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TRIBUNE 03/05/2013 à 13h22
« Mur des cons » : nous sommes fiers du Syndicat de la magistrature et de son histoire
Le « mur des c... » du Syndicat de la magistrature a été frauduleusement révélé et a déchaîné la tempête. Cette organisation syndicale est vilipendée. Ses membres, tous magistrats, auraient manqué tant à leur devoir de dignité, qu'à leurs obligations de réserve et d'impartialité.
Certains se sentent légitimement outragés par cette diffusion, nous leur exprimons nos regrets mais jamais le SM n'a eu l'intention de blesser ceux qui se sont retrouvés sur ce mur.
Doit-on rappeler que c'est l'exposition publique consécutive à des images volées et mises en ligne « courageusement » par un auteur anonyme qui a causé le trouble ? Il faut redire que le local syndical est assimilé à un domicile inviolable, où chacun, comme à son domicile, peut s'y exprimer en totale liberté et y accueillir en confiance ses invités.
Cette affaire a pris une ampleur nationale, exploitée à l'envi par ceux-là même qui souhaitaient, peut-être, faire oublier les invectives et les injures proférées lors du débat parlementaire sur le mariage pour tous ou encore les propos outranciers d'hommes politiques à l'égard des juges de l'affaire Bettencourt.
En ces temps troublés, les juges n'ont pas bonne presse auprès d'une certaine classe politique car ils s'attaquent à la fraude et à la corruption. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature a donné à cette affaire d'expression privée dans un local privé, une dimension institutionnelle et constitutionnelle.
Liberté de ton
De quoi s'agit-il ?
D'abord de la liberté syndicale : depuis sa création, le Syndicat de la magistrature est considéré par ses ennemis comme une anomalie. Pourtant, très tôt, le Conseil d'Etat a consacré le fait syndical dans la magistrature, appliquant en cela un principe constitutionnel, devenu depuis un standard européen et universel, consacré par l'OIT.
Bien sûr, la liberté d'expression est un droit inhérent à l'engagement militant. Si la liberté d'expression des magistrats peut trouver une certaine limite dans l'obligation de réserve, il en est autrement dans l'exercice de l'activité syndicale qui bénéficie, au contraire, d'une très large liberté de ton et de parole y compris lorsqu'il s'agit d'utiliser la caricature ou la dérision.
Ensuite du principe d'impartialité : dangereusement, l'affaire du mur est instrumentalisée pour propager l'idée qu'un juge ne pourrait être impartial pour juger ceux qui ne partagent pas ses valeurs, ses convictions voire ses engagements. Comment ne pas rappeler que l'impartialité du magistrat, ce n'est pas le contrôle de la pensée du juge mais les garanties qu'offre la procédure judiciaire : le respect du contradictoire, la motivation des décisions, l'écoute bienveillante à l'audience de tous les acteurs.
Tout juge pense, on ne pourra jamais l'empêcher. Mais justement, l'éthique du juge l'oblige à se connaître pour mieux identifier et maîtriser ses présupposés. Il offre ainsi au justiciable l'ouverture d'esprit qui lui permet de recevoir tous les arguments avec la même disponibilité.
Rien à voir avec le devoir d'impartialité
De manière répétitive dans l'histoire, c'est toujours les magistrats du syndicat de la magistrature qui défendent les valeurs de la gauche, que l'on soupçonne d'un manque d'impartialité. Mais l'impartialité n'est pas l'apanage de la droite. L'apolitisme ou l'absence de convictions philosophiques est une fiction. Il faut en finir avec ce non-sens et cette hypocrisie ! Le « mur » n'a rien à voir avec le devoir d'impartialité. Il n'est qu'une expression intime qui ne se confond pas avec la parole publique du syndicat.
Dans tous les combats menés, jamais le syndicat de la magistrature, malgré l'outrance des attaques dont il a fait l'objet, ne s'est départi d'une contestation, certes forte, mais respectueuse tant sur le fond que sur la forme.
Faut-il rappeler que le Syndicat de la magistrature est depuis sa création, il y a plus de 40 ans, un acteur essentiel du débat public ? Il croit en l'homme et au progrès social. Il considère que la justice doit être égale pour tous, les puissants comme les misérables !
Faut-il rappeler que cette organisation a participé à la construction d'une pensée européenne sur la justice dans un espace de démocratie et de libertés ?
Faut-il rappeler que le Syndicat de la magistrature s'est toujours battu, avec d'autres, pour une justice forte et indépendante au service de tous ? Au travers du SM, ce sont les idées qu'il défend qui sont combattues.
LES AUTEURS :
Jean-Pierre Dintillhac, Simone Gaboriau, Louis Joinet, Pierre Lyon-Caen, Jean Claude Nicod, magistrats honoraires ; Eric Alt, vice-président de Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés, William Bourdon avocat et président de Sherpa, Henri Leclerc avocat et président d'honneur de la LDH, Danièle Lochak professeur de droit émérite.
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