Classiquement, le schéma adopté lors de présentations théoriques du mécanisme de rupture brutale (i.e. la rupture d'une relation commerciale établie, sans respect, par l'auteur de la rupture, d'un préavis suffisant) est celui mettant au prise deux entités distinctes : l'auteur de la rupture d'un côté et la victime de la rupture de l'autre.

En pratique néanmoins, du fait de la complexité des rapports entre opérateurs économiques, il est courant que le partenaire commercial de la victime de la rupture puisse être "rattaché" à une entité tierce. Concrètement, ce cas de figure coïncide notamment avec les cas suivants : (i) filiales et leur société mère, (ii) membres d'un réseau de distribution et leur tête de réseau.

Dans cette configuration particulière, est-il envisageable que la responsabilité de la société holding ou de la tête d'un réseau de distribution puisse être engagée, en cas de rupture de la relation commerciale entre les filiales de la société holding ou les membres du réseau de distribution et l'un de leur cocontractant? La réponse est positive.

Par principe, il résulte des décisions rendues par les juridictions françaises que la responsabilité d'une entité tierce (société mère ou tête de réseau) peut potentiellement être mise en cause dans l'hypothèse où il est établi que l'auteur de la rupture de la relation commerciale (filiales / membres du réseau) était dépourvu d'une autonomie de décision

Les circonstances permettant, en pratique, aux juridictions compétentes d'établir (ou non) l'autonomie décisionnelle de l'auteur de la rupture (i.e. dans notre cas, les filiales ou les membres du réseau) font l'objet d'une appréciation factuelle.

Sans que cette liste n'ait vocation à être exhaustive, les critères ayant déjà été retenus ou qui pourraient à l'avenir être pris en compte par les juges afin de caractériser une absence d'autonomie sont :

  • Les liens capitalistiques : à titre illustratif, une société holding a été reconnue responsable de la rupture de relations commerciales entre plusieurs de ses filiales et une centrale d'achat. Dans ce cas d'espèce, la juridiction saisie a caractérisé l'absence d'autonomie décisionnelle des filiales par le fait que le capital de ces dernières était détenu à 100% par la société mère et que cette entité avait décidé seule de la rupture des relations commerciales pour le compte de ses filiales.
  • La présence de directives / instructions émanant d'une tête de réseau, contraignant, dans les faits, ses membres à mettre un terme à la relation commerciale entretenue avec un cocontractant donné.

En pratique donc, une tête de réseau de distribution ou une société mère imposant, respectivement, aux membres de son réseau / à ses filiales, la rupture d'une relation commerciale avec un partenaire donné, serait susceptible de devoir répondre de cette rupture.

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Benjamin Templé, Avocat au Barreau de Paris

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