Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 18-26.124

Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SARL Cabinet Briard, SCP Boullez, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Ghestin, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s)

 


 

Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 246 F-D

Pourvoi n° T 18-26.124

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

La société Patrimoines de France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-26.124 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... M..., domicilié [...] ,

2°/ à la société Le Parc médieval, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Loft One direction régionale Occitanie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Elience ,

4°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La société civile immobilière Le Parc Médiaval a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Patrimoines de France, de la SCP Boullez, avocat de la SCI Le Parc médieval, de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. M..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SCP Ghestin, avocat de la société CNP assurances, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Loft One direction régionale Occitanie, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 octobre 2018), M. M... a conclu avec la société civile immobilière Le Parc Médiéval (la SCI) un contrat préliminaire de vente en l'état futur d'achèvement, puis un acte de vente, portant sur un appartement dont l'acquisition a été financée par un prêt consenti par la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP) et garanti par une assurance souscrite auprès de la société CNP assurances (la CNP). Le bien a été donné en gestion locative à la société Elience.

2. Se plaignant d'un dol et d'un défaut d'information, M. M... a assigné la SCI, la société Patrimoines de France, chargée de la commercialisation des lots, la société Loft One direction régionale Occitanie, anciennement dénommée Elience, la BNP et la CNP en nullité des contrats et en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société Patrimoines de France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer le prix de restitution de l'immeuble à titre de dommages-intérêts mais seulement en cas d'insolvabilité de la SCI, alors que « la restitution à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice qu'un tiers peut être tenu de réparer et qu'elle ne peut donc, en l'absence d'autres circonstances, donner lieu à la charge de ce dernier ni à réparation, ni à garantie ; qu'en condamnant néanmoins la société Patrimoines de France à payer à A... M... le prix de restitution de l'immeuble de 146 330 euros à titre dommages-intérêts pour le cas où la SCI Le Parc Médiéval n'y satisferait pas elle-même, sans toutefois aucunement constater l'état d'insolvabilité de cette société, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Retenant le principe de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Patrimoines de France envers M. M... pour dol, la cour d'appel a seulement prononcé une condamnation subordonnée à la réalisation d'un événement déterminé – l'insolvabilité de la SCI – dont la survenance entraînerait un préjudice également déterminé – le montant du prix de vente.

6. Ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas ordonné la réparation d'un préjudice hypothétique, a fait l'exacte application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis

Enoncé du moyen

8. La société Patrimoines de France et la SCI font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. M... des dommages-intérêts pour préjudice moral, alors :

« 1°/ que le préjudice résultant du caractère long et coûteux d'une procédure judiciaire ne peut être compensé que par l'octroi d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant néanmoins la société Patrimoines de France à payer à A... M... la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral consécutif à la nécessité de mener une action longue et coûteuse pour faire reconnaître ses droits, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil et l'article 700 du code de procédure civile ;

2°) qu'en accordant à M. M... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral résultant de la nécessité de mener une action judiciaire longue et coûteuse, quand ce dernier a par ailleurs été indemnisé de ce même préjudice au bénéfice d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcée en sa faveur, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

3°) que, pour condamner la société Patrimoines de France à payer à A... M... la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, la cour d'appel se borne à retenir que M. M... a dû intenter une action judiciaire longue et coûteuse et subir toutes les tracasseries inhérentes à ce type de procédure pendant six années avant de voir reconnaître ses droits ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, autrement que par une affirmation abstraite et générale, le préjudice indemnisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°) que la défense à une action en justice, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, ne peut pas dégénérer en abus dès lors que sa légitimité a été reconnue, au moins partiellement, par les juges ; qu'en condamnant la SCI Le Parc Médiéval à indemniser M. M... du préjudice subi pour avoir intenté une action judiciaire longue et coûteuse et subi toutes les tracasseries inhérentes à ce type de procédure pendant six années avant de voir reconnaître ses droits, quand le tribunal de grande instance de Carcassonne avait écarté l'action en nullité qu'il avait formée sur le fondement du dol, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute de la SCI Le Parc Médiéval de nature à révéler un abus dans sa défense en justice ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu que la société Patrimoines de France et la SCI avaient commis un dol envers M. M... engageant leur responsabilité et que celui-ci avait dû intenter une action judiciaire longue et coûteuse et subir toutes les tracasseries inhérentes à ce type de procédure pendant de longues années avant de voir reconnaître ses droits.

10. Elle a pu en déduire l'existence d'un préjudice moral résultant du dol, distinct de l'indemnité accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dont elle a souverainement apprécié le montant.

11. Elle ne s'est donc pas fondée sur une résistance abusive des défendeurs à l'action en justice exercée par M. M... et a fait l'exacte application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Patrimoines de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Patrimoines de France à payer la somme de 3 000 euros à M. M..., la somme de 3 000 euros à la la société BNP Paribas Personal Finance, la somme de 2 000 euros à la société CNP assurances et celle de 2 000 euros à la société Loft One direction régionale Occitanie ; rejette les autres demandes ;