La transaction rédigée en termes généraux emporte renonciation à la clause de non-concurrence …. C’est ce que vient de préciser la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 février 2021.

Retour sur le contexte …

1. Un bref rappel des faits s’impose

La salariée a été engagée en 1988 en qualité d’assistante service ressources humaines. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence.

Le 16 mars 2015, celle-ci a été licenciée pour motif personnel mais les parties ont signé un protocole transactionnel le 30 mars de la même année.

Il est à noter que le protocole prévoyait notamment :

  • Qu’il avait pour vocation de réparer l’ensemble des préjudices tant professionnels que moraux subis du fait des modalités d’exécution de son contrat de travail, de sa rupture, des conditions dans lesquelles elle est intervenue et au regard de ses conséquences de toute nature, et notamment ceux expressément invoqués dans le protocole ;
  • Que les concessions de la société étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif afin de remplir la salariée de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naitre des rapports de droit ou de fait ayant pu exister ;
  • Que la salariée déclarait expressément « renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu’elle soit, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l’exécution ou la cessation des fonctions qu’elle a exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle appartient », « à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail » et  indiquait enfin  « n’avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit et avoir renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige » 

Pourtant, le 27 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

La société s’opposait quant à elle à cette demande en faisant valoir que la transaction portait sur l’ensemble des droits résultant de l’exécution et de la rupture du contrat de travail y compris les obligations résultant de la clause de non-concurrence.

La Cour d’appel a toutefois donné gain de cause à la salariée au motif que la transaction ne comprenait aucune mention dont il résulterait que les parties avaient réglé cette question.

A tort selon la Haute juridiction …

2. Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?

Au visa des articles 2044 à 2052 du code civil, la Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu par la cour d’appel par un attendu de principe qui ne souffre d’aucune ambiguïté : « Il résulte de ces textes que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail ».

Autrement dit, la clause de non-concurrence est comprise dans l’objet de la transaction rédigée en termes généraux.

Une telle transaction a donc pour conséquence de mettre fin aux obligations liées à la clause de non-concurrence : « la clause de renonciation générale emporte renonciation à la clause de non-concurrence ».

Ainsi, l'employeur et le salarié sont libérés, le premier du paiement de la contrepartie financière, le second de l'interdiction de concurrence.

Il n’est pas inutile de rappeler que depuis 1997, l’assemblée plénière de la Cour de cassation retient une interprétation extensive de l’objet de la transaction, jugeant que lorsqu’un salarié et un employeur ont conclu une transaction aux termes de laquelle le premier renonce à toute réclamation relative tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail, la renonciation a une portée générale et vise toutes les conséquences de la rupture du contrat (Cass. ass. plén. 4 juillet 1997 n° 93-43.375).

La chambre sociale de la Cour de cassation a toutefois résisté à cette position en retenant une conception restrictive de la portée de l’accord transactionnel limité au litige prévu par ce dernier.

Aussi, elle a estimé qu’une transaction ne faisant état que du litige portant sur la rupture du contrat de travail n’inclut pas la réparation des actes de discrimination allégués par le salarié, peu important la formule de renonciation très large intégrée à la transaction (Cass. soc. 24 avril 2013 n° 11-15.204).

De même, la chambre sociale a considéré que les obligations destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail n’étaient pas affectées par la transaction, sauf si elles étaient expressément visées. Ainsi, par exemple, pour une clause de non-concurrence (Cass. soc. 5 avril 2006 n° 03-47.802).

Elle a néanmoins déjà infléchi sa jurisprudence en donnant toute sa portée à une clause de renonciation générale :

  • dans une espèce où un salarié licencié pour faute grave avait conclu un accord transactionnel comportant une clause extrêmement large couvrant mais sans les lister précisément, les droits résultant pour le salarié tant de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail (Cass. Soc. 5 novembre 2014 n°13-18.984) ;
  • en jugeant qu’une transaction rédigée en termes généraux interdisait au salarié toute demande d’indemnisation ultérieure (Cass. soc. 11 janvier 2017 n° 15-20.040).

Par ce nouvel arrêt, c’est désormais chose faite en matière de clause de non-concurrence !

3. Quels points de vigilance ?

Employeurs comme salariés doivent en prendre pleinement la mesure :

  • Coté employeurs : votre silence dans la transaction quant à l’application de la clause de non-concurrence vaut renonciation tacite et permet à votre ex-salarié de travailler pour la concurrence. Au contraire, si vous avez omis de lever la clause de non-concurrence (au moment de la notification du licenciement ou de manière expresse dans la transaction), vous disposez d’une « séance de rattrapage » pour vous libérer du paiement de la contrepartie financière ;
  • Coté salariés : une transaction n’est pas un exercice de style, votre renonciation « générale » vaut pour toutes les demandes (y compris celles liées à la clause de non- concurrence) et pas seulement pour celles expressément visées par la transaction.

Cass. soc., 17 février 2021, n°19-20.635