Vu sur la Lettre de la 3ème ch. civ., à propos d'une clause abusive du contrat-type de l'ordre des architectes...

 
Note G. Virassamy, SJ G 2022, p. 408.
Note C. Sizaire, Constr.-urb., 2022-3, p. 28.
Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2022-3, p. 30.
Note . Charbonneau, RDI 2022, p. 175.
Note N. Bonnardel, D. 2022, p. 686.
Note P. Dessuet, RGDA 2022-4, p. 8
Note S. Bertolaso, RCA 2022-4, p. 52.
Note JD Pellier, D. 2022, p. 928
Note A. Caston, GP 2022-17, p. 51.

 Obligation pour le juge d’examiner le caractère abusif d’une clause de conciliation  

3e Civ., 19 janvier 2022, n° 21-11.095, (B) 

Pour la réhabilitation d'un logement, un contrat d'architecte est conclu en 2012, qui prévoit qu'en cas de litige portant sur son exécution, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation d'une association de consommateurs et ce, avant toute procédure judiciaire, sauf éventuellement mesures conservatoires. 

7 En application de cette clause, dont la validité n'était pas contestée, la cour d'appel déclare irrecevable l'action du maître d'ouvrage contre l'architecte, faute de saisine préalable de l'association de consommateurs désignée. Cette décision est cassée pour manque de base légale car les juges auraient dû examiner d'office la validité de la clause, qui était présumée abusive dans un contrat entre non-professionnel et professionnel. 

En application des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation et R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10° du même code, la clause qui a pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire. 

Les clauses imposant un mode alternatif de règlement des litiges peuvent priver la victime d'un dommage de son accès au juge car le défaut de mise en oeuvre de ce mode alternatif constitue une fin de non-recevoir (Ch. mixte., 14 février 2003, pourvoi n° 00-19.423, 00-19.424, Bull. 2003, Ch. mixte, n° 1) qui ne peut être régularisée en cours d'instance (Ch. mixte., 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.684, Bull. 2014, Ch. mixte, n° 3). 

Au visa des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation et R. 132-2, 10°, devenu R. 212- 2, 10° du même code, la Cour de cassation a jugé que la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197). 

Tel est le cas de la clause du contrat d'architecte imposant une conciliation préalable. Conformément à l'article R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014- 344 du 17 mars 2014, applicable au litige, il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause : même si les parties ne soulèvent pas expressément son caractère abusif, le juge ne peut en faire application que s'il constate qu'elle était stipulée entre professionnels ou que si le professionnel rapporte la preuve de son caractère non-abusif. 

On notera que l'article L. 612-4 du code de la consommation, qui n'était pas encore applicable au litige, interdit désormais toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. 

Responsabilité in solidum de l’architecte  

3e Civ., 19 janvier 2022, n° 20-15.376 

Note G. Virassamy, SJ G 2022, p. 408.
Note C. Sizaire, Constr.-urb., 2022-3, p. 28.
Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2022-3, p. 30.
Note . Charbonneau, RDI 2022, p. 175.
Note N. Bonnardel, D. 2022, p. 686.
Note P. Dessuet, RGDA 2022-4, p. 8
Note S. Bertolaso, RCA 2022-4, p. 52.

(B) La clause du contrat d'architecte prévoyant que celui-ci ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération peut-elle aboutir à une limitation de la condamnation de ce constructeur à une fraction des dommages, même quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier préjudice ? 

La clause d'exclusion de solidarité, insérée dans les contrats type proposés par l'ordre des architectes et présente dans un grand nombre de contrats, est source d'un abondant contentieux. 

La Cour de cassation a, par le passé, approuvé les juges du fond qui avaient retenu que la clause n'était pas abusive au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, tout en excluant son application en matière de garanties légales des constructeurs, compte tenu des dispositions de l'article 1792- 5 du code civil. 

8 Dans la présente affaire, la cour d'appel, saisie de demandes sur le fondement de la responsabilité de droit commun, a considéré que la clause n'était pas abusive au motif qu'elle ne créerait pas de déséquilibre entre le maître d'ouvrage et l'architecte. 

Elle cantonne la condamnation de l'architecte et de son assureur à la seule fraction des dommages correspondant à la part contributive de sa faute. La cassation intervient du chef d'une violation des règles de l'obligation in solidum. 

On sait que chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage (T. confl. 14 févr. 2000, n° 02929).

 Ainsi, l'obligation in solidum n'a pas pour objet de mettre à la charge d'une partie les conséquences de la faute des autres mais de résoudre la difficulté tenant à la pluralité des débiteurs de l'obligation de réparation d'un même dommage. L'obligation in solidum évite à la victime de partager son recours, avec les risques que cela comporte en cas d'insolvabilité de certains responsables. 

La clause litigieuse, telle qu'elle est libellée, ne déroge pas à ce principe : elle ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. Elle ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage