L’année 2016 a vu un revirement de jurisprudence extrêmement important concernant l’exercice de la faculté de renonciation au contrat d’assurance vie prévu à l’article L132-5-1 du code des assurances.

Cet article prévoit la faculté, pour toute personne physique ayant signé un contrat d’assurance sur la vie, d’y renoncer pendant le délai de trente jours à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu, la renonciation au contrat entraînant la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes investies sur le contrat.

L’article L132-5-2 du même code impose à l’assureur, avant la conclusion du contrat, de remettre à l’assuré différents documents et informations, le défaut de remise de ces documents et informations entraînant la prorogation du délai de renonciation prévu à l’article L132-5-1 jusqu’au trentième jour calendaire révolu suivant la remise effective de ces documents.

En application de ces textes, se sont multipliés les litiges dans lesquels des assurés, invoquant l’absence de remise des documents et informations prévus par l’article L132-5-2, invoquaient la prorogation du délai de renonciation.

Ils exerçaient alors leur faculté de renonciation plusieurs années après la souscription, beaucoup cherchant en réalité à obtenir la restitution de l’intégralité de primes versées sur le contrat et à échapper ainsi aux pertes financières subies par leur contrat.

Face à ces actions, les assureurs ont notamment fait valoir que la faculté de renonciation était exercée de mauvaise foi par des assurés parfaitement avertis qui cherchaient à effacer les pertes subies par leur capital en se faisant rembourser l’intégralité du capital investi.

La Cour de Cassation a pendant longtemps rejeté cet argument, estimant que l’exercice de la faculté de renonciation était un droit discrétionnaire de l’assuré, ce dernier ne pouvant se voir opposer sa mauvaise foi ou un abus de droit dans l’exercice de sa faculté de renonciation. (CCass 2ème civ 07/03/2006 n°05-10366)

Cette jurisprudence était critiquée en ce qu’elle écartait la bonne foi dans l’exécution des relations contractuelles et consacrait un «droit du renard » (M. Belmont et H. Lacombes « Le Droit du renard » RGDA 2003 p. 414)

Une première évolution a eu lieu sur le plan législatif avec la loi n°2014-1662 du 30/12/14 qui a modifié l’article L132-5-2, lequel dispose désormais que « Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne, pour les souscripteurs de bonne foi, la prorogation du délai de renonciation prévu à l’article L132-5-1.»

La loi du 30/12/14 n’ayant pas d’effet rétroactif, l’article L132-5-2 dans sa nouvelle rédaction n’était toutefois applicable qu’aux renonciations survenues après son entrée en vigueur, ce qui créait une différence de régime pour le moins critiquable.

Les assurés ayant invoqué la prorogation du délai de renonciation antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 30/12/14 ne pouvaient en effet se voir reprocher une éventuelle mauvaise foi, tandis que ceux l’exerçant postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi voyaient leur action conditionnée par leur bonne foi.

Par un très important arrêt du 19/05/16 (2ème civ 19/05/16 n°15-12767), la Cour de Cassation a expressément mis un terme à sa précédente jurisprudence en considérant que :

« Si la faculté prorogée de renonciation prévue à l’article L132-5-2 en l’absence de respect par l’assureur du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus.

Et attendu que ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 (CCass 2ème civ 07/03/2006 n°05-10366 et 05-12338 Bull Civ II n°63) qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d’assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants. (…) »

De par l’effet rétroactif de la jurisprudence, une renonciation exercée au titre de la prorogation du délai de renonciation se trouve désormais soumise à l’exigence de bonne foi quand bien même elle a été exercée avant l’entrée en vigueur de la loi du 30/12/14 (CCass 2ème civ 09/06/16 n°15-20218 – RGDA août-septembre 2016 p.438 note J. Kullmann).

L’appréciation par les juges du fond d’un éventuel abus de l’assuré dans l’exercice de la prorogation du délai de renonciation va donc constituer un aspect essentiel de ce type de litige.

Ainsi, dans un arrêt du 17/11/2016, la Cour de Cassation, après avoir réaffirmé que l’exercice de la faculté prorogée de renonciation prévue par l’article L132-5-2 du code des assurances était susceptible de dégénérer en abus, infirme l’arrêt attaqué qui avait jugé valable la demande de renonciation.

Elle considère en effet que la Cour d’Appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si au regard de la situation concrète de l’assuré, ce dernier n’était pas parfaitement informé des caractéristiques de l’assurance sur la vie souscrite, et s’il n’exerçait pas son droit de renonciation uniquement pour échapper à l’évolution défavorable de ses investissements (CCass 2ème civ 17/11/2016 n°15-20958 – RGDA Janvier 2017 page 55 note Luc Mayaux).

Le caractère averti ou de non de l’assuré ainsi que les éventuelles pertes subies par le contrat depuis sa souscription seront  donc désormais au cœur des débats.