Cet arrêt est commenté par :

- François-Xavier AJACCIO, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin, mars 2013, p. 4.

- M. DESSUET, Revue de droit immobilier, « RDI », 2013, p. 165.

- François-Xavier AJACCIO, Rémi PORTE et Albert CASTON, Gaz. Pal., 2013, n° 137, p. 23.

- M. ROBINEAU, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 2, p. 39.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 16 janvier 2013

N° de pourvoi: 11-26.780

Non publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juillet 2011), que, pour la construction de leur maison, les époux X... avaient souscrit une police dommages-ouvrage auprès de la société L'Auxiliaire et avaient confié la maîtrise d'oeuvre de conception à Mme Y..., assurée auprès de la société Wintherthur, aux droits de laquelle se trouve la société Mutuelles du Mans assurances IARD (les MMA), la maîtrise d'oeuvre d'exécution à M. Z..., assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF) et le lot gros oeuvre, charpente et cloisons intérieures à M. A..., assuré auprès de la société Mutuelle assurances artisanale de France (la MAAF) ; que, se plaignant de fissures intérieures et extérieures, les époux X... ont adressé une déclaration de sinistre à la société L'Auxiliaire ; que le juge des référés a donné acte à la société L'Auxiliaire de ce qu'elle ne contestait pas devoir sa garantie et de la remise à l'audience d'un chèque de 571 688,68 francs (87 153,38 euros) et désigné un expert qui a déposé un rapport concluant à des travaux de réfection d'un montant de 21 680 euros ; que les époux X... ont vendu leur maison sans avoir effectué les travaux pour lesquels un financement leur avait été versé par la société L'Auxiliaire ; que celle-ci les a assignés ainsi que les constructeurs et leurs assureurs afin d'obtenir à titre principal la restitution de l'indemnité versée ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société L'Auxiliaire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en restitution par les époux X... de l'indemnité d'assurance réglée pour un montant de 87 153,38 euros alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en refusant à l'assureur dommages-ouvrage tout droit à répétition pour défaut d'affectation de l'indemnité d'assurance à la réparation des désordres, au prétexte qu'il résultait du contrat de vente que l'assureur avait demandé la restitution de la somme de 571 688,68 francs et que les maîtres de l'ouvrage avaient entendu que les travaux de réfection fussent couverts par une indemnité de 150 000 euros déduite du prix de vente, les acquéreurs ayant la latitude d'effectuer ou non les travaux, quand ce qui avait été convenu entre les maîtres de l'ouvrage et l'acquéreur était inopposable à l'assureur, créancier d'un paiement indu et demeuré tiers à la vente, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, ensemble l'article L. 242-1 du code des assurances ;

2°/ que le bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage est le propriétaire de l'immeuble à la date de la déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage ; que l'indemnité versée par cet assureur au bénéficiaire de l'assurance doit être affectée au paiement des travaux de réparation des dommages ; qu'en retenant, pour écarter tout paiement indu de l'assureur dommages-ouvrage, qu'il résultait du contrat de vente que les maîtres de l'ouvrage avaient entendu que les travaux de réfection fussent couverts par une indemnité de 150 000 euros déduite du prix de vente, les acquéreurs ayant la latitude d'effectuer ou non les travaux, tout en constatant que les vendeurs étaient seuls bénéficiaires de l'indemnité d'assurance puisqu'ils étaient propriétaires de l'immeuble à la date de la déclaration de sinistre et que cette indemnité réglée aux maîtres de l'ouvrage pour un montant de 87 153,38 euros n'avait pas été affectée à la réparation des désordres, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances ;

3°/ qu'en écartant tout droit à restitution de l'assureur dommages-ouvrage au prétexte que les maîtres de l'ouvrage avaient entendu affecter une partie du prix de vente à la réparation des dommages, tout en constatant que l'acquéreur n'était pas contractuellement tenu de procéder à l'exécution des travaux de reprise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de vente stipulait que l'assureur dommages-ouvrage demandait la restitution de la somme versée pour la reprise des désordres et que le vendeur avait déduit du prix de vente de l'immeuble le montant de cette indemnité, ce dont il résultait que l'indemnité d'assurance avait été transférée à l'acquéreur, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que la demande de restitution formée par la société L'Auxiliaire contre les époux X... devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société L'Auxiliaire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en restitution par les époux X... de la somme de 65 473,38 euros représentant la différence entre l'indemnité allouée et celle due alors, selon le moyen, que l'indemnité due par l'assureur dommages-ouvrage ne peut excéder ce qui est nécessaire à la réparation des désordres ; qu'en refusant à un tel assureur tout droit à restitution pour la raison que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pas perçu une somme supérieure à la valeur réelle du dommage qu'ils avaient subi, tout en constatant, d'un côté, que l'indemnité réglée par l'assureur dommages-ouvrage était d'un montant de 87 153,38 euros et, de l'autre, que le coût des travaux de reprise devait être fixé à la somme de 21 680 euros, toute autre considération étant inopérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 121-1 du code des assurances, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le prix de vente de l'immeuble avait été fixé après déduction d'une somme correspondant à l'indemnité indexée, ce dont il résultait que le transfert s'était opéré pour la totalité de cette dernière, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande subsidiaire formée par la société L'Auxiliaire contre les époux X... devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. Z... et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec M. A... et la MAAF, à payer à la société L'Auxiliaire la somme de 21 680 euros, outre une indemnité de procédure alors, selon le moyen :

1°/ que l'assureur dommages-ouvrage n'a pas qualité pour agir en responsabilité contre les constructeurs si les maîtres d'ouvrage sont condamnés à lui rembourser les sommes qu'il leur avait payées ; qu'en l'espèce, à l'appui de son pourvoi en cassation, la compagnie L'Auxiliaire critique la cour d'appel en ce qu'elle a rejeté sa demande de condamnation des maîtres d'ouvrage à lui rembourser les sommes qu'elle leur a versées ; que la cassation de l'arrêt sur ce point entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt ayant prononcé des condamnations de l'architecte et de son assureur au profit de la compagnie L'Auxiliaire, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que l'assureur dommages-ouvrage n'est subrogé dans les droits du maître d'ouvrage qu'à hauteur des paiements effectués en exécution de ses obligations ; qu'il ne doit garantir que les dommages relevant de la garantie décennale ; que dès lors, il ne peut exercer de recours subrogatoire contre les constructeurs pour des dommages ne relevant pas de cette garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que les fissures litigieuses ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination mais que l'architecte était responsable d'un défaut de suivi du chantier sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en accueillant néanmoins le recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage, la cour d'appel a violé les articles L. 121-12 et L. 242-1 du code des les assurances ;

Mais attendu, d'une part, que la cassation n'étant pas prononcée sur le pourvoi principal, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le dépassement des délais légaux ne rendait pas impossible l'exercice d'un recours subrogatoire par la société L'Auxiliaire qui avait payé l'indemnité d'assurance à la suite d'une assignation en référé, ce dont il résultait que cette indemnité avait été payée en exécution de l'obligation de garantie née du contrat d'assurance et que l'assureur, subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers auteurs du dommage, était fondé à agir à leur encontre, quel que soit le fondement juridique donné à cette action, la cour d'appel en a exactement déduit que le recours subrogatoire était fondé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Auxiliaire à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros et à la société MMA IARD la somme de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;