Alors que l'épave venait d'être retrouvée, après près de deux ans de recherches infructueuses, et des corps découverts dans l'épave en très bon état de conservation, la polémique commence à l'occation des premières révélation de la campagne de remontée des enregistreurs de vol (FDR - Flight Data Recovery).

En effet, le Bureau Enquêtes Analyses pour la Sécurité de l'Aviation Civile (BEA) a publié le 27 avril 2011 un communiqué de presse sur les premiers résultats de recherche:

Au cours de la première plongée du Remora 6000 qui a duré plus de douze heures, le châssis de l'enregistreur de paramètres de l'avion - Flight Data Recorder (FDR) - a été retrouvé sans le module protégeant et contenant les données (module mémoire). Il était entouré de débris appartenant à d'autres parties de l'avion.

Communiqué très laconique, on en convient.

Faute d'explications plus poussée sur les raisons de cette découverte incomplète, nous ne pouvons que spéculer. Et qui dit spéculer ... dit nécessairement mal interpréter.

Tous les éléments d'une polémique étaient nés. C'est ainsi que l'Avocat de certaines familles des victimes met en cause la sincérité et l'honorabilité du BEA, l'accusant en substance d'avoir concourru à une falsification des preuves, et d'avoir fait obstacle à la manifestation de la vérité...

Même si l'on peut comprendre les raisons qui poussent les victimes à exprimer leur souffrance en suivant les progrès de l'enquête avec des scrupules extrêmes, qui les honorent, je ne puis adhérer à cette vision simpliste de la mise en cause du BEA, même si certains faits méritent explication.

1- Sur la disparition du module d'enregistrement du FDR: (voir photos en pied)

Le FDR est composé d'un ensemble de têtes d'enregistrement, d'un module mémoire et d'une batterie. (photo n° 2, source BEA)

Jusqu'à présent, il est convenu de considérer que le FDR constitue un tout indesctructible, résistant au crash, au feu, à l'eau... Ainsi, l'avion peut n'être plus que cendres, mais le FDR est conçu pour permettre précisément aux équipes d'investigation de comprendre les raisons techniques de l'accident.

Si l'on lit bien le communiqué de presse, et les quelques mots qui le composent, le module d'enregistrement ne se retrouve plus dans le FDR retrouvé sur place. (Photo n° 1, source BEA)

Ce qui ne peut signifier que trois possibilités, toutes trois lourdes de conséquence:

a) Soit qu'il s'est dissocié dans le choc, b) Soit qu'il en a été retiré par une force inconnue après le choc, une fois parvenu à son point d'immersion, à -3900 m c) Soit qu'il n'a jamais été posé dans le FDR au départ de Rio.

Difficile d'accepter les deux dernières hypothèses: La dernière des hypothèses signifierait une grave défaillance des équipes d'entretien et des pilotes au départ de Rio.

La deuxième hypothèse signifierait une intervention nécessairement criminelle destinée à dissimuler les causes réelles du crash. Mais supposerait également des moyens particulièrement lourds, et suffisamment discrets, qui ne pourraient être mis en place que par une équipe sous-marine militaire, pour avoir pu opérer en secret. Laquelle? Celle française? Celle d'un autre pays qui aurait intérêt à cacher les causes du crash? Spéculer plus avant confinerait à la paranoïa, ce à quoi je me refuse.

La seule hypothèse acceptable serait donc que le FDR ne serait pas aussi "résistant" qu'il n'est affirmé urbi-et-orbi. Et que le choc d'un crash d'un avion de ligne à pleine puissance pourrait donc avoir raison d'un tel appareil, alors même qu'il n'a pas endommagé les corps retrouvés dans l'épave.

Une erreur de fabrication est toujours possible, mais il est très important que les autorités s'expliquent très rapidement sur les causes de cette non-intégrité du FDR.

2- Sur la pertinence des campagnes de recherche précédentes:

Il est reproché de manière indirecte aux équipes de recherche d'avoir cherché l'avion là où il ne pouvait pas être, et de n'avoir surtout pas cherché là où il se trouvait (Dans la ligne de trajectoire directe de sa dernière position connue).

De fait, on peut légitimement s'étonner de la raison qui a poussé les 4 premières campagnes de recherche à aller chercher l'épave là où elle ne pouvait être. Le parti pris était que l'épave aurait pu s'être désintégrée en l'air, et que les débris se seraient dispersés sur un périmètre inouï.

Mais l'hypothèse selon laquelle l'avion aurait tout simplement chuté à partir de sa dernière position connue n'était pourtant pas incongru, ni à exclure d'emblée.

L'analyse paranoïaque complotiste de la situation peut pousser certains à considérer l'existence d'un complot visant à écarter les équipes de recherches, le temps pour l'équipe "secrète" d'opérer tout aussi secrètement pour soustraire le boitier mémoire. Hypothèse qui sent bon la combinaison étanche, la graisse à fusil et les Sous-Marins.

Le fait est que les équipes de recherche ont scrupuleusement cherché dans toutes les zones complexes, difficiles d'accès, une aiguille dans des infractuosités de rocher, alors qu'il fallait chercher plus simplement à plat sur le sable.

Je penche plutôt pour la thèse de l'erreur. Erreur fatale en l'occurence, puisqu'elle a entraîné la perte de chances de récupérer les données. Mais à mon avis simple erreur d'appréciation.

En effet, la première campagne de recherches intervient dans les heures qui suivent le crash, pour récupérer les épaves flottantes, dispersées sur une grande surface maritime.

La deuxième campagne de recherche essaie de repérer les FDR au signal qu'elles sont supposées émettre pendant le temps d'émission de la balise (2 mois). Mais elle cherche à un point supposé où le pilote aurait fait faire demi-tour à son appareil (sans aucune justification de cette thèse).

La troisième campagne considère que l'avion se serait désintégré en vol, et que le cône de dispersion des débris est très large. On agrandit donc encore le rayon de recherche.

Seule la 4ème capagne envisage de chercher dans la direction initiale de l'avion depuis son dernier point connu. De fait, les avions volent généralement en ligne droite au dessus de l'atlantique. Et c'est l'option payante. Mais avec 2 ans de retard, et la perte de données essentielles, à courte durée de vie.

Très regrettable.

Mais en l'état des informations dont on dispose, rien ne vient corroborer une volonté du BEA de faire disparaître des preuves.

D'autant que, faut-il le rappeler, le BEA n'est pas là pour "chercher" les preuves, mais pour analyser les éléments et en ressortir les causes de l'accident.

En revanche, dans l'intérêt des familles des victimes, et dans l'intérêt de la Vérité, il faut espérer que les responsables des campagnes de recherche présenteront des explications satisfaisantes sur les raisons de l'éparpillement initial des recherches, et que - si erreur il y a eu - elle soit tout simplement reconnue. La transparence est essentielle dans ces drames. On ne peut pas ne pas repenser à la gestion de crise de l'enquête sur le crash de l'Airbus d'Absheim. On ne peut pas non-plus ne pas penser à la gestion de l'enquête du Bugaled-Breizh. Deux enquêtes qui ont laissé les familles des victimes avec trop de questions sans réponses.

Le silence fait naître le mystère, et donc les spéculations et la crainte du complot. La transparence arrête toute spéculation.

Ariel DAHAN

Avocat

Le 2 mai 2011: Fin de la polémique sur la recherche du boitier d'enregistrement?

Le BEA informe que l'équipe de recherche a découvert le boitier manquant. En bon état.

http://www.bea.aero/fr/enquetes/vol.af.447/info01mai2011.fr.php

Le boitier a été remonté le 1er mai en fin d'après-midi, et l'analyse pourra bientôt se faire.

A présent, la campagne de recherche va commencer à remonter les différents éléments de l'épave, avant de décider si elle remonte ou non les corps.

Une décision judiciaire devra être prise à ce sujet.