Cet arrêt est commenté par :

- Mme. PAGES DE VARENNE, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2014, n° 3, p. 31.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 15 janvier 2014

N° de pourvoi: 11-28.781

Non publié au bulletin Cassation partielle

Met hors de cause la SMABTP ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis :

Vu les articles L. 241-1, L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances et les annexes I et II à ce dernier article, dans leur rédaction applicable à la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 septembre 2011), qu'au cours des années 1998 et 1999, la société Fromagerie du pays d'Aramits (la fromagerie) a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., fait construire un bâtiment et a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Albingia ; que le lot isolation-menuiserie comprenant la pose de panneaux isolants fabriqués par la société Telewig a été confié à la société MCF du Sud-Ouest (société MCF), assurée auprès de la société Générali ; que des désordres étant apparus, la fromagerie a, après expertise, assigné la société Albingia, la société X... et son assureur la MAF, la société MCF et son assureur de responsabilité décennale, la société Générali , la société Socotec, et son assureur la SMABTP, la société Telewig et son assureur, la CAMBTP en indemnisation ;

Attendu que pour condamner les sociétés Albingia et Générali à payer à la fromagerie, in solidum avec la société X..., la MAF, la société MCF, la société Telewig et la CAMBTP la somme de 1 165 030,01 euros dont 558 875,28 euros pour le coût de la surface tampon, faire droit aux demandes de garantie formées par la société Albingia à l'égard des constructeurs responsables et de leurs assureurs et rejeter la demande de la société Générali tendant à voir appliquer les limites de garantie prévues par le contrat souscrit par son assurée, l'arrêt retient que les travaux de construction de hâloirs et de caves provisoires dénommées « surface tampon » étant indispensables pour éviter l'arrêt de l'exploitation pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, leur coût ne constitue pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réfection réalisés sur l'ouvrage affecté de désordres ou à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- condamne in solidum la société Albingia, la société X..., la Mutuelle des Architectes Français, la société Générali, la société Telewig, la CAMBTP, à payer à la fromagerie la somme de 1 165 030,01 euros hors taxes, avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction, l'indice de base étant celui en vigueur au premier trimestre 2006 ;

- condamne solidairement la société X..., la Mutuelle des Architectes Français, la société Générali, la société Telewig et la CAMBTP à garantir la société Albingia du montant de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au bénéfice de la fromagerie ;

- condamne, la société X..., la Mutuelle des Architectes Français, la société Générali, la société Telewig et la CAMBTP, à due concurrence de la part de responsabilité de chacun de ces intervenants, à garantir chacun des autres intervenants des condamnations prononcées à leur encontre ;

l'arrêt rendu le 26 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Fromagerie du pays d'Aramits aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Albingia.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie Albingia, in solidum avec la SARL X... Architecture, la MAF, la SCS MCF Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig, et la compagnie CAMBTP, à payer à la SA Fromagerie des pays d'Aramits la somme de 1.165.030, 01 euros hors taxes avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction, l'indice de base étant celui en vigueur au premier trimestre 2006.

Aux motifs que « la compagnie Albingia soutient qu'elle n'est tenue de prendre en charge que le coût des travaux relevant des garanties obligatoires en s'appuyant sur les dispositions de l'article L. 242-1 du Code des assurances, en faisant observer que le coût de la surface tampon relève des garanties facultatives qui n'ont pas été souscrites ; et que d'autre part les garanties obligatoires de l'assurance de dommages ne peuvent s'appliquer au financement des machines de production de fromages ; qu'en ce qui concerne, en premier lieu, le coût des travaux afférents au processus de fabrication, c'est-à-dire des machines de production de fromages, l'expert a estimé sans être sérieusement contredit que ces travaux font partie intégrante des travaux de reprise, lesquels avaient été d'autre part pris en compte dans le rapport établi par l'expert de la compagnie Albingia (cabinet Eurisk) pour un montant de 150.752, 96 euros hors taxes ; qu'en conséquence ce coût sera mis à la charge de la société Albingia ; que, d'autre part, compte tenu de la durée des travaux de reprise, l'expert a estimé à juste titre que dans le but de ne pas interrompre la production de fromages pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, et donc pour éviter l'arrêt de l'exploitation, il s'avérait nécessaire de réaliser des hâloirs et caves provisoires dénommées « surface tampon » et qu'en conséquence ces travaux sont indispensables et ne constituent pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert ; que la compagnie Albingia devra donc prendre en charge la totalité des travaux de reprise des désordres (¿) ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement du 30 avril 2008 en ce qu'il a condamné in solidum la compagnie Albingia, ès qualité d'assureur dommages ouvrage, la SARL X... Architecture, la MAF, la SCS MCF Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig, et la compagnie CAMBTP, à payer à la SA Fromagerie des pays d'Aramits la somme de 1.165.030, 01 euros hors taxes avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction en vigueur au premier trimestre 2006 » ;

Alors que la construction de bâtiments provisoires ne peut être assimilée à des travaux de réparation réalisés sur l'ouvrage affecté de désordres lui-même ; qu'en décidant, néanmoins, qu'en l'espèce, le coût de construction des hâloirs et caves provisoires ne constituait pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise, et qu'il appartenait dès lors à la compagnie Albingia de « prendre en charge la totalité des travaux de reprise des désordres (¿) », la Cour d'appel a violé les articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances, ainsi que l'annexe 1 à ce dernier article dans leur rédaction applicable en l'espèce.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Générali assurances IARD.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Generali Iard in solidum avec la compagnie Albingia, la SARL X... architecture, la Mutuelle des architectes français (MAF), la société MCF du Sud-Ouest, la SA Telewig et la compagnie CAMBTP, à payer à la société Fromagerie du Pays d'Aramits la somme de 1.165.030,01 ¿ en principal, de l'AVOIR condamnée in solidum avec le Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL X..., la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la SA Telewig et la CAMBTP à garantir la compagnie Albingia de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Fromagerie du pays d'Aramits et de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à voir appliquer les limites de garantie prévues par le contrat souscrit par la société SCS MCF Sud-Ouest,

AUX MOTIFS QUE compte tenu de la durée des travaux de reprise, l'expert a estimé à juste titre que dans le but de ne pas interrompre la production de fromages pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, et donc pour éviter l'arrêt de l'exploitation, il s'avérait nécessaire de réaliser des haloirs et des caves provisoires dénommées « surface tampon », et en conséquence ces travaux sont indispensables et ne constituent pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert. La compagnie Albingia devra donc prendre en charge la totalité des travaux de reprise des désordres ;

ET AUX MOTIFS QUE la compagnie Albingia justifie s'être acquittée du montant de toutes les condamnations mises à sa charge au profit de la SA Fromagerie du Pays d'Aramits, puisqu'elle lui a réglé la somme de 1.250.832,77 ¿, et elle se trouve donc subrogée dans le droit de celle-ci à l'encontre des constructeurs responsables ainsi que de leurs assureurs par application des dispositions combinées des articles L. 242-1 et L. 121-12 du Code des assurances ;

ALORS QUE selon l'annexe 1 à l'article A. 243-1 du Code des assurances, l'assurance obligatoire de responsabilité décennale garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ; que la construction de bâtiments provisoires ne peut être assimilée à des travaux de réparation réalisés sur l'ouvrage affecté de désordres lui-même ; qu'en retenant, pour débouter la société Generali de sa demande tendant à faire application des limitations de garantie prévues au contrat, que les travaux de réalisation des hâloirs et caves provisoires dénommées « surface tampon » ne constituaient pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 241-1 du Code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Generali Iard in solidum avec le Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL X..., la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la SA Telewig et la CAMBTP à garantir la compagnie Albingia de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Fromagerie du pays d'Aramits ;

AUX MOTIFS QUE compte tenu de la durée des travaux de reprise, l'expert a estimé à juste titre que dans le but de ne pas interrompre la production de fromages pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, et donc pour éviter l'arrêt de l'exploitation, il s'avérait nécessaire de réaliser des haloirs et des caves provisoires dénommées « surface tampon », et en conséquence ces travaux sont indispensables et ne constituent pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert. La compagnie Albingia devra donc prendre en charge la totalité des travaux de reprise des désordres ;

ET AUX MOTIFS QUE la compagnie Albingia justifie s'être acquittée du montant de toutes les condamnations mises à sa charge au profit de la SA Fromagerie du Pays d'Aramits, puisqu'elle lui a réglé la somme de 1.250.832,77 ¿, et elle se trouve donc subrogée dans le droit de celle-ci à l'encontre des constructeurs responsables ainsi que de leurs assureurs par application des dispositions combinées des articles L. 242-1 et L. 121-12 du Code des assurances ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (du 22 septembre 2009, p. 24), la société Generali Iard soutenait que la nécessité de réaliser des zones tampons était imputable à la faute de la compagnie Albingia, qui avait tardé à exécuter son obligation de pré-financement des travaux de réparation ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la compagnie Albingia n'avait pas exécuté ses obligations dans les délais légaux ; qu'en condamnant la société Generali in solidum avec les autres intervenants à la construction, à garantir la compagnie Albingia de toutes les condamnations prononcées à son encontre, incluant notamment le coût de la réalisation des zones tampon, sans rechercher, comme il était soutenu, si la réalisation de ces bâtiments provisoires n'était pas imputable à la faute de cette dernière, qui devait dès lors en supporter le coût, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.