1) Faits et procédure

Mme X a été embauchée à compter du 28 juillet 2014 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de consultant (statut de cadre) par la société DEVOTEAM, ayant une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils dite “Syntec”.

Mme X a été placée en arrêt de travail pour maladie du 26 septembre 2016 au 30 juin 2018.

À l’issue d’une visite médicale de reprise du 2 juillet 2018, le médecin du travail a préconisé un travail à mi-temps thérapeutique.

Mme X a été de nouveau placée en arrêt de travail pour maladie du 15 octobre 2018 au 9 avril

2019.

Le 1 avril 2019, Mme X a saisi er le conseil de prud’hommes de Nanterre pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société DEVOTEAM produisant les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de cette dernière à lui payer diverses sommes.

Mme X a été placée en arrêt de travail pour maladie du 15 au 18 avril puis du 23 au 28 avril

2019.

Une visite de reprise est intervenue le 13 mai 2019.

Par lettre du 14 mai 2019, la société DEVOTEAM a convoqué Mme X à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 13 juin 2019, la société DEVOTEAM a notifié à Mme X son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société DEVOTEAM employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de Mme X s’élevait à 3 666 euros brut.

Mme X a contesté à titre subsidiaire devant le conseil de prud’hommes la validité et le bien-fondé de son licenciement.

Par un jugement du 5 mai 2022, le conseil de prud’hommes a :

- condamné la société DEVOTEAM à payer à Mme X une somme de 3 000 euros au titre d’une

absence d’organisation d’entretien professionnel ;

- débouté Mme X du surplus de ses demandes.

- laissé à chaque partie le soin de supporter ses frais irrépétibles et les dépens de l’instance.

Le 10 juin 2022, Mme X a interjeté appel de ce jugement.

2) Motivation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 janvier 2024

La cour d’appel de Versailles, statuant par arrêt contradictoire,

. Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur les dommages-intérêts pour défaut d’entretien professionnel prévu par l’article L. 6315-1 du code du travail, l’indemnité compensatrice de congés payés, la nullité du licenciement de Mme X, l’indemnité pour licenciement nul, les intérêts légaux, la remise de documents sociaux, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

. Condamne la société DEVOTEAM à payer à Mme X une somme de 1 555,18 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

. Dit que le licenciement de Mme X est nul,

. Condamne la société DEVOTEAM à payer à Mme X une somme de 30 000 euros net à titre d’indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. Ordonne à la société DEVOTEAM de remettre à Mme X un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes au présent arrêt,

. Ordonne le remboursement par la société DEVOTEAM, aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme X du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités,

. Condamne la société DEVOTEAM à payer à Mme X une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

. Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

. Condamne la société DEVOTEAM aux dépens de première instance et d’appel.

(…)

2.11) Sur la validité du licenciement et ses conséquences :

Considérant que Mme X soutient que son licenciement est nul aux motifs qu’il est sans cause réelle et sérieuse et que :

- il repose en réalité sur un motif discriminatoire lié à l’état de santé puisqu’elle a fait l’objet de plusieurs l’arrêts de travail pour maladie pendant la relation de travail et qu’elle a été convoquée à

un entretien préalable au licenciement le 14 mai 2019, soit le lendemain même de sa visite médicale de reprise ;

- il a été prononcé dans “contexte de harcèlement moral discriminatoire fondé sur son état de santé”;

- il constitue en réalité une mesure de rétorsion à sa dénonciation de faits de harcèlement moral et à son action en résiliation judiciaire formée devant le conseil de prud’hommes ;

Qu’elle réclame en conséquence l’allocation d’une somme de 70 000 euros net à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

Que la société DEVOTEAM conclut que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’aucun motif de nullité n’est établi ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail : “Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français” ; qu’en application de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu’aux termes de L.1132- 4 du même code : “ Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul” ;

Qu'en l'absence de visite de reprise, le contrat de travail demeure suspendu de sorte que seuls des manquements à l'obligation de loyauté peuvent être reprochés au salarié ;

Qu’en l’espèce, il est constant que Mme X a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie durant plusieurs années et qu’elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 14 mai 2019, soit le lendemain même de la visite de reprise consécutive à son dernier arrêt de travail pour maladie ;

Que Mme X présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte liée à son état de santé dans la décision de l’employeur de procéder à un licenciement ;

Que pour sa part, la société DEVOTEAM n’établit pas que le licenciement de Mme X est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu’en effet, la lettre de licenciement reproche à Mme X “ un manque caractérisé d’implication pour être repositionné en mission ” chez des clients de la société DEVOTEAM, une “ passivité et un manque d’implication sur la mission interne qui lui a été confiée au sein de la société DEVOTEAM ”, un “non-respect des directives relatives au suivi d’une formation interne” , un “comportement particulièrement désinvolte à l’égard de son supérieur hiérarchique” tous ces griefs étant imputés à Mme X à compter de la fin de son arrêt de travail survenue le 9 avril 2019 et avant la visite de reprise du 13 mai suivant ;

Qu’il en résulte que la société DEVOTEAM reproche à Mme X des manquements liés à l’exécution même des tâches prévues par le contrat de travail, sans invoquer de manquements à l’obligation de loyauté, alors que son contrat était suspendu dans l’attente de l’intervention de la visite médicale de reprise, ce qui est constitutif d’un défaut de cause réelle et sérieuse ;

Que dans ces conditions, faute d’établir que licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à l’état de santé, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de nullité, il y a lieu de dire que cette mesure est nulle ;

Qu’en conséquence, Mme X est fondée à réclamer une indemnité pour licenciement nul ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois en application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail ;

Qu’eu égard à son âge (née en 1985), à son ancienneté de quatre ans et dix mois environ, à sa rémunération des six derniers mois (21 996 euros brut), à sa situation postérieure au licenciement (chômage jusqu’en novembre 2021 sans justificatifs de recherche d’emploi), il y a lieu d’allouer à Mme X une somme de 30 000 euros net à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

Que le jugement sera infirmé sur ces points ;

2.12) Sur les intérêts légaux :

Considérant qu’il y a lieu de rappeler que la somme allouée ci-dessus à Mme X, qui a un caractère indemnitaire, porte intérêts légaux à compter du présent arrêt ; que le jugement attaqué sera infirmé sur ce point ;

2.13) Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société DEVOTEAM de remettre à Mme X un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes au présent arrêt ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Que le débouté de la demande d’astreinte sera en revanche confirmé, une telle mesure n’étant pas nécessaire ;

2.14) Sur le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur : considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société DEVOTEAM :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société DEVOTEAM aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme X du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités ;

2.15) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points ; que la société DEVOTEAM sera condamnée à payer à Mme X une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

 

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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