Nullité pour dol encourue en cas de dissimulation de défauts de conformité aux normes concernant les établissements recevant du public (ERP)

Les défauts de conformité aux normes de sécurité applicables du fonds de commerce vendu est susceptible d'être analysée en une manoeuvre dolosive, entraînant la nullité de la vente, en particulier lorsque la possiblité de poursuivre l'exploitation est atteinte : "Ainsi, en dissimulant l'existence de deux procès-verbaux de visite de la commission de sécurité de 1997 et 2002 concernant un établissement recevant du public, dont les conclusions étaient défavorables et préconisaient d'effectuer des travaux, les cédants se sont rendus coupables de manoeuvres telles, qu'il est évident, comme l'indique la chambre correctionnelle de la cour de ce siège que, sans ces manoeuvres, les cessionnaires n'auraient pas contracté. Le consentement des acquéreurs ayant été vicié par ce dol, il convient d'annuler l'acte de cession du fonds de commerce." (Cour d'appel de Douai, 12 décembre 2011, n°10/05562). Dans cette affaire, le vendeur avait d'ailleurs été condamné pour escroquerie. Cela peut également constituer un vice caché (CA Toulouse, 30 mai 2012, n°10/05409).

Le vendeur qui connaît les défauts de conformité doit les signaler, quand bien même aucune injonction particulière n'a été prononcée :

"Il est certain, en revanche, que M. Z connaissait pour sa part les défauts de conformité : il en avait été informé depuis au moins le compte rendu de visite du 16 mars 2009, qui comportait diverses réserves, lesquelles n'ont pas été suivies des travaux nécessaires, alors pourtant que les défauts en cause étaient anciens, comme l'a relevé la commission dans son avis du 20 février 2014, et comme l'a confirmé l'expert judiciaire en page 82 de son rapport.

La seule déclaration faite dans l'acte de vente par M. Z, selon laquelle il ne se trouvait sous le coup d'aucune injonction particulière, ne le dispensait pas d'informer l'acquéreur de ce qu'il n'avait pas satisfait aux prescriptions faites par la commission, information qu'il aurait dû lui donner : le silence qu'il a gardé sur ce point, et l'abstention de remise des comptes rendus de visite de la commission de sécurité, constituent des man'uvres dolosives, de nature à tromper la société acquéreuse. M. Z a d'ailleurs implicitement reconnu sa responsabilité, en s'engageant le 21 octobre 2013 à prendre à sa charge une partie des travaux de mise en conformité ' alors pourtant qu'une clause de l'acte de vente, en page 9, mettait de tels travaux à la seule charge de l'acquéreur, sans recours contre le cédant." (CA Riom, 15 mai 2019, n°17/02638).

En revanche, le dol est exclu lorsque le fonds de commerce est conforme aux règles de sécurité (Cass. com., 30 novembre 2004, n°00-21.765) ou compte-tenu de la connaissance par l'acquéreur des défauts (CA Toulouse, 14 novembre 2018, n° 17/00452).

 

Outre la responsabilité du vendeur, la responsabilité du notaire, de l'agent immobilier ou du Maire peut être recherchée

La responsabilité du notaire ou de l'agent immobilier est également susceptible d'être engagée s'ils pouvaient suspecter l'irrégularité de la situation administrative du fonds (Cour d'appel de Douai, 12 décembre 2011, n°10/05562 ; CA Rennes, 31 octobre 2023, n°22/02297).

Qu'en est-il de la responsabilité du Maire ? 

Certains vendeurs ont d'ores et déjà tenté de s'abriter derrère l'inertie du Maire pour faire valoir qu'aucune manoeuvre ne leur était imputable, argument rejeté par le juge : "Qu'ils ne sauraient sérieusement se prétendre victimes de l'inertie de la mairie qui a tardé à mettre en oeuvre la procédure de fermeture de la salle de réception alors qu'il résulte au contraire du courrier que le maire leur a adressé le 15 juin 2006 que c'est en raison de leur engagement de faire en sorte que les locaux ne servent plus de salle de réception qu'aucune initiative n'avait été prise avant la vente ;" (Cour d'appel de Douai, 12 décembre 2011, n°10/05562).

 

La carence, l'inertie ou le retard du Maire dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police des établissements recevant du public (ERP) est fautive

Selon la Cour administrative d'appel de Lyon, le Maire commet une faute en cas de carence ou d'inertie dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police des établissements recevant du public à l'égard du précédent exploitant.

En l'espèce, des inconformités étaient relevées depuis 1994 et le Maire n'avait pas effectué les visistes périodiques resquises, y compris après 2014 une fois le fonds vendu à l'acquéreur à l'origine du procès :

"5. M. A, qui soutient que le maire de Mauriac a commis une faute en n'exerçant pas à l'égard du précédent exploitant son pouvoir de police de fermeture des établissements recevant du public, fait valoir qu'il ressortait déjà d'un compte rendu de la commission de sécurité du 23 février 1994 que le local utilisé comme salle de restaurant était un ancien entrepôt de matériel électrique reconverti sans qu'aucune demande de permis de construire ni autorisation d'aménagement ait été présentée. Il expose qu'après que le maire a rappelé aux gérants qu'ils devaient effectuer les travaux prescrits dans le délai de trois mois, aucune suite n'a été donnée à l'absence de travaux propres à remédier à la situation malgré deux nouvelles visites effectuées le 6 juillet 1994 et 8 août 1994 qui n'ont donné lieu à un avis favorable que " sous réserve de la réalisation impérative des prescriptions dans un délai de dix jours ", puis accordé un nouveau délai de trois mois. Il ajoute que de nouveaux avis défavorables à la poursuite de l'activité de salle de danse ont été rendus le 30 décembre 1996 et le 12 février 2002 et qu'à la suite de cette dernière visite, le maire s'est borné à saisir le sous-préfet d'un courrier lui indiquant que des travaux avaient été effectués et faisant état des déclarations des gérants suivant lesquelles une alarme incendie serait posée par un électricien qui avait établi un devis. Par ailleurs, s'il est vrai que la commission a émis un avis favorable le 30 juin 1997, puis de nouveaux avis favorables le 24 décembre 2004 et le 25 avril 2009, il en ressort que ceux-ci étaient assortis de très nombreuses demandes de mise aux normes de sécurité qui, pour la plupart, n'ont pas été réalisées.

6. Au regard de ces éléments et compte tenu de la présence d'un représentant du maire parmi les membres de la commission, ce dernier ne pouvait ignorer qu'en dépit des avis formellement favorables à la poursuite de son activité, l'établissement en cause ne respectait pas les normes de sécurité attendues d'un tel établissement. En outre, comme le relève le requérant, cet établissement recevant du public de 3e catégorie de type P (piste de danse) aurait dû faire l'objet d'une visite périodique tous les trois ans, de sorte qu'un contrôle supplémentaire aurait dû avoir lieu dès 2012 et non seulement en 2014, postérieurement à l'acquisition du fonds par la société La Tablée. M. A établit donc que le maire de Mauriac a commis une faute en ne faisant pas usage plus précocement de son pouvoir de police." (Cour administrative d'appel de Lyon, 3 octobre 2024, n° 22LY02227).

Les Maires doivent donc redoubler de vigilance et mettre en oeuvre leur pouvoir afin de ménager leur responsabilité administrative, et ce d'autant plus eu égard au risque pénal auxquels ils sont exposés.

 

En cas de faute du Maire dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police, quel préjudice indemnisable ?

Malgré la faute du Maire caractérisée, les juges vont refuser toute indemnisation au profit de l'acquéreur lésé. 

Ils vont estimer que les préjudices invoquées par l'acquéreur du fonds résultent du comportement dolosif du vendeur, qui a sciemment dissimulé les non-conformités affectant le fonds de commerces, ce qui a d'ailleurs été indemnisé par ailleurs (CA Riom, 15 mai 2019, n°17/02638).

Les préjudices invoqués ne sont donc pas en lien avec la faute du Maire.

"7. Toutefois, alors que les préjudices invoqués par M. A résultent du comportement dolosif du vendeur du fonds de commerce, qui a dissimulé les non conformités dont était affecté le fonds de commerce et l'a cédé en toute connaissance de cause, ce qui a d'ailleurs donné lieu au versement d'indemnités extracontractuelles à l'actif de la liquidation de la société La Tablée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, la faute commise par le maire de Mauriac ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant été la cause directe des préjudices invoqués par ce dernier." (Cour administrative d'appel de Lyon, 3 octobre 2024, n° 22LY02227).

La responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques est également écartée, le juge estimant qu'il s'agit d'un aléa inhérent à l'activité en cause :

"8. Les préjudices invoqués par M. A résultent de l'application de la législation relative aux règles propres à garantir sécurité des établissements recevant du public. Ils n'excèdent pas les aléas inhérents à l'activité en cause et ne revêtent pas un caractère anormal et spécial justifiant leur indemnisation sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques." (Cour administrative d'appel de Lyon, 3 octobre 2024, n° 22LY02227).

L'acquéreur lésé ne sera donc pas indemnisé par le Maire et rechercher sa responsabilité paraît vain, sauf situation particulière permettant de démontrer un préjudice particulier lui étant imputable.

 

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous assister dans la vente ou l'acquisiton du fonds de commerce, et le cas échéant en cas de litige ;
  • Pour vous assister dans l'analyse et la mise en oeuvre de la règlementation concernant les établissements recevant du public ;
  • Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits dans le cadre de votre projet ;
  • Pour vous accompagner dans la régularisation, et le cas échéant, en cas de litige lié aux mesures adoptées par l'administration locale ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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