La conception de la télémédecine est très ancienne puisque, dès l’année 1993, le Ministère de l’Industrie rédigeait un rapport tendant à estimer le marché français de la télémédecine ainsi qu'à décrire les enjeux médicaux et industriels et que, dès l’année 2004, la loi (et plus précisément l’article 32 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie) définissait la télémédecine comme permettant « entre autres, d’effectuer des actes médicaux dans le strict respect des règles de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité d’un médecin en contact avec le patient par des moyens de communication appropriés à la réalisation de l’acte médical ».

 

C’est à l’occasion de la loi dite « HPST » n° 2009-879 du 21 juillet 2009 qu’un véritable cadre juridique était instauré avec la volonté affichée de favoriser son déploiement notamment pour remédier aux déserts médicaux. L’article L. 6316-1 du code de la santé publique définissait alors la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication [mettant] en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients ». L’année suivante, était publié le Décret n° 2010-1229 du 19 octo­bre 2010 qui créait, à l’article R. 6316-1 du même code, cinq types de télémédecine : la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la régulation médicale.

 

Les médecins ont pourtant dû attendre le 15 septembre 2018 pour pouvoir facturer à l’Assurance Maladie leurs actes de téléconsultation (et ce, alors qu’ils y étaient manifestement prêts et favorables puisque dès la première année plus de 60 000 actes ont été réalisés).

 

Parallèlement, les autres professionnels de santé, notamment les infirmiers et maïeuticiens, ont fait savoir qu’ils étaient également prêts à leur emboiter le pas, en vain… jusqu’à la survenue de l’état d’urgence sanitaire décrété en raison de l’épidémie de covid-19.

 

En effet, après avoir, dans un premier temps, assoupli les conditions de recours à la téléconsultation des médecins « pour les [seuls] patients présentant les symptômes de l'infection ou reconnus atteints du covid-19 » (le Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 permet temporairement de déroger au « respect du parcours de soins coordonné et de la connaissance préalable du patient »), dans un second temps, la téléconsultation a été ouverte aux infirmiers et maïeuticiens puis aux orthophonistes.

 

Par arrêté du 19 mars 2020, remplacé par celui du 23 mars, un télésuivi infirmier peut être prescrit par un médecin au profit « des patients dont le diagnostic d'infection à covid-19 a été posé cliniquement ou biologiquement », le texte précisant qu’il « participe […] à la surveillance clinique des patients suspectés d'infection ou reconnus atteints du covid-19 ».

 

En outre, certaines « consultations à distance des sages-femmes » sont temporairement autorisées par ce même texte (la liste ayant été complétée par un nouvel arrêté publié ce matin au Journal Officiel), et ce, sans qu’elles soient exclusivement réservées aux patientes atteintes par le covid-19 ou suspectées de l’être.

 

Enfin, un arrêté du 25 mars a étendu cette faculté au profit des orthophonistes en indiquant notamment qu’« à l'exclusion des bilans initiaux et des renouvellements de bilan, [certains] actes d'orthophonie peuvent être réalisés à distance par télésoin ».

 

Il n’est cependant pas inintéressant de souligner que si le premier arrêté du 19 mars prévoyait que la libéralisation des téléconsultations perdurerait jusqu’au 31 mai 2020, celui du 23 mars l’a finalement limitée jusqu’au 15 avril 2020.

 

Les pouvoirs publics expriment ainsi, une fois encore, leur frilosité à véritablement favoriser le déploiement des téléconsultations, contrairement aux annonces formulées à ce sujet pour faire face aux déserts médicaux.

 

Compte tenu des enjeux mais également des risques de détournement et de fuites des données de santé – par nature hautement sensibles –, il est effectivement souhaitable que l’extension des téléconsultations soit accompagnée par un cadre sécurisant, certes juridique mais également technique.

 

C’est certainement en ce sens que l’arrêté du 17 mars 2020, publié ce matin au Journal Officiel, a été adopté pour fixer le montant de la dotation versée à la « Plateforme des données de santé » à 9.700.000 € pour l'année 2020.

 

Mylène Bernardon,

Avocate à la Cour,

 

 

 

MISE À JOUR :

 

Depuis la publication de cette note le 1er avril 2020, l’article 8 de l’arrêté du 23 mars susvisé a été complété, notamment par deux arrêtés des 14 et 16 avril, pour permettre temporairement aux ergothérapeutes et psychomotriciens, d’une part, et aux masseurs-kinésithérapeutes, d’autre part, d’effectuer des actes de télésoin par vidéotransmission.

 

Comme pour les orthophonistes :

  • les bilans initiaux et les renouvellements de bilan sont exclus,
  • les actes de télésoin sont conditionnés à la réalisation préalable, en présence du patient, d'un premier soin,
  • lorsque le patient est mineur ou présente une perte d’autonomie, il doit impérativement être accompagné d’un majeur ou d’un aidant durant la téléconsultation.

 

Enfin, toutes ces mesures temporaires ont logiquement été prolongées jusqu’au 11 mai 2020, date annoncée de la fin du confinement.