L'on sait que la conséquence de la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié est la cessation immédiate de la relation de travail, ce qui signifie qu'aucun préavis n'a à être effectué. Pour autant, les faits que le salarié reproche à l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour entrainer cette rupture immédiate, à défaut de quoi l'employeur est en droit de demander réparation de cette dispense « forcée » de préavis.

Dans une affaire où le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat tout en offrant d'exécuter ses 2 mois de préavis, la Cour de cassation a considèré (arrêt du 2 juin 2010 ) que le fait pour le salarié d'accomplir spontanément ou d'offrir d'accomplir son préavis est sans incidence sur la gravité des manquements qu'il a pu invoquer à l'appui de sa prise d'acte. Aussi, la haute juridiction a estimé que les juges pouvaient condamner l'employeur à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis en plus des indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans une autre affaire jugée le 30 juin 2010 , la Cour de cassation a précisé qu'une procédure collective ouverte à l'égard de l'employeur concomitamment à la prise d'acte est sans effet sur la rupture immédiate du contrat. Aussi, lorsqu'un salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat est licencié par la suite pour motif économique, ce licenciement est non avenu puisque la rupture était précédemment consommée par la prise d'acte. En effet, compte tenu de son immédiateté, la prise d'acte ne peut faire l'objet d'une rétractation par le salarié, ce qui signifie notamment que le salarié, néanmoins licencié économique dans la suite, ne peut accepter une convention de reclassement personnalisé.

Enfin, l'on peut aussi citer l'arrêt rendu le 8 juin 2010 par la Cour de cassation ; lorsqu'un salarié remet en cause la démission qu'il a donnée en raison de faits ou de manquements imputables à l'employeur, antérieurement ou concomitamment à cette démission, la rendant ainsi équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte.

Dès lors, le juge doit vérifier si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour justifier la prise d'acte, qui dans ce cas s'analysera en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En l'espèce, malgré la demande de régularisation des heures supplémentaires et des repos compensateurs contenue dans la lettre de démission et relevée dans un procès-verbal de l'inspection du travail, les juges du fond n'avaient pas considéré la démission comme équivoque, et ne s'étaient pas prononcés sur la gravité des manquements invoqués. Cette analyse est donc censurée par la haute juridiction.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

11 Bd voltaire - 21000 Dijon

03.80.48.65.00

jpschmitt@audard-schmitt.com

Cass. soc.,2 juin 2010, n° 09-40.215 P+B+R

Cass. soc., 30 juin 2010, n° 09-41.456 P+B

Cass. soc., 8 juin 2010, n° 08-41.634 D