Absence de droit à un bail commercial en fin de bail à construction
Le bail à construction est par principe conclu pour une durée ferme, sans possibilité de tacite reconduction ou de droit au renouvellement au profit du locataire (Code de la construction, article L251-1).
Sans engagement du bailleur, le locataire n'a donc aucun droit est soumis à la volonté du beilleur.
Possibilité de prévoir un bail commercial à la suite du bail à construction par une clause
Il est donc fréquemment recouru à des clauses spécifiques pour rassurer le locataire sur la possibilité de continuer d'exercer son activité dans le local construit en fin de contrat, et de pouvoir bénéficier d'un bail commercial à la suite du bail à construction :
- Le pacte de préférence, qui impose au bailleur de proposer prioritairement au locataire un bail commercial s'il décide de louer les locaux à la suite du bail à construction (Code civil, article 1123) ;
- La promesse, qui permet au locataire d'exiger du bailleur un bail commercial (Code civil, article 1124).
Le pacte de préférence, portée limité par rapport à une promesse de bail commercial
Le pacte de préférence ne créé par d'engagement définitif dans le chef du bailleur. Il peut décider de ne pas louer, ou de ne pas louer à bail commercial (par exemple en consentant un nouveau bail à construction) sans enfreindre le pacte de préférence. Le locataire n'a alors aucun droit au maintien dans les lieux.
C'est ce qu'a rappelé la Cour d'appel de Lyon, concernant un bail qui comportait une clause de préférence rédigée en ces termes : "à titre de condition essentielle et déterminante du présent bail à construction sans laquelle le preneur n'aurait pas contracté, le bailleur s'engage irrévocablement et engage de la même manière tous ses ayants cause à accorder préférentiellement au preneur, lorsque ce dernier aura, à l'expiration du bail par arrivée du terme ou résiliation amiable, perdu la propriété des nouvelles constructions par suite du droit d'accession du bailleur, un contrat de location portant sur la totalité de l'ensemble immobilier, terrain et bâtiments, issu du présent bail à construction et ce, à loyer égal et par préférence à tout autre. Ce contrat de location sera consenti pour les durées renouvelables, prévues par les textes alors en vigueur et régissant le statut des baux commerciaux, cette durée étant actuellement de neuf ans minimum avec possibilité laissée au preneur seul de résilier le bail à la fin de chaque période triennale."
Selon la Cour, et malgré cette clause, le bailleur pouvait librement renoncer à louer ou louer à nouveau à bail à construction, ce qu'il a pu faire sans faute dès lors que :
- La clause était sujette à interprétation, et l'interprétation la plus favorable au bailleur devait être retenue ;
- L'intéprétation raisonnable de la clause conduisait le juge à penser que les parties n'avaient pas entendu interdire au bailleur de construire à nouveau ou de changer de le mode d'exploitation.
"Cette clause prévoit qu'à l'échéance du bail à construction, le bénéficiaire du droit de préférence peut prétendre à un 'contrat de location portant sur la totalité de l'ensemble immobilier, terrain et bâtiments', issu du bail initial.
Elle est susceptible de deux interprétations : d'une part, si le bailleur a l'intention de consentir un nouveau bail, quels que soient la nature du bail et son assiette, il doit consentir ce bail au preneur en place sur l'ensemble du terrain et du bâti selon les modalités prévues par la clause qui en font nécessairement un bail commercial ; d'autre part, si le bailleur a l'intention de donner à bail le terrain et les immeubles en vue de leur exploitation par un locataire, et ce faisant de consentir un bail commercial, il devra le proposer au preneur en place.
En application de l'article 1162 ancien du code civil, cette clause doit s'interpréter en faveur de celui qui a contracté l'obligation et donc en faveur du bailleur.
Il s'ensuit que dans la mesure où le bailleur a décidé de donner le terrain à bail à construction pour un autre usage que l'exploitation de l'existant par un locataire dans le cadre d'un bail commercial, il n'est pas tenu par le pacte de préférence.
Cette interprétation est confortée par le fait que les parties n'ont pu, raisonnablement, envisager la préférence offerte au preneur qu'à la condition que le bailleur ait l'intention de maintenir l'exploitation dans les mêmes conditions que celles du bail à construction arrivé à échéance. En effet, le bailleur ne pouvait s'interdire de construire à nouveau et de changer le mode d'exploitation du terrain après un bail d'une durée de vingt ans, dans le cadre d'un second bail à construction, au profit d'un bail commercial consenti au preneur en place sur des installations que le bailleur ne souhaitait plus conserver mais au contraire remplacer pour qu'elles soient actualisées.
Cette clause ne saurait être qualifiée de purement potestative dans la mesure où son application dépend de la volonté d'un tiers, à savoir le preneur qui conclura un bail à construction avec le bailleur.
Il résulte de ce qui précède qu'en décidant de proposer sur son terrain un nouveau bail à construction, le bailleur n'était pas tenu de faire bénéficier la société preneuse du droit de préférence prévu par la clause litigieuse. Le bail étant arrivé à échéance le 1er juin 2018 et ne pouvant donner lieu à un bail commercial au regard du projet du bailleur, la société preneuse occupe sans droit ni titre les lieux loués depuis cette date.
Sa demande tendant à ce que le bailleur soit condamné à lui délivrer un bail commercial sous astreinte sera en conséquence rejetée" (Cour d'appel de Lyon, 3 juillet 2025, n°21/06429).
Conseils pratiques
Le choix entre clause de préférence ou clause de promesse doit en conséquence être attentivement pesé, l'une n'étant pas équivalent à l'autre.
En l'absence de promesse, le bailleur n'est pas définitivement engagé vis-à-vis du locataire.
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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