Footballeurs ou cyclistes amateurs ? Joueurs de basket, de badminton, de golf ou encore randonneurs ou jardinier pour le plus grand plaisir du voisinage ? Vous êtes sportifs ou vous vous livrez à vos loisirs favoris chaque semaine, lisez cet article qui risque de fortement vous intéresser. Malheureusement, un accident est vite arrivé et celui-ci peut vous empêcher de pratiquer vos sports ou loisirs préférés. Vous vous retrouvez alors démuni(e). Et bien, sachez que ce préjudice est indemnisable ! En effet, en droit social, la notion de préjudice d’agrément permet de demander une indemnisation au juge qui fera droit à votre requête si vous réussissez à prouver les conséquences suite à tel préjudice subi.

Maître Johan Zenou expert en droit de la sécurité sociale, à Paris vous éclaire d’abord sur ce que recouvre la notion de préjudice d’agrément, la manière dont il est prouvé et met en avant quelques illustrations concrètes de cas où la qualification de préjudice d’agrément a été retenue par les juges.

I. Définition du préjudice d’agrément ?

Le préjudice d’agrément, notion qui ne vous dit rien pour l’instant, pourrait pourtant vous être utile. Il nait de l’existence d’un préjudice causé par un accident ayant conduit à l’incapacité provisoire ou définitive, pour une personne de pratiquer des activités sportives ou de loisirs. Pour que soit caractérisé ce préjudice, l’activité sportive ou de loisirs devait être fréquemment et régulièrement pratiquée avant la survenue de l’accident.

L’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale dispose :

« La victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.»

Il s’agit du seul texte qui mentionne expressément le préjudice d’agrément. Cette notion a été consacrée par la jurisprudence qui a également précisé ses contours. En effet, les décisions jurisprudentielles ont permis notamment d’élargir à la réparation de la diminution des plaisirs de la vie liée à l’impossibilité ou à la limitation de la capacité à effectuer des actes normaux de la vie quotidienne. Ainsi, la Cour de cassation a clairement élargi sa définition en retenant « que le préjudice d'agrément s'entend, non seulement de l'impossibilité de se livrer à une activité ludique ou sportive, mais encore de la privation des agréments normaux de l'existence » (Cour de cassation, ch. criminelle, du 26 mai 1992, n° 91-84.618, publié au bulletin).

Néanmoins, il faut également souligner que le périmètre couvert par la notion de préjudice d’agrément s’est rétréci. Le préjudice sexuel n’est plus indemnisé au titre du préjudice d’agrément, mais fait désormais l’objet d’une indemnisation idoine. Aussi, l’acception de cette notion est mouvante et l’accompagnement d’un avocat est nécessaire pour introduire une requête bien argumentée et sur le bon fondement juridique. Le préjudice d’agrément est indemnisé suivant des montants qui varient en fonction du cas d’espèce, il est donc nécessaire de bien défendre son affaire devant les juges.

II. Le préjudice d’agrément : la production de la preuve

Le préjudice d’agrément fait l’objet d’une expertise médicale. Un médecin expert constate le déficit physique causé par l’accident et empêchant le demandeur d’effectuer ses activités sportives ou de loisirs. Le préjudice d’agrément représente un préjudice extra patrimonial et l’expert accorde une note et qualifie le préjudice subi avec des degrés de type « important, intermédiaire, faible…» Ses conclusions sont rassemblées dans un rapport d’expertise sur lequel la victime doit s’appuyer pour faire valoir son droit à une indemnisation.

La victime peut même avoir recours à l’expertise d’un ergothérapeute, spécialisé dans l’accompagnement des victimes qui souffrent de difficultés dans l’accomplissement des activités du quotidien. Au-delà des expertises médicales, la victime a l’obligation d’apporter la preuve d’une pratique régulière de l’activité sportive ou de loisir qui ne peut plus effectuer suite à un accident.

Comment prouver la pratique antérieure d’un sport ou d’un loisir pour jouir d’une indemnisation du préjudice d’agrément ?

 

La victime doit réunir avant d’introduire une requête sur ce fondement toutes les preuves de sa pratique sportive ou de loisir (Exemple : licences sportives, diplômes du club, cartes adhérent). Toutefois, la pratique sportive et de loisir se fait souvent en amateur sans justificatif susceptible de prouver la pratique régulière de ladite activité. Dans ce cas, il faudra démontrer par la production de preuves déclaratives la pratique des activités (attestation de proches ou de partenaires sportifs, photos…).

III. Évolution jurisprudentielle de la notion de préjudice d’agrément : acceptions concrètes

La notion peut encore vous apparaitre assez abstraite, voici quelques illustrations concrètes de cas où la notion de préjudice d’agrément a été retenue par les juges. Il était une fois… M. H victime d’une maladie professionnelle due à l'amiante dans le cadre de son travail. La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges a pris en charge les préjudices causés à la victime, au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles. M. H qui était très actif pratiquait notamment la marche et le jardinage. La Cour de cassation a ainsi reconnu un préjudice d’agrément à M.H qui ne pouvait plus entretenir son jardin et sa maison. Les juges ont conclu que :

« L'arrêt relève qu'il résulte des témoignages produits aux débats que la victime était une personne particulièrement active, qui pratiquait de nombreuses activités sportives et de loisirs (marche, jardinage) qui ont cessé avec la maladie ; Qu'ayant apprécié souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la Cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ». Cette décision démontre que les juges procèdent à une appréciation in concreto de chaque cas et peuvent se baser sur des témoignages pour accueillir ou non la requête de la victime… (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 novembre 2019, n° 18-24.169).

Il était une autre fois… M.Y, victime d’une agression terroriste, qui a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande en réparation de son préjudice corporel. M.Y a fondé sa requête sur une indemnisation du préjudice d’agrément et la décision de la Cour d'appel de Fort-de-France, du 10 janvier 2017, lui a donné raison en l’indemnisant. La victime pratiquait régulièrement des activités sportives nautiques en compétition.

A cause de l’agression, M.Y n’était plus en mesure de pratiquer ses activités en compétition et la Cour a conclu que « le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 29 mars 2018, n° 17-14.499, publié au bulletin).

Une dernière histoire et ensuite dodo… Il était une fois Mme Y (non ce n’est pas la femme de M.Y, l’identité des victimes est simplement pseudonymisée) qui a obtenu l’indemnisation de son accident causé par Mme X sur un circuit de moto. Cet accident n’avait pas causé d’impossibilité fonctionnelle d’effectuer son loisir, mais avait eu un impact psychologique de sorte à l’empêcher de reprendre son activité antérieure. La Cour reconnaît donc :

« Qu’ayant souverainement constaté que même si l’expert judiciaire avait relevé qu’il n’existait pas d’inaptitude fonctionnelle à la pratique des activités de loisirs auxquelles Mme Y… se livrait avant l’accident, cette dernière n’avait cependant pas repris celle de la moto compte tenu de son état psychologique à la suite de l’accident, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement cette activité sportive ou de loisirs, a décidé à bon droit de l’indemniser de ce préjudice » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 juillet 2018, n° 16-21.776, publié au bulletin). Et ils vécurent donc indemnisé et eurent gain de cause…

Cet arrêt confirme la jurisprudence précédente qui élargissait le préjudice d’agrément, en indemnisant la limitation de la pratique sportive ou de loisir antérieure. Désormais, l’incapacité psychologique pour la victime de continuer sa pratique antérieure est également prise en compte et peut permettre de retenir le préjudice d’agrément.

Le Cabinet Zenou en droit de la sécurité sociale, à Paris 20ème, vous assiste dans la production des preuves les plus probantes, afin de prouver aux juges le préjudice d’agrément subi et sollicite une indemnisation à la hauteur de la privation ou de la limitation de l’activité sportive ou de loisir antérieurement pratiquée par la victime.