Est-il envsiageable d'engager la responsabilité civile de la banque devant le tribunal judiciaire ?

En droit français, il existe deux types de responsabilité civile et pénale.

La plainte pénale a pour finalité le prononcé d’une peine (emprisonnement, amende...) à l’encontre de l’auteur d’une infraction pénale, telle que l’abus de faiblesse.

Au procès pénal devant le tribunal correctionnel, en se constituant partie civile la victime et/ou ses héritiers, pourront demander réparation du préjudice financier subi.

L’action civile a pour finalité l’indemnisation d’un préjudice.

Quid si l’auteur de l’abus de faiblesse n’est pas solvable ?

1. Responsabilité du banquier dont la défaillance a favorisé la spoliation d’une personne vulnérable

Les auteurs considèrent que s’il est un professionnel qui est à même, en raison de ses activités de détecter des constitutifs du délit de faiblesse, c’est le banquier (J. Lasserre Capdeville, Le banquier face au délit de faiblesse).

En effet, celui-ci peut aisément connaître toutes les opérations de paiement et de retrait passés à partir d’un compte bancaire et pourra alors être témoin de particulièrement explicites (J. Lasserre Capdeville, La détection du délit d’abus de faiblesse par le banquier, AJ Pénal 2018).

2. Obligations de vigilance constante de la banque dans la relation d’affaire avec son client

La loi exige une double exigence de « connaissance » actualisée » du client et d’« examen attentif des opérations effectuées », afin que l’établissement financier soit toujours en mesure d’évaluer la cohérence des opérations en question au regard de la connaissance qu’il a de du client (Code monétaire et financier, art. L. 561-2 (ancien art. L. 561-6) et art. R. 561-14).

3. Déclaration de soupçons et obligation d'information automatique de TRACFIN t

La fréquence et le montant élevé des retraits d’espèces doivent alerter le professionnel et le conduire à réaliser une déclaration auprès de la cellule de renseignement Tracfin en vertu des dispositions des articles L. 561-15-1 et R. 561-31-2 du Code monétaire et financier.

4. Obligation de vigilance du banquier lors de l'exécution des ordres de paiement

En application de l’article 1231-1 du Code civil et 1134 (ancien), un établissement bancaire est tenu à une obligation de vigilance envers son client, tant lors de l’ouverture d’un compte bancaire qu’à l’occasion de son fonctionnement.

5. Le devoir de non-ingérence n’exclut pas le devoir de vigilance du banquier, lui imposant notamment de relever les anomalies apparentes.

L’anomalie apparente est celle qui ne doit pas échapper au banquier vigilant.

Sont qualifiées d’anomalies dans lesquelles les opérations présentent soit un montant très élevé par rapport aux revenus habituels du titulaire du compte, un nombre importants de chèques, d’achats par carte bancaire ou de retraits d’espèces inhabituels.

La responsabilité du banquier est engagée pour absence de vérification du caractère anormal ou inhabituel des dépenses (Cass. com., 1er juill. 2003, Cts Jauzon c/ American Express Carte France, pourvoi n° X 00-18.650, arrêt n° 1104 FS-P+B+I : Juris-Data n° 2003-019863).

Ainsi en cas d’anomalies apparentes affectant la situation du titulaire du compte ou certaines opérations, le banquier est tenu de refuser son concours ou à tout le moins, il peut avertir la famille et/ou le procureur de la République du danger encouru par sa cliente manifestement hors d’état de se protéger.

Une personne vulnérable a effectué des retraits en espèce de sommes inhabituelles et importantes de près de 100 000 euros en trois semaines au profit d'un individu mis en examen pour abus de faiblesse.

Ces retraits ont mis en péril son patrimoine car ils ont nécessité la réalisation de placements et vente de titres en espèces.

Le banquier qui a commencé à avoir des soupçons lors du troisième retrait et a interrogé la cliente sur le bénéficiaire du prêt de ces sommes, a manqué à son obligation de prudence et de vigilance en se limitant à une mise en garde et en lui remettant les sommes réclamées.

Le banquier même tenu au devoir de non-ingérence et au secret des affaires aurait dû avertir le fils de la cliente (Cour d'appel, PARIS, Chambre 15 section B, 17 Mai 2002).

5. Inaction fautive du banquier en présence d’opérations à caractère anormal et inhabituel

Les mouvements financiers opérés sur une brève période, sans proportion avec les mouvements antérieurs, ni avec une activité donnant cohérence ou vraisemblance avec de telles dépenses devraient appeler de la part du banquier un surcroît de vigilance au regard de ses obligations professionnelles et contractuelles.

Si par ailleurs la banque a facilité les opérations litigieuses et notamment le changement de clause bénéficiaire alors que sa cliente était considérablement affaiblie par une maladie neuro évolutive, sa responsabilité civile est susceptible d’être engagée.

Il en est ainsi lorsque l’attitude totalement inadaptée du banquier a occasionné la spoliation de la victime et privé les ayants-droit de leur héritage.

L’information de la famille ou du procureur aurait permis de demander au juge des tutelles l’ouverture d’une mesure de protection et procéder à toutes investigations nécessaires.

Une telle communication aurait permis au juge d’intervenir rapidement afin de mettre un terme aux faits considérés objet d’une plainte pénale.

Il s’agit d’actions attendues d’un banquier professionnel et justifiées dans le but de protéger les intérêts de sa cliente.

Le succès des actions civiles dépend des preuves qui sont à la charge du demandeur.


Claudia CANINI

Avocat à la Cour - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com