La prescription de l’action en régularisation des charges locatives constitue une source fréquente de litige dans le cadre des baux commerciaux. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 5 septembre 2024 (CA Paris, 5-9-2024, ch. 5-3, n° 23/01839) apporte un éclairage important sur ce sujet. Contrairement à ce que soutenait un locataire, cette action n’est pas soumise à la prescription biennale prévue par le statut des baux commerciaux, mais à la prescription quinquennale de droit commun. Ce jugement clarifie les obligations des bailleurs et les droits des locataires, tout en soulignant les limites du statut des baux commerciaux.
rappel des faits
Dans cette affaire, le propriétaire d’un local commercial situé dans une copropriété réclamait à son locataire la somme de 30 717,90 € pour la régularisation des charges locatives des années 2016 à 2019. Le locataire contestait cette demande en invoquant la prescription biennale prévue à l’article [[L145-60 du code de commerce]].
Le raisonnement du locataire reposait sur deux arguments principaux :
- Les charges locatives devaient être régularisées chaque année, dans un délai de trois mois après la reddition des charges de copropriété, conformément à l’article [[L145-40-2 du code de commerce]].
- Une action introduite au-delà de deux ans après ce délai serait prescrite.
Le bailleur, quant à lui, soutenait que l’action en régularisation des charges n’était pas régie par le statut des baux commerciaux, mais par le droit commun des contrats, soumis à la prescription quinquennale de l’article [[2224 du code civil]].
le raisonnement de la cour d’appel
La cour d’appel de Paris a écarté l’argumentation du locataire et confirmé que l’action en régularisation des charges locatives relève du droit commun et non du statut des baux commerciaux.
Elle a rappelé que :
- L’article [[L145-40-2 du code de commerce]] impose au bailleur de transmettre un état récapitulatif annuel des charges locatives, mais ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de non-respect de cette obligation.
- Les demandes de paiement formulées par le bailleur pour la régularisation des charges ne concernent pas directement le statut des baux commerciaux, mais relèvent de l’obligation contractuelle générale du locataire de payer les charges dues.
En conséquence, ces demandes sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun, prévue par l’article [[2224 du code civil]].
une distinction essentielle : prescription biennale ou quinquennale ?
L’article [[L145-60 du code de commerce]] fixe une prescription biennale pour les actions exercées « en vertu du statut des baux commerciaux ». Cela inclut notamment :
- Les actions relatives au renouvellement du bail,
- Les litiges concernant le montant des loyers,
- Les différends liés à la répartition des travaux.
Cependant, toutes les actions en paiement n’entrent pas dans ce cadre. Comme l’a précisé la cour d’appel, l’action en régularisation des charges repose sur une obligation contractuelle qui dépasse le statut des baux commerciaux. Elle est donc régie par le droit commun, et la prescription applicable est de cinq ans.
implications pratiques pour les parties
Cet arrêt souligne l’importance pour les bailleurs et les locataires de bien comprendre le cadre juridique applicable à leurs relations contractuelles.
Pour les bailleurs
- Ils doivent respecter leurs obligations de transparence, notamment en transmettant les états récapitulatifs annuels des charges locatives dans les délais impartis.
- En cas de litige, ils peuvent invoquer la prescription quinquennale si leur action en régularisation ne concerne pas directement le statut des baux commerciaux.
Pour les locataires
- Ils doivent être vigilants quant aux délais de régularisation des charges et conserver toutes les communications écrites avec le bailleur.
- Ils peuvent contester une demande de régularisation tardive si celle-ci excède les cinq ans prévus par l’article [[2224 du code civil]].
un enseignement jurisprudentiel à retenir
L’arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-9-2024, ch. 5-3, n° 23/01839) s’inscrit dans une jurisprudence constante qui distingue les actions relevant du statut des baux commerciaux et celles qui en sont exclues. Par exemple, des décisions antérieures ont déjà soumis des actions similaires, comme celles portant sur le paiement d’une indemnité compensatoire, à la prescription quinquennale [[Cass. 3e civ., 14 juin 2018, n° 17-11.892]].
Cette distinction est essentielle pour éviter les confusions entre les délais de prescription applicables, qui varient selon la nature de l’obligation invoquée.
conclusion
L’arrêt du 5 septembre 2024 apporte une clarification bienvenue sur la prescription de l’action en régularisation des charges locatives. En confirmant que cette action relève du droit commun et non du statut des baux commerciaux, la cour d’appel de Paris renforce la sécurité juridique des relations entre bailleurs et locataires.
Ce jugement rappelle également l’importance pour les parties de respecter leurs obligations respectives et d’agir dans les délais impartis. Une gestion rigoureuse des charges locatives, combinée à une compréhension précise des règles de prescription, est essentielle pour éviter les contentieux et préserver un équilibre contractuel.
En cas de doute, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des baux commerciaux afin d’assurer une défense efficace de ses intérêts.
Le Bouard Avocats
4 place Hoche,
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