Alors que le droit du travail français a subi un véritable bouleversement à la suite des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, le gouvernement s’est emparé du sujet et le Code du travail a été réformé afin d’être conforme au droit européen en matière d’acquisition des congés payés durant les périodes d’arrêt maladie.
I) Le droit actuel en vigueur depuis le 24 avril 2024
Pour donner suite à ces arrêts retentissants du 13 septembre 2023, et afin de limiter et encadrer le contentieux qui en résulte, le gouvernement a réalisé un projet de loi sur le sujet dont la version définitive a été adoptée par le Sénat le 9 avril 2024 et par l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.
La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 a ensuite été publiée au journal officiel du 23 avril 2024, et est entrée en vigueur le 24 avril 2024.
A) L’acquisition des congés payés durant les périodes d’arrêt maladie
L’article L. 3141-5 du Code du travail, en vigueur depuis le 24 avril 2024, prévoit désormais que :
« Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
[…]
5° Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
[…]
7° Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n'ayant pas un caractère professionnel. »
Cette loi a également ajouté un article L. 3141-5-1 au Code du travail, lequel prévoit que « par dérogation au premier alinéa de l'article L. 3141-3, la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l'article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d'une attribution, à ce titre, de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence mentionnée à l'article L. 3141-10 ».
Ainsi, il convient de distinguer les situations selon l’origine de l’arrêt maladie :
- Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail du fait d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, il acquiert 2,5 jours de congés payés par mois, dans la limite de 30 jours ouvrables par période de référence (soit 5 semaines par an) ;
- Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail du fait d’un accident ou d’une maladie d’origine non professionnelle, il acquiert 2 jours de congés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence (soit 4 semaines par an).
L’acquisition de congés payés est désormais possible pour toute la durée de l’arrêt maladie, sans limite de durée.
Concernant les intérimaires, ils ont désormais également droit à une indemnité compensatrice de congés payés pour les périodes de suspension de la mission pour accident ou maladie, professionnels ou non, pour l’intégralité de leur durée, ainsi que durant le congé paternité et d’accueil de l’enfant (article L. 1251-19 du Code du travail).
B) L’information par l’employeur du salarié à son retour d’arrêt maladie
L’article L. 3141-19-3, nouvellement créé, dispose que :
« Au terme d'une période d'arrêt de travail pour cause de maladie ou d'accident, l'employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
« 1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
« 2° La date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris. »
Cet article permet de s’assurer que le salarié a connaissance de ses droits à congés payés dans le mois qui suit sa visite de reprise du travail, et ce en réponse à la position de la Cour de cassation qui considérait que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne commençait à courir que si l’employeur justifiait avoir accompli les diligences qui lui incombent afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
C) Les limites au cumul des congés payés acquis durant les périodes d’arrêt maladie
Afin de limiter, par un autre moyen, le nombre de congés payés que peut acquérir un salarié durant un arrêt maladie, la loi du 22 avril 2024 a prévu une période de report maximale pour utiliser les congés payés acquis.
1) Période de report de 15 mois pour utiliser les congés payés acquis pendant les congés payés acquis
Ainsi, le salarié bénéficie d’une période de report de quinze mois pour utiliser les congés payés acquis durant son arrêt maladie, après quoi les congés payés non-pris seront perdus (article L. 3141-19-1 du Code du travail).
Un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure à celle prévue à l'article L. 3141-19-1.
2) Point de départ de la période de report
Concernant le point de départ de cette période de report, il convient de distinguer selon la durée de l’arrêt :
- Si la suspension du contrat de travail dure moins d’un an, la période de report débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l’article L. 3141-19-3 (article L. 3141-19-1 du Code du travail).
- Si la suspension du contrat de travail dure au moins un an, la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis.
Lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l'article L. 3141-19-3 (article L. 3141-19-2 du Code du travail).
D) Les règles d’application de la loi dans le temps
Le II de l’article 37 de la loi du 22 avril 2024 prévoit quelques précisions sur les modalités d’application de cette loi dans le temps.
1) Rappel de congés payés acquis entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024
Il est possible de solliciter un rappel des congés payés qui auraient dû être acquis entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024.
La loi n’a en revanche pas prévu de rétroactivité pour la suppression de la limite d’un an pour l’acquisition de congés payés durant les périodes d’arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.
Il n’est donc possible d’intenter une action, pour la période entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024, que pour les congés payés qui auraient dus être acquis durant des arrêts maladie d’origine non-professionnelle.
De plus, ce rappel de congés payés pour des périodes déjà écoulées sera limité à 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis en application de la précédente législation.
2) Forclusion si l’action n’est pas introduite avant le 24 avril 2026
Enfin, toute action relative à l’acquisition de congés payés durant des périodes d’arrêt maladie antérieures au 24 avril 2024 doit être introduite, à peine de forclusion, avant le 24 avril 2026.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Mathilde Fruton Létard élève avocate EFB Paris
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