Voir note sur : http://www.actuassurance.com/

Voir aussi note Pélissier, RGDA 2015, p. 547.

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 29 septembre 2015
N° de pourvoi: 14-14.533 14-14.953
Non publié au bulletin Cassation

Mme Mouillard (président), président
Me Bertrand, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal n° M 14-14. 533 formé par la société Covea Risks et M. A... que sur le pourvoi incident relevé par la société Ciga Luxembourg et joignant ces pourvois au pourvoi principal n° T 14-14. 953, formé par la société Oléron participations, qui attaque le même arrêt ;

Donne acte à M. A... et à la société Covea Risks du désistement de leur pourvoi n° M 14-14. 533, en ce qu'il est dirigé contre l'Agent judiciaire de l'Etat ;

Donne acte à la société Ciga Luxembourg du désistement de son pourvoi incident ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 1er février 2011, pourvois n° 09-16. 179, 09-17. 086, 09-69. 526 et 09-69. 619) que la société Ciga Luxembourg (la société Ciga) est titulaire d'une créance née d'un prêt accordé par une banque à la société Final, dirigée par M. X..., en vue de faire l'acquisition auprès de M. Y...des parts d'une société Soparfi, qui détenait 100 % du capital de la société Hoyez ; qu'à la suite des difficultés de la société Final pour rembourser le prêt, un administrateur ad hoc, M. A..., a été désigné afin de rechercher un accord de paiement avec ses créanciers ; que la société Final a cédé les titres de la société Hoyez à une sous-filiale, spécialement créée à cet effet, de la société Oléron participations (la société Oléron), l'opération étant financée par la société Le Crédit lyonnais ; que la société Ciga, estimant que cette cession compromettait ses chances de remboursement et s'était faite au mépris des obligations contractuelles souscrites par la société Final, qui s'était engagée à recueillir l'accord de ses créanciers pour procéder à une telle cession d'actif, a assigné en responsabilité les différents intervenants à cette opération ; que l'arrêt qui a, notamment, condamné in solidum la société Oléron, M. A... et la société Le Crédit lyonnais à payer à la société Ciga la somme de 6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts et fixé à ladite somme la créance de cette société au passif de la société Soparfi, mise entre-temps en liquidation judiciaire, a été cassé et annulé mais seulement en qu'il a condamné la société Le Crédit lyonnais et dit que l'action de la société Ciga à l'égard de MM. X...et Y...était prescrite ; que M. A... et la société Covea Risks, assureur de la responsabilité de celui-ci, prétendant agir par voie de subrogation dans les droits de la société Ciga, ont formé diverses demandes à l'encontre de la société Le Crédit lyonnais et de MM. X...et Y...;

Sur les premier et troisième moyens du pourvoi n° M 14-14. 533, réunis :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable et non fondée son action à l'encontre de la société Le Crédit lyonnais et de MM. X...et Y...alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. A... indiquait très clairement agir contre la société Le Crédit lyonnais en obligation à la dette en sa qualité de subrogé dans les droits et actions de la société Ciga Luxembourg qu'il avait indemnisée ; qu'en déclarant irrecevable et non fondée l'action fondée sur les droits personnels de M. A... à l'encontre de la société Le Crédit lyonnais, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le subrogé exerce l'action du subrogeant et bénéficie des actes réalisés par le subrogeant avant la subrogation ; qu'en appréciant la recevabilité des demandes formées contre la société Le Crédit lyonnais en considération de celles précédemment présentées par M. A... invoquant des droits personnels quand, dès lors que M. A... invoquait sa qualité de subrogé dans les droits de la société Ciga Luxembourg, la recevabilité de telles demandes devait être examinée au regard de celles précédemment formulées par la société Ciga Luxembourg, la cour d'appel a violé l'article 1251, 3° du code civil ;

3°/ qu'à compter du paiement et de la subrogation consécutive, le subrogeant n'a plus qualité pour exercer les actions attachées à sa créance qui ont été transmises au subrogé et qui peut seul y renoncer ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable les demandes formées contre la société Le Crédit lyonnais par M. A... subrogé dans les droits de la société Ciga Luxembourg que cette dernière avait renoncé à toute demande à l'encontre du Crédit lyonnais, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette renonciation, résultant d'une transaction du 4 décembre 2012 et de l'abandon des demandes contre la banque par conclusions du 14 mars 2013, n'était pas nulle ou inopposable aux subrogés par l'effet des paiements intervenus les 8 avril 2011, 10 juillet 2012, 10 août 2012 et 11 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1251, 3° du code civil ;

4°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. A... indiquait très clairement agir contre MM. X...et Y...en sa qualité de subrogé dans les droits et actions de la société Ciga Luxembourg qu'il avait indemnisée afin d'établir leur obligation à la dette ; qu'en déclarant irrecevable et non fondée l'action personnelle de M. A... à l'encontre de MM. X...et Y..., la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que le subrogé exerce l'action du subrogeant et bénéficie des actes réalisés par le subrogeant avant la subrogation ; qu'en appréciant la recevabilité des demandes formées contre MM. X...et Y...au regard de celles précédemment présentées par M. A... quand, dès lors que M. A... invoquait sa qualité de subrogé dans les droits de la société Ciga Luxembourg, la recevabilité de telles demandes devait être examinée au regard de celles précédemment formulées par la société Ciga Luxembourg, la cour d'appel a violé l'article 1251, 3° du code civil ;

6°/ qu'il résultait des termes du litige que M. A... avait versé à la société Ciga Luxembourg les sommes de 76 361, 63 euros et de 21 887, 71 euros en exécution des saisies-attribution pratiquées par cette dernière, la cour d'appel relevant elle-même qu'il résultait des paiements effectués que la société Ciga Luxembourg avait reçu 6 030 603, 43 euros de M. A... et de la société Covea Risks ; qu'en affirmant pourtant, pour en déduire que M. A... ne pouvait se prétendre subrogé dans les droits de la société Ciga Luxembourg, que c'était la société Covea Risks qui avait réglé pour M. A..., la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, sous le couvert du grief non fondé de méconnaissance de l'objet du litige, le moyen, en sa sixième branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par laquelle les juges du fond ont souverainement retenu que les paiements litigieux avaient été effectués par la société Covea Risks, y compris pour le compte de M. A... ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé qu'en application des dispositions des articles 1251, 3° et 1214 du code civil, seul celui qui a payé peut bénéficier de la subrogation puis retenu que ce n'était pas le cas de M. A..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° M 14-14. 533 :

Attendu que la société Covea Risks fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action à l'encontre de MM. X...et Y...alors, selon le moyen :

1°/ que l'assureur de responsabilité qui, s'acquittant de sa propre dette d'indemnisation, a libéré un codébiteur in solidum de son assuré, est subrogé dans les droits du créancier contre ce codébiteur devant supporter tout ou partie de la charge finale de la dette ; qu'en déduisant du fait que la société Ciga Luxembourg avait intégralement reçu paiement de sa créance de dommages-intérêts, la société Covea Risks s'étant acquittée auprès d'elle de sommes qui lui étaient dues, que la société Covea Risks ne pouvait se prétendre subrogée dans les droits de la société Ciga Luxembourg, la cour d'appel a violé l'article 1251, 3° du code civil ;

2°/ que l'article L. 121-12 du code des assurances ne bénéficie pas seulement à l'assureur de chose mais également à l'assureur de responsabilité lorsque son assuré est coauteur du fait qui a causé le dommage ; qu'en affirmant que la société Covea Risks ne pouvait se prévaloir de la subrogation prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances car elle était soumise à la condition que le dommage à l'origine de l'indemnité d'assurance se trouve causé, non par l'assuré, mais par un tiers bien qu'une telle subrogation ait pu profiter à l'assureur dès lors que son assuré n'était pas le seul auteur du dommage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par des motifs non critiqués, que l'action en responsabilité contre les administrateurs de sociétés se prescrit par trois ans, que la société Ciga a eu connaissance de la cession de la société Hoyez le 1er juillet 1996 et que la prescription était donc acquise lorsqu'elle a engagé son action à leur encontre, le 2 décembre 2003 ; qu'en l'état de ces motifs justifiant la décision d'irrecevabilité critiquée, le moyen, en ce qu'il invoque la violation des articles 1251, 3° du code civil et L. 121-12 du code des assurances, est inopérant ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi n° M 14-14. 533 :

Attendu que M. A... et la société Covea Risks font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 19 juillet 2008 en ce qu'il a dit prescrite l'action de la société Ciga à l'encontre de MM. X...et Y...alors, selon le moyen, qu'à compter du paiement et de la subrogation consécutive, le subrogeant n'a plus qualité pour exercer les actions attachées à sa créance qui ont été transmises au subrogé ; que la cassation à intervenir sur les troisième et quatrième moyens de cassation qui atteindra le chef de dispositif par lequel la cour d'appel a jugé irrecevable et infondée l'action exercée par M. A... et par la société Covea Risks, en leur qualité de subrogés dans les droits de la société Ciga Luxembourg qu'ils avaient indemnisée, à l'encontre de MM. X...et Y..., entrainera par voie de conséquence, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a statué sur l'action de la société Ciga Luxembourg à l'encontre de MM. X...et Y...dès lors qu'ayant subrogé les exposants dans cette action, elle n'avait plus qualité à l'exercer ;

Mais attendu que le rejet des troisième et quatrième moyens rend le grief inopérant ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 14-14. 533, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1251, 3° du code civil et les articles 623, 625 et 626 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire irrecevables les demandes formées par la société Covea Risks contre la société Le Crédit lyonnais, la cour d'appel, après avoir relevé que l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er février 2011 avait remis la société Ciga et la société Le Crédit lyonnais dans l'état où les parties se trouvaient avant l'arrêt du 2 juillet 2009, leurs droits et obligations respectifs résultant donc du seul jugement du 10 juillet 2008 qui avait écarté la responsabilité de la banque, a retenu que la société Covea Risks ne pouvait être subrogée dans les droits de la société Ciga à l'encontre de la banque puisque celle-ci n'avait fait l'objet d'aucune condamnation et qu'elle n'était donc pas tenue avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, par les paiements effectués en exécution de l'arrêt d'appel du 2 juillet 2009 par la société Covea Risks, celle-ci avait été, à concurrence de leur montant, légalement subrogée dans les droits de la société Ciga à l'encontre du Crédit lyonnais, sur la responsabilité duquel il n'avait pas encore été définitivement statué, et que l'action de la société Covea Risks avait précisément pour objet de faire reconnaître l'existence de cette créance indemnitaire sur la banque, née du dommage causé à la subrogeante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° T 14-14. 953, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1251, 3° du code civil et 564 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire irrecevables les demandes de la société Oléron contre la société Le Crédit lyonnais, l'arrêt retient que ces demandes ont été, pour la première fois, formulées en cause d'appel dans ses conclusions du 10 avril 2013 quand la société Oléron n'avait auparavant invoqué aucune prétention à l'encontre de la banque, lui versant même une somme de 908 085 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, par ce paiement, effectué non à la banque mais à la société Ciga, la société Oléron s'était trouvée, à concurrence de son montant, légalement subrogée dans les droits de cette dernière à l'encontre de la société Le Crédit lyonnais, sur la responsabilité duquel il n'avait pas encore été définitivement statué, de sorte que la nouveauté de ses demandes devait être appréciée au regard de celles formées à l'origine par la société subrogeante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 14-14. 533, pris en sa troisième branche, et sur le premier moyen du pourvoi n° T 14-14. 953, pris en ses troisième et quatrième branches, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu les articles 1251, 3° et 1252 du code civil ;

Attendu que, pour dire irrecevables les demandes formées par les sociétés Covea Risks et Oléron contre la société Le Crédit lyonnais, la cour d'appel a également retenu que la société Ciga avait conclu un protocole transactionnel avec la société Le Crédit lyonnais et ne sollicitait donc plus la condamnation de celle-ci ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette transaction n'était pas nulle ou inopposable aux sociétés Covea Risks et Oléron pour avoir été conclue postérieurement aux paiements faits par elles au profit de la société Ciga, quand celle-ci, par l'effet de la subrogation en résultant, n'avait plus, à concurrence des sommes reçues, qualité pour renoncer à ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° M 14-14. 533, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Attendu que, pour dire irrecevables les demandes formées par la société Covea Risks contre la société Le Crédit lyonnais, d'une part, MM. X...et Y..., d'autre part, la cour d'appel a encore retenu que cette société ne pouvait se prévaloir de la subrogation dans les droits de M. A..., prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances, que si le dommage à l'origine de l'indemnité d'assurance se trouvait causé, non par l'assuré, mais par un tiers, et qu'en l'espèce, M. A..., assuré de la société Covea Risks, était l'auteur de la faute ayant causé le dommage ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle subrogation peut bénéficier à l'assureur dès lors que son assuré n'est pas le seul auteur du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les sociétés Le Crédit lyonnais, Ciga Luxembourg et MCM et associés, cette dernière en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Soparfi, ainsi que MM. X...et Y..., dont la présence devant la cour de renvoi est nécessaire à la solution du litige ;

Condamne la société Le Crédit lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;