L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 15 mai 2024 (n° 22-24.739) publié au bulletin va retenir l’attention des cabinets d’avocats et des avocats collaborateurs libéraux (il y en a 14 000 à Paris).

Cet arrêt complète la définition du manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur, au sens de l’article 14.4.2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN), lors de la rupture du contrat de collaboration libérale en cas de maladie.

Dans cet arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation définit le manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur au sens de l’article 14.4.2 du RIN comme « toute méconnaissance par l’avocat des obligations légales, réglementaires ou contractuelles, qui porte atteinte aux principes essentiels de la profession ».

Par ailleurs, elle étend la protection de l’avocat collaborateur en maladie de l’article 14.4.2 du RIN à l’avocat collaborateur libéral en période d’essai.

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4) Analyse.

4.1) Application à la période d’essai de l’article 14.4.2.

Tout d’abord, la Cour de cassation fait application de l’article 14.4.2 du RIN à la protection du collaborateur libéral en période d’essai, car le texte ne l’exclut pas.

À notre connaissance, c’est la première fois qu’elle statue sur ce point.

Cette extension de la protection de l’article 14.4.2 du RIN à la période d’essai doit être approuvée.

4.2) Notion de manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur.

Par ailleurs, la Cour de cassation précise la notion de manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur.

En l’espèce, la Cour de cassation opte pour une interprétation stricte du manquement grave aux règles professionnelles de l’avocat collaborateur.

Le manquement grave aux règles professionnelles est défini par la Cour de cassation comme « toute méconnaissance par l’avocat des obligations légales, réglementaires ou contractuelles, qui porte atteinte aux principes essentiels de la profession ».

Rappelons que :

« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.
Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d’égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie
 » [1].

À cet égard, dans l’arrêt du 29 novembre 2022, la Cour d’appel de Pau avait considéré que : elle n’avait pas à s’expliquer sur les manquements du collaborateur qui ne constituaient pas des manquements aux principes essentiels de la profession (absences répétées, défaut de collaboration aux activités du cabinet et manque de travail de Me [R]).

La Cour de cassation suit le raisonnement de la Cour d’appel de Pau puisque elle considère que :

  • Les absences, le défaut de collaboration aux activités du cabinet à temps complet, un manque de travail et un défaut de compte-rendu des dossiers durant une semaine, n’ont pas porté atteinte aux principes essentiels de la profession ;
  • La carence dans la défense des intérêts de clients ayant dû être orientés vers d’autres confrères n’’était pas établie ;
  • Certains faits qui, lorsqu’ils auraient été constatés, n’auraient pas entraîné une rupture de la période d’essai et ne sauraient la justifier ultérieurement ;
  • Un défaut de respect des délais de procédure qui affecte l’obligation de diligence mais constitue un incident isolé ayant pu être réparé.

Le manquement grave n’était donc pas avéré.

Ceci doit être approuvé.

Dans un arrêt du 24 octobre 2019 (18-24.538), la Cour de cassation avait déjà considéré qu’il n’ y avait pas de manquement grave aux règles professionnelles qui résultaient de deux altercations entre un avocat associé et son avocat collaborateur.

La Cour de cassation avait relevé « d’abord, que l’on ne peut ni déterminer les circonstances exactes du premier incident, Mme V... soutenant qu’eu égard à sa charge de travail, il convenait de faire un point sur l’ordre de priorité des dossiers, ni imputer à l’un ou l’autre des avocats les propos injurieux et agressifs tenus à l’occasion de la seconde altercation, ensuite, que, dès le 10 décembre, Mme V... a été placée en congé maladie, enfin, que M. Y... a attendu quatorze jours après les incidents pour lui signifier la rupture de son contrat de collaboration, une heure après avoir reçu un avis de prolongation d’arrêt de travail, alors que, le jour même de la seconde altercation, il lui avait envoyé un texto pour lui demander de venir travailler, le cabinet ayant besoin de son investissement ».

La Cour de cassation est donc stricte sur l’application du « manquement grave aux règles professionnelles » de l’avocat collaborateur.

En publiant au bulletin l’arrêt, la Cour de cassation a voulu lui donner une publicité importante d’autant que la jurisprudence est rare en la matière.

 

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https://www.village-justice.com/articles/rupture-contrat-collaboration-liberale-avocat-maladie-precisions-sur-manquement,49777.html

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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