Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 février 2020
N° de pourvoi: 19-14.499

Non publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Gaschignard, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

 


 

Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 février 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 138 F-D

Pourvoi n° C 19-14.499

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020

M. V... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-14.499 contre l'arrêt rendu le 1er février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. T... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. W..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Q..., et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2019), par acte du 8 juillet 2014, M. Q... a vendu à M. W... un appartement dont le chauffage est assuré par un système à termo-siphon constitué d'un tuyau de fonte traversant les appartements et alimenté par de la vapeur livrée par la Ville de Paris.

2. Se plaignant du caractère bruyant de ce système de chauffage lors de sa mise en route le matin et lors du refroidissement le soir et de la stagnation d'eau de pluie provenant de la coursive sur son palier, M. W... a assigné son vendeur en réduction du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. W... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réduction du prix de vente alors :

« 1°/ que s'analysent en des vices cachés les vices apparents dont l'acquéreur n'avait pu mesurer l'ampleur et les conséquences ; que pour décider que M. W... ne pouvait invoquer l'existence d'un vice caché, la cour d'appel retient qu'un procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires annexé à l'acte de vente évoque un contentieux opposant la copropriété à un autre copropriétaire, et qu'un mail de M. Q... du 30 avril 2014 fait état de ce litige, relatif au système de chauffage, dont les purgeurs sont à l'origine de « certains bruits » dans « certains appartements » ; qu'elle ajoute que « M. W..., bien qu'informé des bruits provoqués par le système de chauffage n'avait pu prendre la mesure de leur importance » ; qu'en écartant néanmoins l'existence d'un vice caché, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;

2°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner, même sommairement, les pièces versées aux débats par les parties à l'appui de leurs prétentions ; que M. W... faisait valoir que M. Q... avait une parfaite connaissance des graves nuisances sonores de son appartement et savait pertinemment que celles-ci n'avaient aucune relation avec les problèmes de « purgeurs » susceptibles d'affecter le seul immeuble sur rue ; qu'il produisait, pour justifier de la mauvaise foi du vendeur, les nombreux courriels que celui-ci avait adressés au syndic : « je dois subir cette nuisance, qui certains jours (et certaines nuits) est véritablement difficile à supporter » (5 décembre 2012) ; « les bruits sont quotidiens et toujours présents (21 janvier 2013) ; « intervenir sur les purgeurs est sans doute une bonne idée mais ne touche pas la véritable cause du problème » (29 janvier 2013) ; « il y a des périodes de répit pouvant aller jusqu'à une heure et demie » (1er février 2013) ; « je dois subir le bruit tous les jours et toutes les nuits (
) Si rien n'est fait dans les prochains jours, nous retrouverons le problème l'année prochaine » (2 avril 2013) ; qu'en écartant la demande de M. W... au motif « qu'aucun élément ne permet d'établir la mauvaise foi de M. Q... » sans examiner l'ensemble de ces pièces dont il ressortait que M. Q..., qui avait souffert de ces nuisances sonores qu'il avait décrites dans ses mails au syndic avant la vente, avait une parfaite connaissance des nuisances sonores de son appartement qu'il a sciemment dissimulées à M. W..., la cour d'appel a privé sa décision de motif et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1641 et 1642 du code civil et 455 du code de procédure civile :

4. Aux termes des deux premiers de ces textes, d'une part, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, d'autre part, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

5. Il résulte du troisième de ces textes que les juges sont tenus d'examiner, même sommairement, les pièces versées aux débats par les parties à l'appui de leurs prétentions.

6. Pour rejeter la demande de M. W... en réduction du prix de vente, l'arrêt retient que celui-ci avait connaissance du défaut du système de chauffage dont le fonctionnement était source de bruit, notamment lors de sa mise en route le matin, et que, bien qu'informé de ces bruits dont il n'avait pas pu prendre la mesure de leur importance, son action en garantie des vices cachés se heurte à la clause exonérant le vendeur de cette garantie, la mauvaise foi de celui-ci n'étant pas établie.

7. En statuant ainsi, par des motifs qui ne suffissent pas à caractériser la connaissance par M. W... du vice affectant le système de chauffage de son appartement dans son ampleur et ses conséquences et sans examiner les courriers électroniques adressés par le vendeur au syndic et susceptibles d'établir sa connaissance des nuisances sonores affectant l'appartement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des deux premiers textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du troisième.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Q... et le condamne à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ;