Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 17 février 2015
N° de pourvoi: 13-25.809
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que M. et Mme X..., se plaignant de devoir renoncer aux travaux d'extension de leur maison en raison du risque d'effondrement d'un mur de soutènement situé en limite de la propriété appartenant à Mmes Hélène, Françoise et Elisabeth A...(les consorts A...), ont, après expertise, assigné ces dernières, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en destruction dudit mur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts A...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage impose aux juges de rechercher si les troubles invoqués excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en se bornant à affirmer que le risque d'effondrement résultant de la très grande précarité du mur de soutènement relevée par l'expert était constitutif d'un trouble de voisinage dont les époux X...étaient en droit de demander la cessation, sans rechercher si le trouble était anormal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a caractérisé l'anormalité du trouble en relevant souverainement que le mur était dans un état de stabilité très précaire et présentait un risque d'effondrement, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les époux X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en indemnisation des préjudices résultant du trouble anormal de voisinage, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ; que le propriétaire doit pouvoir jouir de son bien tel qu'il est ou tel qu'il voudrait qu'il soit ; que l'impossibilité de mener à bien un projet d'extension constitue une atteinte dans le droit de jouir de son bien de manière absolue et est donc constitutive d'un préjudice alors même qu'il resterait possible pour le propriétaire de jouir sans entrave de son bien en l'état ; qu'en excluant du préjudice de jouissance l'obstacle à la réalisation d'un projet d'extension en se fondant sur l'absence de trouble de jouissance du bien en l'état, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;

2°/ que le préjudice de jouissance invoqué ne concernait pas seulement la maison d'habitation, mais également le terrain autour de celle-ci dont la sécurité était compromise par le risque d'effondrement du mur ; qu'en déniant tout préjudice de jouissance en se bornant à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans prendre en considération les menaces d'effondrement sur le terrain, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;

3°/ que les préjudices invoqués ne résultaient pas seulement d'un préjudice de jouissance lié à l'ajournement des travaux d'extension, mais aussi des travaux destinés à rendre la maison décemment habitable ainsi que d'un préjudice matériel résultant du renchérissement de 18 806, 05 euros des travaux qui avaient été entamés et qui avaient dû être interrompus à cause du mur litigieux ; qu'en ayant rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts en s'étant bornée à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans se prononcer sur tous les préjudices de jouissance ni sur le préjudice matériel invoqués, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les époux X...ne démontraient pas avoir été troublés dans la jouissance de leur maison d'habitation, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision par l'appréciation souveraine qu'elle a faite de l'absence de préjudice ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les consorts A...aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;