Que deviennent les parts sociales en cas de décès de l'associé qui en était le titulaire ?

Le décès d’un associé n’entraîne pas la dissolution de la société : celle-ci continue avec les associés survivants et les héritiers ou légataires du défunt (article 1870 alinéa 1 du Code Civil).

Toutefois, les statuts peuvent déroger à ce principe et prévoir :

  • soit la dissolution de la société (rare en pratique),
  • soit la continuation de la société :
    • entre les seuls associés survivants,
    • avec toute personne désignée dans les statuts (sans agrément),
    • avec les personnes désignées par le défunt dans un testament.
    • avec les héritiers ou légataires si ceux-ci sont agréés par les associés survivants (présence d’une clause d’agrément dans les statuts).

1. En l’absence de dispositions statutaires contraires, la société continue avec les héritiers et légataires du défunt sans qu’ils aient à se faire agréer par les associés survivants.

La continuation de la société s’impose aux héritiers dès l’instant où ils ont accepté la succession de leur auteur. Ils deviennent membres de la société, qu'ils le veuillent ou non.

Par contre, l’héritier qui renonce à la succession ne devient pas associé.

2. Toutefois, les statuts peuvent en disposer autrement.

2.1 Continuation de la société entre les seuls associés survivants.

Dans ce cas, les parts sociales du défunt sont transmises, de plein droit, aux seuls associés survivants.

Les héritiers (qui ne sont pas déjà associés) ne deviennent donc pas associés (quand bien même ils le souhaiteraient), mais ils ont alors droit à une indemnisation correspondant à la valeur des parts sociales du défunt, à proportion de leur droit dans la succession.

Cette valeur doit être payée par les nouveaux titulaires des parts sociales (au prorata de leur droit dans la succession) ou par la société elle-même (auquel cas les parts sociales sont annulées) .

2.2 Avec toute personne désignée dans les statuts.

Les statuts peuvent prévoir une clause d’attribution (en cas de décès d'un associé) de ses parts sociales au profit d’une personne prédéterminée (que cette personne soit, ou non, un héritier). 

Toutefois, si les statuts prévoient une clause d’agrément (cf 2.4) et que la personne désignée n’est pas encore associée, son entrée dans la société sera subordonnée à l’agrément (lequel sera délivré par les associés survivants).

2.3 Avec toute personne désignée dans un testament

Un testament peut prévoir une clause d’attribution (en cas de décès) des parts sociales au profit d’une personne désignée. Article 1870 alinéa 3 du Code Civil.

Là encore, si les statuts prévoient une clause d’agrément (cf 2.4) et que la personne désignée n’est pas encore associée, son entrée dans la société sera subordonnée à l’agrément statutaire.

2.4 Clause d’agrément des héritiers ou légataires.

Les statuts peuvent subordonner l’entrée des héritiers ou légataires dans la société à l’agrément préalable des associés survivants.

Les conditions d’agrément des héritiers ou légataires doivent être précisées dans les statuts.

L’obligation d’agrément ne s’applique pas à l’héritier (ou au légataire) qui est déjà associé. En effet, la clause d’agrément ne s’applique pas aux parts dévolues à un héritier qui a déjà la qualité d’associé au moment du décès de leur auteur (Cass. com. 28 oct. 1974, n° 73-12.368 : D 1975 p 209). Ainsi, clause d'agrément ou pas, l'héritier déjà associé devient titulaire - ou cotitulaire - des parts du défunt au prorata de ses droits dans la succession.

Aucun délai n’est fixé par les textes quant à cette demande d’agrément. Un délai pourrait, toutefois, être fixé par les statuts.

L’agrément pourrait être demandé par certains héritiers et pas par d’autres. Il pourrait aussi être demandé successivement dans le temps par les différents héritiers.

Lorsque plusieurs demandes d’agrément sont formulées, il semble que l’agrément ne doive pas nécessairement être global. Il pourrait être accordé à certains héritiers ou légataires et refusé à d’autres. Dans ce cas, seul(s) le ou les héritiers agréé(s) deviennent associé(s) et pas les autres.

Le refus d’agrément est discrétionnaire et n’a pas à être motivé.

Que se passe-t-il en présence d’une clause statutaire d’agrément et dans le cas où tel ou tel héritier ne souhaite pas devenir associé (et donc ne sollicite pas l’agrément) -> "En présence d’une clause d’agrément, les héritiers (non associés) peuvent demander le règlement de la valeur des parts sociales de leur auteur sans qu’ils soient tenus de présenter un projet de cession des parts sociales en cause" (Cass. 3ème civ. 29 septembre 2009, n° 08-16368).

Les héritiers non agréés (qui n'étaient pas déjà associés) ne deviennent donc pas associés (quand bien même ils le souhaiteraient), mais ils ont droit à une indemnisation correspondant à la valeur des parts sociales du défunt, à proportion de leur droit dans la succession. Cette valeur doit être payée par les nouveaux titulaires des parts sociales (au prorata de leur droit dans la succession) ou par la société elle-même (auquel cas les parts sociales concernées sont annulées).

Ils n'ont droit qu'à la valeur des parts du défunt. Ils disposent d'un droit de créance et cette indemnisation ne saurait être assimilée à une cession de parts sociales (parts que lesdits héritiers ne possédent d'ailleurs pas) : il faut bien dissocier le "titre" et la "finance". En conséquence, le formalisme des ventes de parts sociales ne s'applique pas à cette opération (cf Cass. com., 29 sept. 2009, n° 08-16.368), laquelle n'entraîne pas, non plus, la perception des droits de mutation à titre onéreux (Cass. com., 22 oct. 2013, n° 12.23.737).

3. Attribution préférentielle.

Les parts sociales d’une société d’exploitation agricole peuvent faire l’objet d’une attribution préférentielle au profit du conjoint survivant ou des héritiers qui participent (ou qui ont participé) à l’exploitation (article 831 du Code Civil).

L’attribution ne peut être demandée, ni par le concubin du défunt, ni par le partenaire lié par un Pacs.

Par ailleurs, si  l’attribution préférentielle est demandée par un  héritier, la condition de participation effective à l’exploitation peut être remplie par son conjoint ou ses descendants (article 831, alinéa 1, du Code Civil).

Toutefois, la demande ne pourra pas faire échec aux dispositions légales et statutaires relatives à la continuation de la société avec le conjoint ou les héritiers en cas de décès d’un associé, ni aux clauses d’agrément insérées, le cas échéant, dans les statuts.