Des options procédurales diverses

Lorsque le locataire est en redressement judiciaire, plusieurs options procédurales s'offrent au bailleur pour rechercher la résiliation du bail en cas d'impayé :

  • en présence d'une clause résolutoire, la procédure en référé devant le président du Tribunal judiciaire après commandement visant la clause résolutoire, au cours de laquelle le juge peut accorder des délais de paiement ou suspendre la résiliation lorsque le locataire de bonne foi justifie d'une difficulté ;
  • à l'expiration d'un délai de trois mois après le jugement ouvrant le redressement judiciaire, devant le juge commissaire du Tribunal de Commerce.

Cette dernière procédure présentait jusqu'à il y a peu l'avantage de la simplicité. La Cour de cassation vient d'en modifier l'équilibre au profit du locataire.

 

Evolution de la jurisprudence en faveur des locataires

Selon le Code de commerce, il suffit au bailleur de démontrer l'existence d'un impayé de loyers postérieur au jugement ayant ouvert la procédure de redressement pour obtenir la résiliation, à la seule condition qu'un délai de trois mois se soit écoulé depuis le jugement d'ouverture : 

"la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :

[...]

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation."

La jurisprudence s'est cependant progressivement infléchie en faveur du locataire.

En premier lieu, la Cour d'appel de paris a jugé que : "le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture doit être établi au jour de l'introduction de la requête et que ce défaut de paiement constitue une condition de fond de la résiliation. Ainsi, si au jour de la requête les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure et demeurés impayés ont été réglées, la résiliation du bail ne peut être prononcée par le juge" (Cour d'appel de Paris, 22 septembre 2022, n°21/14862).

La Cour de cassation franchit une étape supplémentaire et précise que le juge commissaire ne peut prononcer la résiliation si le locataire a régularisé sa situation avant qu'il ne statue :

"Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article L. 622-14, 2°, du code de commerce rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code et de l'article R. 622-13, alinéa 2, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R. 631-20, que le juge-commissaire, saisi par le bailleur d'une demande de constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, doit s'assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture demeurent impayés.

9. Ayant constaté que la société 5 à sec RIF avait payé, le 9 septembre 2020, les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, que ce paiement avait été reçu le 10 septembre 2020 par le bailleur, qui, le même jour, avait saisi le juge-commissaire d'une demande de constatation de la résiliation de plein droit, l'arrêt retient exactement que la créance de loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure collective étant éteinte pour avoir été acquittée par le preneur, la requête du bailleur doit être rejetée." (Cour de cassation, 12 juin 2024, n°22-24.177).

La Cour de cassation a annoncé publier cet arrêt au bulletin, témoignant de sa volonté de faire connaître cette position dans les juridictions de premier ressort et d'appel en synthétisant sa position en des termes on ne peut plus clairs : "A ces questions la cour de Cassation répond que le juge-commissaire doit s'assurer, au jour où il statue, que les loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture demeurent impayés et que, si les sommes dues à ce titre ont été acquittées par le preneur, la requête du bailleur en constatation de la résiliation du bail doit être rejetée." (Bulletin)

 

Impact et stratégies

Les locataires en redressement disposent donc d'une nouveau moyen de défense pour faire échec à la résiliation et les bailleurs doivent adapter leur stratégie procédurale pour éviter cet écueil. Il peut redevenir préférable de privilégier l'acquisition de la clause résolutoire devant le juge des référés. Chaque cas doit faire l'objet d'une analyse spécifique pour déterminer la meilleure option.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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