Dans un arrêt du 21 septembre 2022 (n° 21-14.171), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est intéressée à la question de la licéité de la clause d’un contrat de chirurgien-dentiste collaborateur libéral instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge.
Cette affaire concernait l’action en requalification en contrat de travail devant la juridiction prud’homale d’un contrat de chirurgien-dentiste collaborateur libéral.
La cour d’appel a jugé irrecevable cette action en relevant que ce contrat de collaboration libérale comportait une clause prévoyant que toutes les contestations sur la validité, l’interprétation, l’exécution ou la résolution de la convention devaient, avant toute action en justice, être soumises à une tentative de conciliation devant le président du Conseil départemental, conformément aux dispositions de l’article R. 4127-259 du code de la santé publique.
Le chirurgien-dentiste collaborateur se pourvoit en cassation en faisant valoir notamment qu’une clause du contrat de collaboration libérale qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas la partie qui sollicite la requalification dudit contrat en contrat de travail de saisir directement le juge prud’homal.
La Cour de cassation devait s’interroger sur la licéité d’une telle clause.
Elle a jugé qu’« il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées. Licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ».
Cette solution est sensiblement différente de celle rendue quelques mois plus tôt dans un avis de la chambre sociale, au sujet d’une clause de médiation préalable : « en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend » (Cass. Soc., avis, 14 juin 2022, n° 22-70.004).
La particularité tenant au contrat de collaboration libérale, soumis en l’occurrence aux dispositions de la santé publique, permet d’expliquer le sens de cette décision faisant exception au principe général édicté par le passé suivant lequel « une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend » (Cass. Soc., 5 décembre 2012, n° 11-20.004).
C’est qu’en réalité, une telle clause de conciliation préalable est nécessairement respectée en matière prud’homale par le jeu de l’audience de conciliation obligatoire et préalable à l’audience de jugement, sauf dans certains cas précis, en application de l’article L. 1411-1 du code du travail.
Il faut donc appréhender la solution rendue dans l’arrêt du 21 septembre 2022 comme une particularité tenant à la profession réglementée de chirurgien-dentiste, sauf à ce qu’une décision postérieure vienne confirmer ce principe de manière plus large, et non seulement à l’exercice de certaines professions encadrées.
Jérémy DUCLOS
Avocat
Spécialiste en droit du travail
https://www.duclos-avocat.com/
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