Vente - l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit

 
 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2021




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 868 FS-B

Pourvoi n° S 20-21.439

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 septembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021

M. [H] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-21.439 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [K], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [S] [D], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Nivôse, Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 janvier 2020), le 13 octobre 2008, Mme [K] et M. [D] ont vendu à M. [Y] une maison avec, attenant à cette habitation, un atelier recouvert d'une toiture en tuiles.

2. Ayant constaté des infiltrations dans l'atelier, ainsi qu'un affaissement de la charpente en bois de la toiture, M. [Y], au vu d'un constat d'huissier de justice du 1er avril 2014, a assigné les vendeurs en référé expertise, le 16 mars 2015, puis au fond, le 27 septembre 2016, pour obtenir paiement des travaux de réparation et indemnisation de son préjudice de jouissance sur le fondement de la garantie des vices cachés.

3. En appel, Mme [K] et M. [D] lui ont opposé la prescription de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, c'est-à-dire de la conclusion de la vente dans le cas du délai applicable à l'action en garantie des vices cachés ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable, comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y], que la vente litigieuse avait été conclue le 13 octobre 2008, que M. [H] [Y] avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise par un acte d'assignation en date du 13 février 2015 et que l'action de M. [H] [Y] sur le fondement de l'article 1648 du code civil était donc prescrite depuis le 14 octobre 2013, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1er, 2224 et 2232 du code civil :

5. Selon le premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

6. Aux termes du deuxième, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Selon le troisième, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

8. Il est de jurisprudence constante qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.

9. L'article 2224 du code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

10. En conséquence, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.

11. Le droit à la garantie des vices cachés découlant de la vente, l'action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, en cours de publication).

12. Pour déclarer l'action de M. [Y] irrecevable, l'arrêt retient que l'action, qui devait être engagée dans le délai de la prescription applicable à la vente, laquelle était intervenue le 13 octobre 2008, était prescrite depuis le 13 octobre 2013.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de M. [Y] sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [K] et M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

M. [H] [Y] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y] ;

ALORS QUE, de première part, le point de départ du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 1648 du code civil est la découverte du vice par l'acheteur, et non la date de la conclusion de la vente ; que, d'autre part, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y], que la vente litigieuse avait été conclue le 13 octobre 2008, que M. [H] [Y] avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise par un acte d'assignation en date du 13 février 2015 et que l'action de M. [H] [Y] sur le fondement de l'article 1648 du code civil était donc prescrite depuis le 14 octobre 2013, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1648 et 2241 du code civil ;

ALORS QUE, de deuxième part et à titre subsidiaire, si l'action en garantie des vices cachés est enfermée dans le délai de prescription de droit commun, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en conséquence, et sauf à méconnaître le droit de l'acheteur à un procès équitable tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le point de départ du délai de prescription de droit commun, dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être exercée, est le jour où l'acheteur a connu le vice ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y], que la vente litigieuse avait été conclue le 13 octobre 2008, que M. [H] [Y] avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise par un acte d'assignation en date du 13 février 2015 et que l'action de M. [H] [Y] sur le fondement de l'article 1648 du code civil était donc prescrite depuis le 14 octobre 2013, quand le point de départ du délai de prescription de droit commun était, non pas la date de conclusion de la vente, mais le jour où M. [H] [Y] avait connu le vice, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2224 du code civil et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, de troisième part et à titre subsidiaire, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, c'est-à-dire de la date de la conclusion de la vente dans le cas du délai de prescription applicable à l'action en garantie des vices cachés ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action présentée par M. [H] [Y], que la vente litigieuse avait été conclue le 13 octobre 2008, que M. [H] [Y] avait saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise par un acte d'assignation en date du 13 février 2015 et que l'action de M. [H] [Y] sur le fondement de l'article 1648 du code civil était donc prescrite depuis le 14 octobre 2013, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2232 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2021:C300868