Vendeur de bonne foi et garantie des servitudes non apparentes
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 21 janvier 2015
N° de pourvoi: 13-24.831
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)

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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 juin 2013), que la société civile immobilière AP Vitry-sur-Seine (la SCI) a acquis du département du Val-de-Marne une parcelle pour un projet de construction ; qu'ayant découvert la présence de canalisations de gaz, d'eau et de chauffage urbain dans le sous-sol de l'emprise des ouvrages, la SCI, qui a dû modifier son projet, a assigné le département du Val-de-Marne en indemnisation ;

Attendu que le département du Val-de-Marne fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable du préjudice subi par la SCI du fait de la non-révélation de servitudes de passage des canalisations alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'absence de preuve de la connaissance, par le vendeur, de la charge grevant l'immeuble, l'acquéreur ne peut lui reprocher d'en avoir caché l'existence et la garantie à ce titre n'est pas due ; qu'en tenant pour indifférente la bonne ou mauvaise foi du département, vendeur de la parcelle litigieuse, pour condamner celui-ci au titre de la garantie pour non-révélation à l'acquéreur de servitude non apparente, et donc sans constater la connaissance, par le département, de l'existence de canalisations d'eau et de gaz dans les tréfonds des parcelles litigieuses, cependant que cette connaissance était requise pour admettre sa garantie, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1638 du code civil par fausse application ;

2°/ que l'acheteur professionnel de l'immobilier qui acquiert un immeuble en vue d'y édifier une construction doit, eu égard à l'ampleur de son projet, procéder aux investigations utiles relatives à la configuration des lieux lui permettant notamment de découvrir les éventuelles charges grevant le bien ; qu'en condamnant le département du Val-de-Marne au titre de la garantie pour non révélation de canalisations grevant l'immeuble vendu en se bornant à relever qu' « il n'est justifié d'aucun élément pouvant permettre à l'acquéreur, en visitant les lieux, de se convaincre de la présence de ces canalisations enfouies depuis plusieurs années », sans rechercher si, ainsi que le soulignait le département du Val-de-Marne dans ses écritures d'appel, la SCI, eu égard à sa qualité de professionnel de l'immobilier participant à un ambitieux projet de construction immobilière, avait procédé aux investigations élémentaires concernant la configuration géographique des lieux en vue de s'assurer de la viabilité de son projet notamment en se conformant aux prescriptions du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 complété par le décret n° 2003-425 du 9 mai 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1638 et 1147 du code civil ;

3°/ que si l'acquéreur d'un immeuble peut demander la résolution de la vente ou le paiement d'une indemnité pour compenser le préjudice résultant de l'absence de révélation d'une charge non apparente grevant le bien, c'est à la condition qu'il établisse que cette charge est d'une telle importance qu'il n'aurait pas acquis le bien s'il en avait eu connaissance ; que dès lors, en accueillant la demande indemnitaire de la SCI au titre des charges non déclarées tout en constatant qu'il n'est pas allégué qu'elle n'aurait pas acquis la parcelle litigieuse si elle en avait eu connaissance, la cour d'appel a violé les articles 1638 et 1639 du code civil par fausse application ;

4°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant dans un premier temps que les servitudes litigieuses « sont d'une telle importance qu'il y a lieu de présumer que si l'acquéreur les avaient connues, il n'aurait pas acquis ou à un moindre coût », puis, dans un second temps, qu' « il n'est pas soutenu par la SCI qu'elle n'aurait pas acquis cette parcelle si elle avait connu la présence de toutes ses canalisations » et encore qu'elle « n'allègue pas qu'elle n'aurait pas acquis la parcelle », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge est tenu de répondre aux moyens opérants présentés par les parties ; qu'en laissant sans réponse le moyen soulevé par le département du Val-de-Marne qui faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la SCI portait elle-même la responsabilité de son préjudice notamment en acceptant des délais de construction très brefs, sans même s'enquérir des conditions de leur réalisation ou encore en maintenant son projet initial et en prorogeant la concession alors même qu'elle avait eu connaissance des contraintes induites par la découverte des canalisations litigieuses, ce dont elle aurait déduit qu'en admettant que la SCI ait subi un préjudice, celui-ci lui était intégralement imputable, ce qui excluait toute responsabilité du département, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le vendeur, même de bonne foi, doit garantir l'acquéreur, qui n'est pas tenu de se renseigner à cet égard, de toute éviction en cas de servitudes non apparentes ; qu'ayant retenu que les canalisations étaient incompatibles avec le projet initial conçu dans l'ignorance de leur présence et qu'il y avait lieu de présumer que si l'acquéreur les avait connues, il n'aurait pas acquis ou à un moindre coût, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, sans contradiction, en déduire que le département du Val-de-Marne devait indemniser la SCI des préjudices que cette présence entraînait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le département du Val-de-Marne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;