cette affaire, le salarié était entré au service d'une entreprise concurrente dès la prise d'effet de sa démission, de sorte qu'il n'avait jamais pu prétendre au paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. Il estimait que la clause n'était pas valable dans ces conditions.

 

Mais la Cour de cassation considère que si l'employeur ne lève pas la clause, celle-ci prend effet immédiatement au jour de la rupture et non au jour où l'employeur verse la contrepartie financière.

 

Soc. 13 février 2013 n°11-24356

 

Progressivité de la contrepartie financière

 

La contrepartie de la clause de non-concurrence peut être progressive dans le temps, dès lors qu'au final son montant n'est pas dérisoire (25% sur deux ans).

 

En l'espèce, un employé engagé dans le secteur de la vente de matériaux de construction, a remis sa démission en juin puis a quitté l'entreprise en restant tenu par une clause de non-concurrence. Le 4 octobre suivant, il a été engagé par une société concurrente. La première a alors saisi le Conseil de prud'hommes, aux fins de voir ordonner la cessation de l'activité de l'ex-salarié sous astreinte de 500 euros par jour de retard. L'ancien salarié a formé une demande reconventionnelle en nullité de la clause de non- concurrence.

 

Pour juger la clause de non-concurrence stipulée par le contrat de travail valable et qu'elle s'imposait au salarié, le juge retient que la clause était limitée dans le temps et dans l'espace et constaté le caractère non dérisoire du montant de la contrepartie financière égale à 6 mois de salaire soit 25% du montant de celui-ci pendant sa période d'application. Pour le juge, le mode de versement de la contrepartie financière n'affecterait pas son montant.

 

La clause de non concurrence prévoyait que le versement de la contrepartie financière interviendrait mensuellement et progressivement tous les 6 mois, correspondant :

 

*à un 10% de la moyenne du salaire mensuel perçu par le salarié sur les 12 derniers mois de son activité pendant les 6 premiers mois d'exécution de la clause,

*puis à 20% pendant la première année,

*à 30% jusqu'à un an et demi,

*et, enfin, à 40% jusqu'à 2 ans.

 

Avec ce mode de calcul, l'essentiel de la contrepartie financière était versé au salarié au terme de l'obligation de non concurrence, et équivalait à 1/4 de la rémunération précédemment perçue.

 

Dès lors que cette clause était valable, c'est à bon droit que l'ancien salarié a été condamné à la cessation de son activité salariée au sein de la société concurrente, dans un rayon de 50 kms autour des agences protégées par la clause.

 

Soc. 13 février 2013 n°11-22603

 

Pas d'obligation de non-concurrence sans clause spécifique

 

Si l'obligation de loyauté et de non-concurrence s'imposent pendant l'exécution du contrat de travail, telle n'est plus le cas automatiquement lorsque le contrat est rompu.

 

En l'espèce, un consultant a démissionné pour créer sa société pratiquant une activité concurrente de celle dans laquelle il travaillait précédemment. La société a sollicité le paiement de dommages et intérêts malgré l'absence de clause de non-concurrence.

 

Si le juge du fond a fait droit à la demande et condamné l'ancien salarié à verser 24.000 euros de dommages et intérêts, estimant que les agissements reprochés entrainaient un trouble commercial, en revanche, la Cour de cassation affirme que sans clause de non-concurrence, seule susceptible de priver le salarié de la faculté de créer, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, une entreprise concurrente, le salarié démissionnaire est libre d'exercer l'activité professionnelle de son choix après avoir quitté l'entreprise.

 

Soc. 20 février 2013 n°11-25694

 

La notification du renoncement de l'employeur envoyée au domicile du salarié fait foi

 

Si un colocataire ou conjoint d'un salarié réceptionne le recommandé avec accusé de réception destiné au salarié résident des lieux, et signe de sa main et sous son nom, les exigences requises en matière de notification du courrier au domicile du salarié, sont remplies.

 

Dès lors qu'elle a été notifiée selon les formes requises par le contrat de travail ou la convention collective (soit dans les 20 jours suivants la rupture du contrat) et que l'employeur est en mesure d'attester de la réception du courrier recommandé qu'il a dûment adressé au domicile du salarié (au moyen de l'accusé de réception), la décision de délier ce dernier de son obligation de non concurrence produit effet, peu importe que le salarié prétende qu'il n'a jamais reçu la dite notification.

 

Dès lors que le juge constate que l'employeur avait envoyé au salarié, par voie recommandée, le 8 septembre une lettre de licenciement et, le 9 septembre, une lettre de renonciation à l'application de la clause de non-concurrence (ce dont il résultait qu'il avait respecté le délai contractuel de 20 jours), les formes requises étaient respectées peu important que les accusés de réception comportent une autre signature que celle du salarié.

 

Soc. 20 février 2013 n°11-21975

 

Effets de la minoration de la contrepartie en cas de démission

 

Une clause de non-concurrence prévoyait une contrepartie financière mensuelle égale à 1/3 de son salaire brut mensuel pendant la durée de l'interdiction en cas de licenciement, sauf faute grave ou lourde, ou en cas de force majeure, et à 1/6ème de ladite rémunération en cas de démission.

 

Le salarié conteste la validité de la clause de non-concurrence et demande son annulation devant le Conseil des prud'hommes.

 

Pour annuler la clause de non-concurrence, l'arrêt retient qu'aucune disposition légale ou conventionnelle n'empêche les parties de prévoir une indemnisation de l'application de la clause de non-concurrence différente en son montant selon que la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative de l'une ou l'autre, la seule limitation à leur liberté en l'espèce, eu égard au respect du principe de la liberté du travail, résidant dans l'impossibilité de prévoir, quel que soit le cas, une indemnisation dérisoire équivalente à une absence d'indemnisation. Estimant que l'indemnisation, égale à 1/6ème du salaire, prévue par le contrat de travail au cas de démission du salarié, apparaissait dérisoire, la Cour d'appel conclue à la nullité de la clause.

 

Mais pour la chambre sociale de la Cour de cassation, une telle clause de non-concurrence n'est pas nulle. Elle doit être réputée non écrite, en ses seules dispositions minorant la contrepartie en cas de démission. Elle s'applique donc, de sorte que l'employeur doit verser 1/3 du salaire brut mensuel pendant la durée de l'interdiction.

 

Soc. 20 février 2013 n°11-17941

 

 

Jean-philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
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