La tenue de l'entretien préalable à licenciement est important à plus d'un titre. Il permet au salarié, dûment assisté, de s'expliquer sur les griefs avancés par son employeur, à charge pour ce dernier de prendre ensuite le temps de la réflexion pour soit renoncer à la sanction envisagée, soit notifier la rupture.

Cet entretien se déroule généralement pendant le temps et au lieu de travail. Pendant le temps de travail car il doit se dérouler pendant les horaires du salarié (sauf impossibilité liée par exemple au fait que le salarié travaille de nuit), ce qui signifie que le temps passé par le salarié à cet entretien lui sera rémunéré. Au lieu de travail en principe, c'est-à-dire là ou s'exécute le contrat de travail, ou bien au siège social de l'entreprise (arrêt Cass. soc. 9 mai 2000).

L'employeur peut néanmoins fixer l'entretien dans d'autres lieux à condition de justifier la légitimité de son choix et de rembourser le salarié des frais de déplacement exposés (arrêt Cass. soc. 28 janvier 2005).

La chambre sociale de la Cour de cassation vient de rappeler que l'employeur ne peut toutefois pas fixer comme lieu de l'entretien préalable les locaux d'une société filiale du groupe sans justifier d'aucunes circonstances particulières rendant impossible la tenue dudit entretien au siège social de l'entreprise ou au lieu d'exécution du travail.

Aussi, dans un tel cas, sans justification, il risque d'être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié pour non respect de la procédure de licenciement.

Cass. soc. 20 octobre 2009, n° 08-42155 FD

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à Dijon (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mardi 20 octobre 2009

N° de pourvoi: 08-42155

Non publié au bulletin Rejet

M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 mars 2008), que M. X..., engagé par la Sarl Etoile occitane Narbonne le 2 janvier 2006 en qualité de cadre chef de site, a été licencié pour faute grave le 14 novembre 2006 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'avait condamnée à payer au salarié la somme de 3 557 euros pour non respect de la procédure de licenciement alors selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 122 14, alinéa 1, devenu l'article L. 1232 2 du code du travail, que le lieu de l'entretien préalable peut, pour des raisons légitimes, n'être pas celui où s'exécute le travail ou celui du siège social de l'entreprise ; que dans ses conclusions d'appel elle exposait avoir convoqué M. X... à un entretien préalable dans les locaux de la société Etoile occitane Carcassonne, filiale du même groupe, pour lui éviter qu'un tel entretien se déroule sur le lieu de la concession où il était chef de site, devant les salariés travaillant sous ses ordres ; qu'elle soulignait que M. X... n'avait nullement contesté cette marque de respect et qu'il s'était au contraire rendu à Carcassonne sans aucune difficulté ; que pour décider que la procédure de licenciement était irrégulière, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, par motifs propres, que la raison invoquée par l'employeur n'apparaît pas suffisamment sérieuse pour justifier un entretien préalable à Carcassonne, et par motifs adoptés, que cette allégation est pour le moins déplacée ; qu'en ne s'expliquant pas sur la légitimité de la raison invoquée par l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article susvisé ;

2°/ qu'aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que pour décider que la procédure de licenciement était irrégulière, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, par motifs propres, que la raison invoquée par l'employeur n'apparaissait pas suffisamment sérieuse pour justifier un entretien préalable à Carcassonne, et par motifs adoptés, que cette allégation était pour le moins déplacée ; qu'en se prononçant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a fait ressortir que l'employeur ne justifiait d'aucunes circonstances particulières rendant impossible l'organisation de l'entretien préalable au siège social de l'entreprise ou au lieu d'exécution du travail, a légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Etoile occitane Narbonne fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... 14 000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de confirmer les condamnations à paiement des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que M. X..., en sa qualité de chef de site, avait chargé un apprenti vendeur magasinier de récupérer sur un autre site un véhicule Mercedes type ML, ayant fait l'objet peu de jours auparavant d'une reprise auprès d'un client ; qu'il se déduisait de ces seules constatations qu'il incombait nécessairement à M. X... de s'assurer que les formalités d'enregistrement, manifestement indispensables et indissociables d'une telle opération, avaient bien été réalisées au préalable ; qu'en affirmant qu'il n'était pas démontré que le défaut de vérification était imputable au cadre alors qu'une telle vérification s'imposait à celui ci dès lors qu'il avait pris la décision de faire convoyer le véhicule d'un site à un autre, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, violant les dispositions de l'article L. 122 14 3, devenu l'article L. 1235 1 du code du travail, ensemble l'article L. 122 6 devenu l'article L. 1234 1 du code du travail ;

2°/ que son employeur lui reprochait d'avoir fait de fausses déclarations au nom de la société et d'avoir engagé sa responsabilité à l'égard de la préfecture de police ; qu'en affirmant, pour en déduire que le motif invoqué n'était pas sérieux, que si le cadre n'ignorait pas le nom de l'apprenti magasinier chargé de récupérer le véhicule repris, il n'était pas pour autant tenu de fournir cette information au centre automatisé de constatation des infractions routières, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si le salarié était tenu de fournir une telle information dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il avait fait de fausses déclarations, s'est prononcée par des motifs inopérants, violant une nouvelle fois l'article L. 122 14 3, devenu l'article L. 1235 1 du code du travail, ensemble l'article L. 122 6 devenu l'article L. 1234 1 du code du travail ;

3°/ qu'en affirmant que le fait de ne pas avoir averti sa hiérarchie ne constituait pas en lui même une dissimulation, et que ce seul grief n'était pas suffisamment sérieux pour justifier un licenciement pour faute grave, sans rechercher si, à défaut, ce fait fautif ne justifiait pas en tout état de cause un licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122 14 3, devenu l'article L. 1235 1 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, a estimé qu'il ne relevait pas des fonctions du salarié de s'assurer de l'accomplissement des formalités administratives d'enregistrement des véhicules repris et qu'il n'était pas établi que l'intéressé avait fait de fausses déclarations au centre automatisé de constatation des infractions routières auquel, après avoir payé l'amende, il s'était borné à refuser de révéler le nom de la personne, chargée de transférer le véhicule repris, qui avait commis un excès de vitesse ; que, d'autre part, elle a pu décider que le fait pour le salarié de ne pas avoir informé sa hiérarchie de l'incident ne caractérisait pas une faute grave et a retenu, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235 1 du code du travail, qu'il ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Etoile occitane aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille neuf.