A mi chemin entre la démission et le licenciement, la rupture conventionnelle permet une séparation amiable des parties au contrat de travail. Le législateur a souhaité offrir ce nouveau mode de rupture au monde du travail pour tenter de pacifier la fin d'une relation qui, il faut le dire, est l'objet d'un contentieux important depuis des décennies. Si cette 3ème voie de rupture existait déjà sous la forme du départ négocié, cette rupture conventionnelle, codifiée aux articles L1237-11 à 1237-16 du nouveau Code du travail, peut apparaître attrayante. Elle nécessite toutefois certaines précautions.

1/ Cas de recours à la rupture conventionnelle : s'il semble possible de recourir à la rupture conventionnelle dans tous les cas où une séparation est envisagée par les deux parties, il est des situations où il faut l'éviter au risque de voir annuler la rupture. C'est d'abord le cas des difficultés économiques de l'entreprise qui, plutôt que de licencier économique son ou ses salariés, serait tenter par la rupture conventionnelle. D'abord, le Code du travail prévoit expressément que la procédure de rupture conventionnelle ne s'applique pas aux départs résultant d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Mais surtout, il est certain que la rupture conventionnelle ne doit pas conduire à un détournement de procédure dès lors que l'origine économique de la rupture et son caractère imputable à l'entreprise ne sont pas contestables. C'est ensuite le cas où l'employeur souhaiterait substituer au licenciement pour faute une rupture conventionnelle. D'après la jurisprudence, une rupture amiable ne peut intervenir qu'en l'absence de litige entre les parties, de telle sorte que le consentement du salarié puisse être « clair et non équivoque » (ce qui n'est pas le cas par exemple d'une rupture conventionnelle qui fait suite à une convocation à entretien préalable), à défaut de quoi là encore la rupture peut être annulée. C'est enfin le cas d'un contrat de travail suspendu pour cause de congé maternité ou d'arrêt de travail consécutif à un accident du travail, contrat qui ne saurait faire l'objet pendant sa suspension d'une rupture conventionnelle.

2/ Entretien(s) préalable(s) à la rupture conventionnelle : si le Code du travail préconise un ou plusieurs entretiens, aucune précision n'est faite quant à la forme, ce qui signifie que ces entretiens peuvent rester informels. Toutefois, à compter du moment où les textes prévoient que les parties peuvent être assistées lors de ces entretiens, il est préférable de pouvoir justifier que le salarié a été dûment avisé de son droit à assistance. A défaut de quoi, il pourrait prétexter ne pas avoir été en mesure de consentir valablement à la rupture conventionnelle, ce d'autant plus que le Directeur Départemental du Travail veille à ce que les droits du salarié aient été respectés. Un courrier convoquant à un entretien avec mention des modalités d'assistance semble donc vivement recommandé. Une autre difficulté peut résulter de la rémunération du temps de négociation, raison pour laquelle il est la aussi préférable de tenir les entretiens pendant le temps de travail du salarié qui sera par hypothèse rémunéré.

3/ Choix de la date de rupture et du montant de l'indemnité : le Code du travail prévoit que la date de la rupture conventionnelle ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation par la Direction du travail. La difficulté résulte du fait que la date d'homologation n'est pas connue par avance. Il faut donc prévoir une date de rupture suffisante en considération des délais imposés par les textes, étant entendu qu'aucune règle n'impose que la rupture intervienne obligatoirement dans la suite immédiate de l'homologation. Ainsi, même si aucun préavis n'est à effectuer dans le cadre d'une rupture conventionnelle, les parties peuvent expressément convenir que la date de rupture intervienne un ou deux mois après l'envoi du formulaire de demande d'homologation. Quant à l'indemnité, le Code du travail impose seulement qu'elle soit au moins égale à celle de l'indemnité légale de licenciement. De la sorte, aucun plafond n'est mentionné, ce qui permet aux parties de négocier librement les conséquences de la rupture et de prendre en compte, par exemple, les difficultés consécutives pour le salarié à retrouver un emploi. Et pour parfaire l'information due au salarié, il est recommandé de préciser en annexe de la rupture conventionnelle le régime fiscal et social de l'indemnité, indemnité qui ne peut pas se confondre avec l'indemnité de non concurrence. En effet, en cas de clause de non concurrence, et si les parties décident de maintenir le jeu de cette clause malgré la rupture conventionnelle, la contrepartie financière doit être versée au salarié de manière complémentaire.

4/ La demande d'homologation : il faut rappeler que selon arrêté modificatif du 28 juillet 2008, la demande d'homologation d'une rupture conventionnelle du contrat d'un salarié protégé est soumise non pas au Directeur Départemental du Travail mais à l'Inspecteur du Travail. Pour les autres salariés qui dépendent donc de la DDTEFP, l'homologation conditionne la validité de la rupture conventionnelle. Elle intervient dans les 15 jours ouvrables, à charge pour le Directeur Départemental du Travail de vérifier ; la tenue d'un ou plusieurs entretiens / les règles d'assistance / l'indemnisation de la rupture / le délai de rétractation / la procédure suivie / et la liberté du consentement. En cas de refus, la décision écrite motivée doit contenir les points non conformes aux dispositions fixées par la loi, de telle sorte que les parties puissent être en mesure de régulariser la situation en adressant un nouveau formulaire de demande d'homologation qui inclura par hypothèse une nouvelle date de rupture. Par contre, si à l'expiration du délai d'instruction, il n'y a pas eu de rejet explicite de la demande d'homologation, cette dernière est réputée acceptée.

5/ Sécurisation de la rupture conventionnelle : parce que la loi du 25 juin 2008 et les différents textes d'application n'ont pas anticipé les difficultés liées à la rupture conventionnelle, il semble devoir être recommandé d'annexer au formulaire type de l'administration (au titre de la demande d'homologation) un document ayant comme objectif de sécuriser l'accord. Cet avenant, signé par les parties, pourrait porter sur la reconnaissance du droit de rétractation / le sort du droit individuel à la formation / l'obligation de non concurrence et l'indemnisation consécutive / la confidentialité de la rupture / l'aménagement d'un out placement rémunéré par l'entreprise / le régime fiscal et social de l'indemnité / les conséquences de l'homologation et le délai unique de 12 mois en cas de contestation. Le but de ce document est de démontrer que les parties ont pu, compte tenu de toutes ces précisions, être parfaitement éclairées sur les termes de la rupture. En effet, en cas de contestation de la rupture conventionnelle devant le Conseil de prud'hommes, le salarié sera tenté de soutenir avoir signé en méconnaissance de ses droits la rupture conventionnelle. Dans un tel cas, en fonction des éléments du dossier, le juge devra vérifier si tel ou tel point oublié dans la convention est susceptible de vicier la rupture et donc, d'emporter son annulation.

6/ Précisions ultimes : le texte ne prévoit la rupture conventionnelle qu'en matière de contrat à durée indéterminée. Le contrat à durée déterminée n'y bénéficie donc pas, même si celui-ci peut toujours faire l'objet d'une rupture d'un commun accord qui n'ouvre quant à elle pas droit aux indemnités minimales de rupture. Par ailleurs, l'indemnité de rupture conventionnelle est exonérée d'impôt et de charges sociales à hauteur du plus élevé de 3 seuils définis dans le texte, dont l'un des seuils est deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail. Enfin, l'une des innovations majeures, c'est que le salarié aura droit au bénéfice des allocations d'assurance chômage.

Jean-Philippe SCHMITT,

Avocat à DIJON

Spécialiste en Droit du Travail

03.80.48.65.00

Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail