Voisinage, démolition, principes de proportionnalité et de réparation du préjudice
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 21-24.450
- ECLI:FR:CCASS:2022:C300826
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 30 novembre 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 21 septembre 2021
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 novembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 826 F-D
Pourvoi n° K 21-24.450
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022
1°/ M. [P] [X],
2°/ Mme [G] [S], épouse [X],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
ont formé le pourvoi n° K 21-24.450 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 12],
3°/ à Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 9],
4°/ à M. [T] [L], domicilié [Adresse 7],
5°/ au syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société Gilles Audran immobilier, dont le siège est [Adresse 13],
6°/ à la société G P-consultant Engineering, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],
7°/ à la société Neximmo 68, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], venant aux lieu et place de la société Mèze les Salins, société civile immobilière,
8°/ à Mme [D] [A], domiciliée [Adresse 2],
9°/ à Mme [J] [A], divorcée [K], domiciliée [Adresse 1],
10°/ à Mme [E] [A], domiciliée [Adresse 10],
11°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 5],
12°/ à [C] [A],ayant été domicilié [Adresse 1],
tous cinq pris en qualité d'héritiers de leur père [F] [A], décédé,
défendeurs à la cassation.
La société Neximmo 68 a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société G P-consultant Engineering, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Neximmo 68, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [D], [J], [E] [A] et de M. [Y] [A], de la SCP Spinosi, avocat du syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, Mme Farrenq-Nési, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mmes [D], [J] et [E] [A] et à M. [Y] [A] de leur reprise d'instance en leur qualité d'ayants droit de leur frère décédé, [Z] [M] [A].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 septembre 2021), la société civile immobilière Mèze Les Salins (la SCI), aux droits de laquelle vient la société Neximmo 68, a acquis un terrain sur lequel elle a fait construire un immeuble qu'elle a vendu par lots en l'état futur d'achèvement et qui a été soumis au régime de la copropriété.
3. Invoquant les désordres et les nuisances causés par cette construction à leur fonds voisin, M. et Mme [X] ont, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires Résidence les Boréales (le syndicat des copropriétaires) en réalisation de travaux de mise en conformité et indemnisation de leurs préjudices.
4. Ils ont également assigné les propriétaires des quatre lots en rez-de-chaussée.
5. La SCI a assigné la société GP-consultant Engineering, maître d'oeuvre d'exécution, en paiement des travaux de mise en conformité du mur de clôture.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de condamner la SCI à leur payer la seule somme de 30 100 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier et de rejeter les autres demandes, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] sollicitaient la suppression de l'ensemble des remblais réalisés sur le fonds de la copropriété voisine « Les Boréales », en distinguant, d'une part, les remblais des jardins privatifs attenant au mur Nord de leur propriété, et, d'autre part, les remblais du jardin commun attenant au mur Ouest de leur terrain ; que pour rejeter en son intégralité la demande de suppression des remblais présentée par les époux [X], la cour d'appel s'est bornée à retenir, par motifs propres et adoptés, que cette demande était disproportionnée dans la mesure où les travaux de suppression des remblais reviendraient à démolir les jardins de chacun des copropriétaires concernés, lesquels ne pouvaient par ailleurs se voir condamner à une telle démolition sur la base d'opérations d'expertises auxquelles ils n'avaient pas été appelés ; qu'en se déterminant ainsi, sans motiver sa décision s'agissant des remblais du jardin commun dont les époux [X] demandaient également la suppression, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la demande tendant à la suppression des remblais présentait un caractère disproportionné, alors que les travaux auraient consisté à démolir les jardins des copropriétaires, auxquels aucune faute ne pouvait être reprochée et qui n'avaient pas été appelés aux opérations d'expertise, d'autre part, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété.
9. Appréciant souverainement les modalités de réparation du préjudice invoqué par M. et Mme [X] et motivant sa décision, elle leur a alloué une somme au titre de la perte de valeur vénale de leur bien en raison des vues créées sur celui-ci, ce qui englobait l'ensemble des remblais.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. M. et Mme [X] font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en commençant par constater qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que la solidité du mur longeant le terrain des époux [X] et s'appuyant sur le mur de leurs anciennes écuries était compromise, en raison des remblais effectués contrairement aux dispositifs du plan local d'urbanisme, sans aucun dispositif de drainage ni solution de renfort, pour ensuite retenir que les époux [X] échouaient à démontrer l'existence de « préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété », la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, lorsqu'il constate que la faute commise par une partie a causé préjudice à autrui, le juge est tenu d'ordonner la réparation de ce préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le promoteur immobilier, la SCI Mèze les Salins, aux droits de laquelle vient désormais la société Neximmo 68, avait commis à l'encontre des époux [X] une faute délictuelle en faisant construire, en violation des règles du plan local d'urbanisme, des remblais qui s'appuient sur le mur de clôture de la propriété [X] et sont à l'origine des préjudices subis par eux, à savoir « la fragilisation de leur écurie et de leur mur de clôture et une gêne de vues en raison du rehaussement des terres voisines par remblais » ; qu'en réparant uniquement le préjudice des époux [X] résultant des vues créées sur leur propriété depuis les remblais litigieux, pour laisser non réparé le préjudice résultant de l'atteinte portée à la solidité de leur mur de clôture par lesdits remblais, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel, qui n'a pas adopté sur ce point les conclusions de l'expert judiciaire, a retenu, sans se contredire, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété, de sorte qu'elle n'était pas tenue de réparer un préjudice dont elle ne constatait pas l'existence.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
14. La société Neximmo 68 fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société GP-consultant Engineering à la garantir à la somme de 9 933 euros, alors « que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ; en l'espèce, pour limiter la garantie de la société GP Consultant Engineering à 33 % du montant de la condamnation de la SASU Neximmo 68, la cour d'appel a affirmé qu'en ce qui concerne les responsabilités dans la mise en place des remblais, l'expert retenait « une responsabilité conjointe de l'architecte qui n'est pas dans cette instance, du maître d'oeuvre du suivi d'exécution GP Consultant Engineering, de l'entreprise qui a réalisé les remblais qui n'est pas dans cette instance » et que l'expert avait ainsi apprécié « une responsabilité partagée de trois intervenants » ; qu'en statuant ainsi alors que dans son rapport modificatif, produit et invoqué explicitement par les parties dans leurs conclusions, l'expert judiciaire affirmait explicitement que « le partage de responsabilité tripartite que nous avions proposé n'a pas lieu d'être et il conviendra de répartir la proposition de responsabilités à parité égale entre la SARL GPCE – maître d'oeuvre d'exécution – [et] l'entreprise qui a réalisé les remblais sans soin », la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer, fût-ce par omission, les écrits clairs et précis qui leur sont soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
15. Pour limiter la garantie de la société GP-consultant Engineering au tiers du montant de la condamnation de la société Neximmo 68, l'arrêt retient que l'expert judiciaire a proposé une responsabilité partagée de trois intervenants.
16. En statuant ainsi, sans prendre en compte une note rectificative de l'expert judiciaire dans laquelle il écrivait que le partage de responsabilité tripartite qu'il avait proposé n'avait pas lieu d'être et qu'il conviendrait de répartir les responsabilités à parité égale entre le maître d'oeuvre d'exécution et l'entreprise ayant réalisé les remblais, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des documents qui lui étaient soumis, a violé le principe susvisé.
Mise hors de cause
17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 9 933 euros la garantie de la société Neximmo 68 par la société GP-consultant Engineering, l'arrêt rendu le 21 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Met hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A] ;
Condamne M. et Mme [X] aux dépens du pourvoi principal et la société GP-consultant Engineering aux dépens du pourvoi incident ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 novembre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 826 F-D
Pourvoi n° K 21-24.450
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022
1°/ M. [P] [X],
2°/ Mme [G] [S], épouse [X],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
ont formé le pourvoi n° K 21-24.450 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 12],
3°/ à Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 9],
4°/ à M. [T] [L], domicilié [Adresse 7],
5°/ au syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société Gilles Audran immobilier, dont le siège est [Adresse 13],
6°/ à la société G P-consultant Engineering, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],
7°/ à la société Neximmo 68, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4], venant aux lieu et place de la société Mèze les Salins, société civile immobilière,
8°/ à Mme [D] [A], domiciliée [Adresse 2],
9°/ à Mme [J] [A], divorcée [K], domiciliée [Adresse 1],
10°/ à Mme [E] [A], domiciliée [Adresse 10],
11°/ à M. [Y] [A], domicilié [Adresse 5],
12°/ à [C] [A],ayant été domicilié [Adresse 1],
tous cinq pris en qualité d'héritiers de leur père [F] [A], décédé,
défendeurs à la cassation.
La société Neximmo 68 a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [X], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société G P-consultant Engineering, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Neximmo 68, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [H], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mmes [D], [J], [E] [A] et de M. [Y] [A], de la SCP Spinosi, avocat du syndicat des copropriétaires résidence Les Boréales, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, Mme Farrenq-Nési, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mmes [D], [J] et [E] [A] et à M. [Y] [A] de leur reprise d'instance en leur qualité d'ayants droit de leur frère décédé, [Z] [M] [A].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 septembre 2021), la société civile immobilière Mèze Les Salins (la SCI), aux droits de laquelle vient la société Neximmo 68, a acquis un terrain sur lequel elle a fait construire un immeuble qu'elle a vendu par lots en l'état futur d'achèvement et qui a été soumis au régime de la copropriété.
3. Invoquant les désordres et les nuisances causés par cette construction à leur fonds voisin, M. et Mme [X] ont, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires Résidence les Boréales (le syndicat des copropriétaires) en réalisation de travaux de mise en conformité et indemnisation de leurs préjudices.
4. Ils ont également assigné les propriétaires des quatre lots en rez-de-chaussée.
5. La SCI a assigné la société GP-consultant Engineering, maître d'oeuvre d'exécution, en paiement des travaux de mise en conformité du mur de clôture.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de condamner la SCI à leur payer la seule somme de 30 100 euros au titre de la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier et de rejeter les autres demandes, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [X] sollicitaient la suppression de l'ensemble des remblais réalisés sur le fonds de la copropriété voisine « Les Boréales », en distinguant, d'une part, les remblais des jardins privatifs attenant au mur Nord de leur propriété, et, d'autre part, les remblais du jardin commun attenant au mur Ouest de leur terrain ; que pour rejeter en son intégralité la demande de suppression des remblais présentée par les époux [X], la cour d'appel s'est bornée à retenir, par motifs propres et adoptés, que cette demande était disproportionnée dans la mesure où les travaux de suppression des remblais reviendraient à démolir les jardins de chacun des copropriétaires concernés, lesquels ne pouvaient par ailleurs se voir condamner à une telle démolition sur la base d'opérations d'expertises auxquelles ils n'avaient pas été appelés ; qu'en se déterminant ainsi, sans motiver sa décision s'agissant des remblais du jardin commun dont les époux [X] demandaient également la suppression, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la demande tendant à la suppression des remblais présentait un caractère disproportionné, alors que les travaux auraient consisté à démolir les jardins des copropriétaires, auxquels aucune faute ne pouvait être reprochée et qui n'avaient pas été appelés aux opérations d'expertise, d'autre part, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété.
9. Appréciant souverainement les modalités de réparation du préjudice invoqué par M. et Mme [X] et motivant sa décision, elle leur a alloué une somme au titre de la perte de valeur vénale de leur bien en raison des vues créées sur celui-ci, ce qui englobait l'ensemble des remblais.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
11. M. et Mme [X] font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en commençant par constater qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que la solidité du mur longeant le terrain des époux [X] et s'appuyant sur le mur de leurs anciennes écuries était compromise, en raison des remblais effectués contrairement aux dispositifs du plan local d'urbanisme, sans aucun dispositif de drainage ni solution de renfort, pour ensuite retenir que les époux [X] échouaient à démontrer l'existence de « préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété », la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, lorsqu'il constate que la faute commise par une partie a causé préjudice à autrui, le juge est tenu d'ordonner la réparation de ce préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le promoteur immobilier, la SCI Mèze les Salins, aux droits de laquelle vient désormais la société Neximmo 68, avait commis à l'encontre des époux [X] une faute délictuelle en faisant construire, en violation des règles du plan local d'urbanisme, des remblais qui s'appuient sur le mur de clôture de la propriété [X] et sont à l'origine des préjudices subis par eux, à savoir « la fragilisation de leur écurie et de leur mur de clôture et une gêne de vues en raison du rehaussement des terres voisines par remblais » ; qu'en réparant uniquement le préjudice des époux [X] résultant des vues créées sur leur propriété depuis les remblais litigieux, pour laisser non réparé le préjudice résultant de l'atteinte portée à la solidité de leur mur de clôture par lesdits remblais, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel, qui n'a pas adopté sur ce point les conclusions de l'expert judiciaire, a retenu, sans se contredire, que M. et Mme [X] ne justifiaient pas des préjudices effectivement subis dans la solidité des murs de clôture de leur propriété, de sorte qu'elle n'était pas tenue de réparer un préjudice dont elle ne constatait pas l'existence.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
14. La société Neximmo 68 fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société GP-consultant Engineering à la garantir à la somme de 9 933 euros, alors « que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ; en l'espèce, pour limiter la garantie de la société GP Consultant Engineering à 33 % du montant de la condamnation de la SASU Neximmo 68, la cour d'appel a affirmé qu'en ce qui concerne les responsabilités dans la mise en place des remblais, l'expert retenait « une responsabilité conjointe de l'architecte qui n'est pas dans cette instance, du maître d'oeuvre du suivi d'exécution GP Consultant Engineering, de l'entreprise qui a réalisé les remblais qui n'est pas dans cette instance » et que l'expert avait ainsi apprécié « une responsabilité partagée de trois intervenants » ; qu'en statuant ainsi alors que dans son rapport modificatif, produit et invoqué explicitement par les parties dans leurs conclusions, l'expert judiciaire affirmait explicitement que « le partage de responsabilité tripartite que nous avions proposé n'a pas lieu d'être et il conviendra de répartir la proposition de responsabilités à parité égale entre la SARL GPCE – maître d'oeuvre d'exécution – [et] l'entreprise qui a réalisé les remblais sans soin », la cour d'appel a violé le principe interdisant au juge de dénaturer, fût-ce par omission, les écrits clairs et précis qui leur sont soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
15. Pour limiter la garantie de la société GP-consultant Engineering au tiers du montant de la condamnation de la société Neximmo 68, l'arrêt retient que l'expert judiciaire a proposé une responsabilité partagée de trois intervenants.
16. En statuant ainsi, sans prendre en compte une note rectificative de l'expert judiciaire dans laquelle il écrivait que le partage de responsabilité tripartite qu'il avait proposé n'avait pas lieu d'être et qu'il conviendrait de répartir les responsabilités à parité égale entre le maître d'oeuvre d'exécution et l'entreprise ayant réalisé les remblais, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des documents qui lui étaient soumis, a violé le principe susvisé.
Mise hors de cause
17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 9 933 euros la garantie de la société Neximmo 68 par la société GP-consultant Engineering, l'arrêt rendu le 21 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Met hors de cause Mme [H], M. et Mme [X], Mmes [D], [J] et [E] [A] et M. [Y] [A] ;
Condamne M. et Mme [X] aux dépens du pourvoi principal et la société GP-consultant Engineering aux dépens du pourvoi incident ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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