Cet arrêt est commenté par :

- M. GROSSER, SJ G, 2014, p. 168.

- M. PIGNARRE, Gaz. Pal., 2014, n° 43, p. 12.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 9 octobre 2013

N° de pourvoi: 12-23.379

Publié au bulletin Cassation

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 mai 2012), que, par contrat du 24 novembre 2006, la société civile immobilière Saint-Marcel Provence (la SCI) a confié à la société AOA une mission de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'un immeuble ; que la SCI ayant résilié unilatéralement le contrat de maîtrise d'oeuvre, la société AOA l'a assignée en paiement d'honoraires et indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société AOA de ses demandes, l'arrêt retient que, par application des articles 1134 et 1184 du code civil, la SCI avait soit le choix de la résiliation unilatérale prévue contractuellement à l'article 8, soit le choix de solliciter une résiliation judiciaire, soit le choix de l'anticipation de la résolution judiciaire à ses risques et périls sous réserve de la démonstration de manquements contractuels graves et que la SCI démontrant la réalité des manquements contractuels graves commis par la société AOA est fondée à résilier unilatéralement le contrat aux torts du maître d'oeuvre et à s'affranchir des conditions contractuelles permettant la rémunération de l'architecte à hauteur de 90 % de ses honoraires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat comportait un article 8 stipulant que si le maître d'ouvrage décide de mettre fin à la mission du maître d'oeuvre parce que ce dernier se montre incapable de remplir ses obligations contractuelles, le contrat est résilié sans indemnité et la fraction de la mission déjà accomplie est alors rémunérée avec un abattement de 10 %, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

Condamne la SCI Saint-Marcel Provence aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Saint-Marcel Provence ; la condamne à payer à la société AOA la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société AOA

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement, dit que la résiliation unilatérale du contrat de maîtrise d'oeuvre pour manquements contractuels graves de la société AOA est intervenue à l'initiative de la société Saint Marcel Provence hors du champ de l'article 8 du contrat liant les parties, et débouté la société AOA de sa demande en paiement du solde ces honoraires calculé par application de cette clause, outre dommages-intérêts,

AUX MOTIFS QUE l'article 8 du contrat de maîtrise d'oeuvre passé entre les parties dispose que « si le maître de l'ouvrage décide de mettre fin à la mission du maître d'oeuvre parce que ce dernier se montre incapable de remplir ses obligations contractuelles, le contrat est résilié sans indemnité et la fraction de la mission déjà accomplie est alors rémunérée avec un abattement de 10% » ; que dès lors et par application des article 1134 et 1184 et suivants du code civil, la SCI Saint Marcel Provence avait soit le choix de la résiliation unilatérale prévue contractuellement à l'article 8 susvisé soit le choix de solliciter une résiliation judiciaire, soit le choix de l'anticipation de la résolution judiciaire à ses risques et périls sous réserve de la démonstration de manquements contractuels graves ou en cas d'urgence ; que dans son courrier du 25 avril 2008, la société Saint Marcel Provence reproche à la société AOA le défaut de mise en conformité des plans DCE aux normes de sécurité et d'accessibilité des handicapés et un défaut d'implantation, la construction empiétant de 0,30 mètres sur les propriétés voisines et vise au soutien de sa décision de résiliation unilatérale, la nécessité de mettre en oeuvre des mesures conservatoires d'urgence ; que la société AOA ne conteste pas le problème d'implantation qu'elle estime néanmoins mineur ; que l'architecte est tenu d'effectuer sa mission dans le respect de toutes les règles d'urbanisme applicables à la construction ; qu'en implantant partiellement l'immeuble qu'il avait à concevoir et dont il devait assurer le suivi des travaux sur la propriété d'autrui, la société AOA a commis un manquement contractuel d'une gravité fondamentale puisque ce manquement peut entrainer la démolition de l'immeuble à tort implanté sur la propriété d'autrui ; que la société Saint Marcel Provence démontre également que la société AOA n'a transmis que très tardivement en février et mars 2008, les plans tenant compte de l'accessibilité aux personnes handicapées alors qu'ils étaient réclamés depuis juillet 2007 et que la société AOA après plusieurs courriers a été mise en demeure de les fournir par lettres avec accusé de réception en date des 30 novembre 2007 et 4 janvier 2008 ; que ces seuls manquements invoqués dans le courrier du 25 avril 2008 suffisent à caractériser la résiliation unilatérale de la société Saint Marcel Provence sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements allégués à l'encontre de l'architecte ; que la société Saint Marcel Provence en démontrant la réalité des manquements contractuels graves commis par la société AOA est fondée à résilier unilatéralement le contrat aux torts du maître d'oeuvre et de s'affranchir des conditions contractuelles permettant la rémunération de l'architecte à hauteur de 90% de ses honoraires sans examiner l'ampleur de ses inexécutions et faire les comptes entre les parties ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société AOA de ses demandes en l'état d'honoraires ;

ALORS QUE le contrat de maîtrise d'oeuvre contenait à son article 8 une clause résolutoire, dont la validité n'était pas contestée, d'où résultait que « si le maître d'ouvrage décide de mettre fin à la mission du maître d'oeuvre parce que ce dernier se montre incapable de remplir ses obligations contractuelles, le contrat est résilié sans indemnité et la fraction de la mission déjà accomplie est alors rémunérée avec un abattement de 10% » ; qu'en décidant que le maître d'ouvrage avait « le choix », en procédant à la résiliation unilatérale fondée sur la défaillance de son cocontractant, de mettre en oeuvre ou non ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a refusé l'application du contrat et violé l'article 1134 du Code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société AOA de sa demande subsidiaire tendant au paiement de l'intégralité des honoraires afférents aux prestations exécutées, à hauteur de 53.961,25 euros, et de sa demande accessoire de dommages-intérêts,

AUX MOTIFS QUE dans son courrier du 25 avril 2008, la société Saint Marcel Provence reproche à la société AOA le défaut de mise en conformité des plans DCE aux normes de sécurité et d'accessibilité des handicapés et un défaut d'implantation, la construction empiétant de 0,30 mètres sur les propriétés voisines et vise au soutien de sa décision de résiliation unilatérale, la nécessité de mettre en oeuvre des mesures conservatoires d'urgence ; que la société AOA ne conteste pas le problème d'implantation qu'elle estime néanmoins mineur ; que l'architecte est tenu d'effectuer sa mission dans le respect de toutes les règles d'urbanisme applicables à la construction ; qu'en implantant partiellement l'immeuble qu'il avait à concevoir et dont il devait assurer le suivi des travaux sur la propriété d'autrui, la société AOA a commis un manquement contractuel d'une gravité fondamentale puisque ce manquement peut entrainer la démolition de l'immeuble à tort implanté sur la propriété d'autrui ; que la société Saint Marcel Provence démontre également que la société AOA n'a transmis que très tardivement en février et mars 2008, les plans tenant compte de l'accessibilité aux personnes handicapées alors qu'ils étaient réclamés depuis juillet 2007 et que la société AOA après plusieurs courriers a été mise en demeure de les fournir par lettres avec accusé de réception en date des 30 novembre 2007 et 4 janvier 2008 ; que ces seuls manquements invoqués dans le courrier du 25 avril 2008 suffisent à caractériser la résiliation unilatérale de la société Saint Marcel Provence sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements allégués à l'encontre de l'architecte ; que la société Saint Marcel Provence en démontrant la réalité des manquements contractuels graves commis par la société AOA est fondée à résilier unilatéralement le contrat aux torts du maître d'oeuvre et de s'affranchir des conditions contractuelles permettant la rémunération de l'architecte à hauteur de 90% de ses honoraires sans examiner l'ampleur de ses inexécutions et faire les comptes entre les parties ;

1°- ALORS QUE, la résiliation d'un contrat n'opérant que pour l'avenir, l'architecte dont le contrat a été résilié a droit au paiement des prestations accomplies jusqu'à la date de résiliation du contrat, ; qu'en déboutant la société AOA de sa demande au titre des honoraires sans rechercher si, jusqu'à la date de la résiliation unilatérale, la rémunération de l'architecte n'avait pas eu sa contrepartie dans l'exécution de ses propres obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;

2°- ALORS au surplus QU'une partie au contrat ne peut, sans commettre de faute, le résilier unilatéralement de manière anticipée, sauf à établir un comportement ou un manquement d'une particulière gravité imputable à son cocontractant ; qu'en retenant que la société Saint-Marcel était fondée à demander que soit judiciairement constatée la résiliation unilatérale du maîtrise d'oeuvre au motif que l'erreur d'implantation du bâtiment projeté constituait un manquement d'une gravité fondamentale, de même que la transmission très tardive de certains plans réclamés par le maître d'ouvrage par lettres recommandées des 30 novembre 2007 et janvier 2008 sans rechercher si l'erreur d'implantation n'était pas susceptible d'être rectifiée par une simple correction qu'il était possible d'effectuer en vingt-quatre heures ni si les retards dans la transmission des plans ne s'expliquaient pas par la circonstance que le maître d'ouvrage avait lui-même apporté des modifications à ses projets cependant que les plans rectifiés devaient être à nouveau avalisés par les bureaux d'étude et de contrôle associés à l'opération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil.