Dans un arrêt n°1180 du 12 novembre 2020 (19-20.478) la Cour de cassation - Deuxième chambre civile apporte des précisions importantes.

Les faits sont les suivants : une personne âgée est admise au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais en EHPAD.

Cette personne va vendre un bien immobilier qui lui appartient en indivision.

Le département, faisant valoir les dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles a décidé de récupérer sa créance de dette sociale.

Le tuteur avait contesté cette demande, et avait été débouté en première instance et devant la Cour d'Appel.

La motivation de l’arrêt de la Cour d'Appel était la suivante :

« si la vente de l’immeuble n’a pas modifié la valeur globale de son patrimoine, elle a cependant eu pour objet et pour effet d’en modifier substantiellement la composition (…) et que si le capital immobilisé de la bénéficiaire a été réduit, mais que la trésorerie disponible a en revanche augmenté de façon concomitante et inversement proportionnelle, et que la conversion de l’immeuble, bien non productif de revenus, en liquidités immédiatement disponibles a donc radicalement accru son pouvoir d’achat (…) »

La motivation de cet arrêt se poursuivait en considérant que « la suppression d’un certain nombre de charges liées telles que les charges de copropriété et la taxe foncière ce qui conduit à une amélioration du niveau de vie de l’intéressée. L’arrêt en déduit que la vente a généré un changement substantiel dans la situation de la bénéficiaire comparativement à celle dans laquelle elle se trouvait lorsqu’elle a obtenu l’aide sociale, et doit être regardée comme constitutive d’un retour à meilleure fortune »

Le montant de la transaction avait permis à cette personne de recevoir plus de 40.000 €.

La Cour de Cassation censure cet arrêt.

La motivation est courte : « En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il ressortait de ses constatations que la vente de l’immeuble n’avait pas eu pour effet d’augmenter substantiellement la valeur globale du patrimoine de la bénéficiaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

 Cette décision est intéressante car de nombreuses personnes âgées, souvent en indivision avec leurs enfants, sont confrontées à une telle situation.

La présentation de cet arrêt par la Cour de Cassation détaille le raisonnement retenu par la haute juridiction.

Compte tenu de leur clarté, ces éléments sont reproduits, tels qu’ils sont mentionnés sur le site de la cour de Cassation :

« Selon l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources du postulant à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voir réglementaire.

Selon l’article R. 132-1 du même code, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50% de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80% de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3% du montant des capitaux.

Selon l’article L. 132-8, 1°, du même code, des recours aux fins de récupération des prestations d’aide sociale sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département, contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession.

Pour l’application de ce dernier texte, le retour à meilleur fortune s’entend, à l’exclusion de la seule augmentation des revenus, prise en compte lors de la révision périodique des conditions d’ouverture des droits du bénéficiaire, de tout événement, survenu postérieurement à la date à laquelle les ressources du bénéficiaire ont été appréciées pour l’ouverture de ses droits à prestations, ayant pour effet, indépendamment de toute modification de la consistance du patrimoine, d’augmenter substantiellement la valeur globale de celui-ci, dans des proportions telles qu’elles le mettent en mesure de rembourser les prestations récupérables, perçues jusqu’alors.

Viole ces textes la cour d’appel qui retient que la bénéficiaire de l’aide sociale est revenue à meilleure fortune à la suite de la vente d’un immeuble, alors qu’il ressortait de ses constatations que cette vente n’avait pas eu pour effet d’augmenter substantiellement la valeur globale de son patrimoine. »

En résumé, des dispositions existent afin de valoriser les biens immobiliers contenus dans le patrimoine d’une personne demandant le bénéfice de l’aide sociale.

En conséquence la vente d’un de ces biens ne constituent pas un élément nouveau de nature à modifier la valeur du patrimoine de la personne concernée. Il ne s’agit que d’une modification de sa consistance.