Qu'en penser ?
1°) Que le processus participatif soit désormais possible en France est une très bonne nouvelle pour au moins deux motifs :
1-1 Il facilitera la proposition par les avocats à leurs clients d'un mode alternatif de résolution des conflits amiable comme préalable à toute action contentieuse;
1-2 Les avocats pourront désormais aussi s'adresser directement à l'autre partie dans le cadre de ces échanges puisqu'ils supposent une rencontre obligatoire des parties tout au long du processus.
En effet, il est parfois encore difficile de faire comprendre à nos clients que négocier est leur intérêt mais plus encore, ils ont du mal à entendre que la déontologie nous interdit de rentrer en contact direct avec l'autre partie si elle a un avocat qui le refuse et que cette prise de contact est difficile si elle n'a pas d'avocat pour des motifs de confidentialité qui ne préservent pas ces échanges. Instituer un mode de discussion amiable et s'engager dans cette voie avec l'autre partie est un préalable qui me semble fondamental
2°) En revanche, il apparait critiquable que les développements de cette procédure participative par le rapport Guinchard n'insistent pas sur le fait, qu'être rompu aux règles inspirées de celles mises en pratique par nos confrères américains, impose une formation au processus de négociation raisonnée reprise en médiation et pas au seul respect du cadre du processus participatif mais en sus à une obligation de se déporter en cas d'échec.
2-1 une formation minimale aussi aux techniques de négociation raisonnée
Il ne suffit pas de se réunir au minimum à quatre pour penser que de cette discussion va jaillir subitement la lumière parce qu'on a décidé de trouver un accord. Il faut que cet accord soit celui des parties et non de leurs avocats. Que les intérêts juridiques de chaque partie parce qu'elle est assistée d'un avocat soient préservés alors que la médiation est décriée parfois pour ce motif est une bonne chose mais elle n'est en rien suffisante. Les parties doivent être mises en situation de dialogue qui n'est par essence pas de bonne qualité si elles ont un litige en cours qu'elles n'ont pu résoudre. Il faut donc que les avocats soient rompus aux techniques de communication spécifiques pour conduire ce type d'entretien et faire en sorte que les parties trouvent ensemble une solution qui soit la leur avec des modalités consensuelles qui soient viables. Le choix de l'avocat sera donc un élément déterminant. On voit mal que cela soit possible avec un confrère qui ne s'est pas engagé dans cette démarche préalable de faciliter la recherche par son client d'un accord qui ne soit pas que positif pour son seul client en l'aidant par sa formation spécifique à dépasser ses positions pour s'intéresser aux besoins et intérêts mutuels en cause. D'ores et déjà, il est évident que cela ne conviendra pas à tous les avocats car certains sont plus contentieux que d'autres mais aussi que la qualité d'avocat est insuffisante pour parvenir à pratiquer ces techniques qui supposent, quelque soit le talent personnel de chacun, d'être apprises et pratiquées. Et d'ailleurs, l'expérience des pays anglo-saxons qui ont développé cette pratique est d'avoir accrédité les avocats formés au processus de négociation raisonnée. Or, actuellement, les avocats, sincèrement intéressés à ce nouvel outil se sont surtout formés au cadre du processus (conditions de mise en oeuvre, actes) pas à son contenu pour y parvenir (techniques de négociation raisonnée). Il y a donc une obligation de formation de base et de formation continue qui s'impose à eux.
2-2 L'obligation de se déporter en cas d'échec
Il est pour moi peu cohérent de prétendre tendre à un accord et de rester l'avocat qui gérera le contentieux en cas d'échec. Le défi est bien de réussir et de mettre tout en oeuvre pour permettre qu'un accord soit conclu avec un mandat exclusif de négociation. En tant qu'avocat, on entretient un dialogue avec les deux parties en litige certes sous le contrôle de l'autre confrère mais il est évident que cette démarche doit être sincère et créer un climat de confiance et non de défiance. Comment le créer si l'autre partie sait d'avance qu'en cas d'échec, vous allez rentrer dans le rôle déplaisant de celui qui ne défendra plus que son seul client ? Certes, on peut imaginer que le conflit peut être moins virulent parce que l'on est passé par ce processus mais quand une partie n'a plus rien à perdre, elle demandera à être légitimement bien défendue. Or, ce processus étant confidentiel, il est sensé le rester. Comment ne pas imaginer que l'on puisse ne pas s'en servir alors qu'humainement, on aura eu la possibilité d'apprendre beaucoup de choses sur l'adversaire. La crédibilité des avocats qui participent à ce processus est clairement en cause. Faire homologuer par un juge un accord partiel reste possible mais c'est tout. Ils ne peuvent plus assurer la défense des points sur lesquels aucun accord n'a été possible. De ce point de vue, les avocats qui sont encore très peu nombreux en France à s'être formés au processus participatif soit sauf erreur de ma part, dans les barreaux de Lille, Lyon, Nice et Paris seulement, sont fermement décidés à se faire accréditer par le CNB et à créer une association nationale afin que les justiciables sachent à qui s'adresser dans leur région de la même façon que ce devrait être possible pour les médiateurs sous peu. Ces avocats refuseront de poursuivre au contentieux les affaires gérées dans le cadre de cette nouvelle procédure participative de négociation assistée par avocat. Mais tout cela n'est que projet, nous attendons tous la prochaine loi qui doit être débattue sur la base notamment de ce rapport Guinchard mais pas seulement.
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