Si la rupture conventionnelle semble être devenue un mode simplifié de rupture d'une relation de travail, elle n'est pas automatiquement synonyme de sécurité juridique pour l'une ou l'autre partie. En effet, même en présence d'une rupture conventionnelle signée et homologuée, un recours en justice est toujours possible.

Occasion donc de faire le point.

La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l'employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie. Elle n'est ni un licenciement, ni une démission mais elle ouvre droit, pour le salarié, aux indemnités chômage.

Cette convention de rupture doit être remplie sur un formulaire légal (téléchargeable à la fin de l'article).

La procédure préalable

L'employeur et le salarié conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou de plusieurs entretiens. Au cours de cet entretien (ou de ces entretiens), le salarié peut se faire assister :

* soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel (par exemple, un délégué du personnel ou un membre élu du comité d'entreprise) ou tout autre salarié ;

* soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. Cette liste est consultable principalement auprès de la DDTEFP et dans chaque mairie.

Si le salarié choisit se faire assister, il doit en informer l'employeur avant la date prévue pour le ou les entretiens. L'employeur peut alors lui-même se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.

Les indemnités

La convention de rupture précise le montant de « l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle » qui sera versée au salarié. Ce montant, éventuellement négocié avec l'employeur, ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du Code du travail (1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent 2/15ème de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté) ou, si elle est plus favorable, de l'indemnité conventionnelle de licenciement (définie à la convention collective applicable). L'on prend en compte la moyenne la plus favorable des 3 ou 12 derniers mois versés avant la date de la signature de la convention de rupture, et tout élément de rémunération exceptionnel doit être intégré au prorata. Si le salarié a été absent sans rémunération pendant l'une de ces périodes, l'employeur doit reconstituer un salaire brut mensuel moyen correspondant à ce que le salarié aurait perçu s'il avait normalement travaillé, ce qui constituera la base du calcul de cette indemnité. Si le salarié partie à la rupture conventionnelle a moins d'une année d'ancienneté, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle lui est due au prorata du nombre de mois de présence.

Bien évidemment, s'il quitte l'entreprise avant d'avoir pu prendre la totalité des congés payés qu'il avait acquis, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu'à l'ensemble des éléments de rémunération dus par l'employeur à la date de la rupture du contrat de travail.

Il est également recommandé de mentionner au formulaire de rupture conventionnelle les droits DIF acquis.

Les délais

La loi impose un délai minimum de 15 jours entre la signature de la convention et sa transmission à l'autorité administrative pour homologation. Pendant ce délai de 15 jours calendaire (par application de l'article R 1231-1 du code du travail, si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant), chacune des parties peut se rétracter, et sans qu'il soit besoin d'en expliquer les raisons. Par contre, il est important se prémunir de la preuve de cette rétractation, par exemple par l'envoi dans les délais d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise à l'autre partie en main propre contre décharge mentionnant la date de remise.

Si aucune rétractation n'intervient dans les 15 jours de la signature de la convention, la partie la plus diligente (le plus souvent l'employeur) adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative compétente avec un exemplaire de la convention de rupture. Si les parties le souhaitent, ce formulaire peut être éventuellement complété par une annexe explicitant les points d'accord des parties dans le cadre de la rupture.

L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de 15 jours ouvrables (c'est à dire hors dimanches et jours fériés), à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect de la liberté de consentement des parties et des conditions prévues par le Code du travail : règles relatives à l'assistance des parties, au droit de rétractation, au montant minimal de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle...

A défaut de réponse de l'autorité administrative dans ce délai de 15 jours, l'homologation est réputée acquise (il s'agira donc d'une homologation « tacite »). En cas de refus dans le délai, la convention signée est caduque.

En ce qui concerne spécifiquement les salariés protégés la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail (et non à homologation) dans les conditions de droit commun prévues par le Code du travail. Le formulaire de rupture conventionnelle n'est pas le même que les autres salariés, il s'agit donc d'un formulaire règlementaire particulier (téléchargeable ici). Les 15 jours de rétractation subsistent mais le délai de réponse de l'inspecteur du travail n'est pas de 15 jours, c'est le délai de droit commun de l'autorisation qui peut être prolongé jusqu'à deux mois. La date convenue de rupture du contrat de travail doit donc être fixée en conséquence.

Le préavis et la date de rupture

Aucun préavis n'est prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée. Toutefois, rien n'empêche les parties de prévoir une date de rupture de contrat de travail qui convienne à chacun, et qui sera plus ou moins éloignée de la date minimale qu'est la certitude que l'homologation n'a pas été refusée par l'autorité administrative.

Néanmoins, la date de rupture du contrat de travail ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation de la convention par l'autorité administrative (pour les salariés protégés, voir ci-dessous). Sous cette réserve, les parties sont donc libres de fixer, à leur convenance, la date de la fin du contrat de travail. Et sauf accord express des parties, le contrat de travail continue de s'exécuter normalement pendant tout le temps que dure la procédure d'élaboration et d'homologation de la convention, et jusqu'à la date fixée pour sa rupture.

Peut-on remettre en cause une rupture conventionnelle signée et homologuée ?

Le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des litiges concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation de la rupture conventionnelle. Tout autre recours contentieux ou administratif est exclu (sauf pour les salariés protégés dans le cadre de l'autorisation de rupture conventionnelle).

Le recours juridictionnel devant le conseil de prud'hommes doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention.

Mais celui, le plus souvent le salarié, qui entreprend de contester la rupture conventionnelle doit établir :

- le vice de son consentement,

- ou le détournement de la loi,

- ou l'existence d'un différend entre les parties.

Différentes juridictions ont déjà jugé que la rupture conventionnelle ne peut avoir pour but de permettre à une partie de s'affranchir de ses obligations légales au détriment des droits de l'autre partie. Ainsi, une rupture conventionnelle ne peut être conclue pour échapper aux dispositions liées au licenciement économique, à l'obligation de reclassement en cas d'inaptitude médicale....

De la même manière, l'existence d'un différend entre les parties fait obstacle à la conclusion d'une convention de rupture.

Tout est donc question d'espèce car chaque cas est différent.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

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