Les conditions d’occupation et d’expulsion clarifiées

Une indemnité en cas d’éviction du locataire

La nouvelle loi entre en vigueur en février 2017

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Les magasins situés dans un mall, un centre commercial, relevant du domaine public ou privé de l’Etat ou des Habous ne sont pas concernés par la nouvelle loi (Ph. F.Al Nasser)

Voici une loi qui va régler beaucoup de problèmes en matière de baux commerciaux. Du moins, elle va clarifier les relations entre bailleurs et locataires.  Le texte, qui s’applique également aux locaux à usage industriel et artisanal, vient d’être publié au Bulletin officiel, édition arabe datée du 11 août. Les contrats de bail devront désormais être rédigés et datés. Au moment de la livraison du local, les deux parties devront désormais procéder à un état des lieux par écrit, qui pourrait être utilisé en cas de litige. Parmi les autres nouveautés du texte, la clarification des conditions d’expulsion dans le cas d’un immeuble menaçant ruine. «Lorsque le bailleur considère que l’immeuble risque de s’effondrer et qu’il doit évincer le locataire, la nouvelle loi clarifie les modalités de son évacuation et de son retour. Le nouveau texte précise les droits de l’exploitant en termes de délais, d’indemnités, de recours en cas d’éviction déguisée… Le locataire bénéficiera d’une indemnité équivalente à trois ans de loyer et de la possibilité de réintégrer les locaux une fois reconstruits. Il peut également demander par voie judiciaire une indemnisation en cas de retard dans la livraison des nouveaux locaux. Un délai plafonné par la loi à trois ans, à défaut de quoi, le locataire devra encore être indemnisé. Lorsqu’il prend possession du nouveau local, il pourra continuer à payer le même loyer en attendant d’en fixer un autre montant soit par entente entre les deux parties, soit par voie judiciaire. «La nouvelle loi introduit également des dispositions destinées à protéger les créanciers inscrits sur le registre de commerce». Ainsi, en cas d’indemnisation d’un locataire débiteur, celui-ci devra s’acquitter de ses dettes auprès de ses créanciers nantis (une banque par exemple) ou privilégiés (fisc…). Pour exploiter un local moyennant un loyer modéré, il est d’usage de payer un «pas de porte». Or, cette pratique largement ancrée n’était pas réglementée jusque-là. La nouvelle loi vient lui conférer un habillage juridique en lui donnant le nom de «droit au bail», sans en fixer le montant. L’autre nouveauté concernant le pas de porte, c’est qu’il devra faire l’objet d’un écrit car il constituera un minimum à payer au profit du locataire en cas d’éviction. Le montant du loyer est fixé entre les deux parties et peut faire l’objet d’une révision. Le barème et l’échéance de la hausse sont fixés par la loi 03-07 relative à la révision du montant du loyer des locaux à usage d'habitation ou à usage professionnel, commercial, industriel ou artisanal. A l’exception de l’habitation, tous les autres locaux sont passibles d’une hausse de 10% trois ans après la conclusion du contrat de bail. L’ancien texte constituait un véritable champ de mines entre le locataire et le bailleur. «De nombreux locataires ont perdu leur fonds de commerce juste pour des questions de procédure prévue par le dahir de 1955. En effet, le propriétaire pouvait envoyer une mise en demeure au locataire lui demandant d’évacuer le local objet du bail. S’il ne saisit pas, dans un délai de 30 jours, le juge des référés pour obtenir une conciliation, il est réputé avoir accepté», rappelle Me Abderrahim Bouhmidi. Pour l’avocat, la procédure d’éviction est mieux encadrée. Ainsi, «avant d’exécuter un jugement d’expulsion pour une raison objective, il faut d’abord consigner le montant de l’indemnité», précise Me Bouhmidi. Le texte prévoit également les cas où aucune indemnité n’est possible. Il s’agit des cas d’impayés, de transformation profonde des locaux ou de changement d’activité sans l’aval du propriétaire. La loi sur le bail commercial a été mise en conformité avec celle réglementant les bâtiments menaçant ruine. Le propriétaire n’est pas tenu d’indemniser le locataire. En cas de fermeture d’un local pendant deux ans, le bailleur n’est pas obligé d’indemniser l’occupant. L’éviction d’un locataire d’un local pour reconstruction a toujours suscité des suspicions de spéculation. Publiée dans le Bulletin officiel du 11 août 2016, la loi sur le bail commercial entrera en vigueur en février 2017.

Barème d’indemnisation

A l’image du dahir de 1955, le nouveau texte sur le bail commercial prévoit une indemnité en cas d’éviction. L’article 7 prévoit que cette indemnité devra tenir compte du préjudice subi par le locataire, des déclarations fiscales au titre des quatre dernières années, des dépenses consenties pour la réfection ou le réaménagement des locaux. Mais le montant sera difficile à définir, le bailleur pouvant toujours minorer le préjudice. Une petite révolution a été intégrée dans le texte: si un locataire renonce par écrit à cette indemnité, cela sera considéré comme nul et non avenu.

Motifs d’expulsion

Les conditions de renouvellement de la location et de résiliation du contrat sont également définies par le nouveau texte. Le propriétaire doit envoyer au locataire une mise en demeure lui enjoignant l’évacuation du local et précisant les motifs de rupture du bail. Le délai d’évacuation varie selon le motif de la résiliation du contrat de location. En cas d’impayés, par exemple, ou de bâtiment menaçant ruine, le délai est de 15 jours. Il est de trois mois si le propriétaire souhaite récupérer le local pour son usage personnel ou pour une reconstruction, une extension… Aucun autre motif ne saurait être invoqué pour rompre un contrat de bail. Le défaut de paiement constitue un motif d’expulsion d’un local. «Après une mise en demeure restée lettre morte au bout de 15 jours, un bailleur peut aller devant le juge pour demander la résiliation judiciaire du contrat de bail, sans indemnisation»