Le 28 octobre 2021 Mark Zuckerberg annonçait, lors de l’événement virtuel Facebook Connect, le changement du nom de la société FACEBOOK en META. Aussitôt, de nombreuses sociétés à travers le monde revendiquaient des droits antérieurs sur le terme META et menaçaient société nouvellement dénommée META d’actions judiciaires retentissantes. Plusieurs articles de presse s’étonnaient de l’amateurisme supposé concernant ce changement de nom qui aurait été annoncé sans vérification des droits antérieurs.

 

Il était toutefois peu probable que ce changement ait été réalisé du jour au lendemain sans avoir examiné les risques de contrefaçon ou d’opposition. Bien évidemment, un changement nom mondial pour une société de ce type entraine nécessairement des procédures à venir pendant plusieurs années. Il est en effet quasi-impossible de trouver un nom mondialement disponible dans des classes aussi chargées que celles exploitées par META.

 

Pour autant, avec quelques mois de recul, la stratégie juridique adoptée est plus claire au regard des données accessibles sur les registres de marques. Cette stratégie repose sur deux piliers l’acquisition de marques antérieures (1) et le dépôt de nouvelles marques après un dépôt « secret » (2).

 

1. L’acquisition de marques antérieures

 

Pour l’acquisition de droits antérieurs, il semblerait que META ait surtout privilégié la protection aux Etats-Unis plutôt que dans les autres pays du monde. En effet, la société META (de son nom complet META PLATFORMS, INC.) n’est à ce jour devenue cessionnaire que de marques aux Etats-Unis. Il est possible qu’elle ait adopté cette stratégie d’acquisition dans d’autres pays mais que les changements de titulaire ne soient pas encore publiés officiellement.

La société META est ainsi devenue propriétaire de plusieurs marques US comprenant META ou composées de ce terme dont les plus anciennes ont été déposées en mai 2015 :

 

Les changements de propriétaire de ces marques ont été inscrit à l’USPTO  le 19 novembre 2021. Il est probable que META ait prévu une cession à effet rétroactif lui permettant d’opposes ces droits nouvellement acquis à la plupart des sociétés qui pourraient s’opposer au nouveau nom META aux Etats-Unis.

 

L’acquisition de ces marques a surement été préparée de longue date, même si les informations publiques ne permettent pas d’en savoir beaucoup plus sur ces cessions. Les cessions sont apparemment plutôt récentes et ont été signées à compter de l’été 2021 (voir par exemple : https://tsdr.uspto.gov/caseviewer/assignments?caseId=86626971&docIndex=4&searchprefix=sn#docIndex=4)

 

2. Le dépôt de nouvelles marques META après un dépôt « secret »

 

L’acquisition de marques antérieures présente généralement un inconvénient puisque les produits et services couverts par ces marques ne protègent souvent qu’imparfaitement les produits et services qui seront exploités. Il est donc nécessaire de compléter ces acquisitions par de nouveaux dépôts pour sécuriser le choix de marque.

 

Toutefois, pour ne pas divulguer au grand public le nom envisagé, il est habituel que les grandes sociétés déposent une demande dans un pays qui ne divulgue pas facilement les données de dépôts sur les bases de données communément accessibles.

 

C’est la stratégie choisie par META qui a déposé sa nouvelle marque verbale en Jamaïque le 8 juillet 2021 et la marque avec le logo le 7 octobre 2021. Les données des marques jamaïcaines sont très difficilement accessibles puisqu’il n’existe même pas de possibilité de recherche des marques déposées sur le site de l’office jamaïcain !

 

En bénéficiant de cette date de priorité, META a très récemment déposé ses marques à travers le monde en bénéficiant de la date du 8 juillet 2021 ou du 7 octobre 2021, soit avant l’annonce du changement de nom.

Ainsi, la société META a déposé :

 

Au niveau européen, META a une stratégie diversifiée et ne se contente pas de sa demande de marque de l’Union Européenne qui est susceptible d’être attaquée par des droits antérieurs dans les 27 pays de l’Union.

Pour éviter le risque d’opposition devant l’EUIPO, META a déposé :

 

Il est possible que d’autres marques nationales aient été déposées mais qu’elles ne soient pas encore publiées.

 

En résumé, le changement de nom a évidemment été préparé depuis plusieurs mois et la stratégie adoptée parait efficace, surtout pour les Etats-Unis. L’acquisition de marques antérieures remontant à 2015 devrait permettre d’écarter la plupart des réclamations dans ce pays. Dans les autres pays du monde, et notamment en Europe, il ne semble pas que l’acquisition de marques antérieures ait été réalisée. Cependant, il est possible que ces cessions n’aient pas encore été rendues publiques sur les Registres. Affaire à suivre pendant encore quelques années !