La situation politique et institutionnelle qui naîtra après les élections législatives est susceptible de réunir les conditions permettant au Président de la République de recourir à l'article 16 de la Constitution.

Rappelons que cet article permet au Président, "lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu", de prendre "les mesures exigées par ces circonstances".

Or à l'issue des élections législatives, un des scénarios envisagé par plusieurs médias est celui d'une absence de majorité dans lequel aucun parti ne parviendrait à nouer de coalition. Il en résulterait une paralysie et une impossibilité de gouverner pendant au moins une année, avant une possible nouvelle dissolution.

Cette impossibilité de gouverner pourrait rapidement devenir problématique, par exemple à l'occasion de la présentation et du vote de la prochaine loi de finances. L'adoption de cette loi de finances est nécessaire puisqu'elle conditionne notamment la perception des impôts. Sans adoption, les institutions de l’État français cesseront donc purement et simplement de fonctionner, faute de ressources et d'autorisation d'utiliser ces ressources.

Le Président de la République, faisant le constat de ce blocage institutionnel mettant en péril l’État français, pourrait alors invoquer l'article 16 pour promulguer de sa seule initiative la loi de finances permettant de faire fonctionner les institutions.

Paradoxalement, la dissolution de l'Assemblée nationale pourrait donc pousser à son paroxysme une des stratégies prêtée à l'actuel Président de la république qui est d'enjamber le Parlement.

Le vertige qui peut naître du constat d'une aussi grande concentration de pouvoir dans les mains d'une seule personne doit toutefois être tempéré.

Certes la décision de recourir à l'article 16 est un acte de gouvernement (CE, 2 mars 1962, Rubin de Servens), ce qui signifie que le Président de la République est le seul à pouvoir apprécier si les conditions de son application sont réunies ou non. Mais les pouvoirs octroyés par cet article au Président de la République sont encadrés juridiquement et politiquement.

Sur le plan juridique, les pouvoirs du Président sont en principe limités aux mesures qui permettent, à brefs délais, de faire fonctionner les institutions de l’État français. En outre la conformité de ces mesures à la Constitution ou aux traités internationaux pourra toujours être examinée a posteriori par les juridictions compétentes.

Sur le plan politique, les pouvoirs octroyés par l'article 16 sont limités par l'article 68 de la Constitution qui permet au Parlement de destituer le Président "en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". Cette décision de destitution est prise par le Parlement, c'est-à-dire par le Sénat et l'Assemblée nationale, constitué en Haute Cour à la majorité des deux tiers de ses membres.

Compte tenu de la composition actuelle du Sénat et de la future composition de l'Assemblée nationale à l'issue des élections législatives, il n'est pas impossible que l'actuel Président de la République soit le premier à inaugurer ces dispositions.