S'agissant des meublés de tourisme, l'assujettissement à la TVA suppose désormais, soit de proposer les trois services sur quatre prévus par la loi, soit de faire concurrence aux hôtels en proposant des séjours à la nuitée ou à la semaine, de préférence dans des zones d'activité hôtelière.

Une récente décision de de la CAA de Douai est une bonne indication de la nouvelle définition de la parahôtellerie au sens de la TVA. 

Rappel des épisodes précédents

Le 22 février 2024 la Cour administrative d'appel de Douai a rendu plusieurs décisions similaires (n° 22DA01718, 23DA00583, 22DA0714 et 22DA1714) sur la nouvelle définition de la parahôtellerie au sens de la TVA.

Rappelons que, suite à une demande de la CAA de Douai, et dans une décision du 5 juillet 2023, le Conseil d'Etat a déclaré non conforme au droit européen le régime légal des 3 services sur 4 pour définir l'activité de location meublée assujettie à la TVA. 

Une des décisions du 22 février 2024 (22DA01714) est précisément la décision définitive du dossier ayant donné lieu à l'avis du Conseil d'Etat du 5 juillet 2023 (avis 8e-3e ch. 5-7-2023 n° 471877 : RJF 10/23 n° 709, concl. Romain Victor) , et défendu par ma confrère Alice BAILLET. Elle est jointe à la fin de cette note.

C'est le même rapporteur public, dans une précédente décision, qui avait soulevé le caractère contraire au droit européen du régime légal et qui avait ainsi de facto donné la voie à suivre pour les prochains contentieux (CE 8e ch. 22-4-2022 n° 454330 : RJF 7/22 n° 635, concl. R. Victor)

Le conseil d'Etat a précisé :

"Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières."

Depuis, la loi a été modifiée, mais la règle des 3 services sur 4 a été reprise, telle quelle, dans le code, sans modification significative, à l'article 261 D du CGI :

Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (…)

4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation.

Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (…)

b. Aux prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

-elles sont offertes au client pour une durée n'excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées ;

-elles comprennent la mise à disposition d'un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ;

b bis. Aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés au b qui sont assorties d'au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ; (…)"

Il y a maintenant deux cas de parahôtellerie assujettie à la TVA, la parahôtellerie courte durée, visée au b, et la parahôtellerie longue durée, visée au b bis. 

Pour ces deux types de parahôtellerie, selon la loi, il faut respecter le régime des 3 services sur 4, qui existait déjà dans l'ancienne version.

A ce jour la doctrine administrative qui commente ce régime n'a pas été modifiée mais elle devrait être en principe modifiée pour tenir compte, non pas du nouveau texte de l'article 261 D du CGI, puisqu'il n'a pas modifié sensiblement le régime légal, sauf pour inclure le cas particulier de la parahôtellerie longue durée, mais plutôt pour tenir compte de la décision du Conseil d'Etat du 5 juillet 2023.

La situation est assez délirante puisqu'au fond la loi reste non conforme au droit européen, et pour définir la parahôtellerie de courte durée, il faut appliquer les principes énoncés par le Conseil d'Etat, même si le contribuable peut selon moi invoquer également le respect de la loi pour se protéger d'un rappel.

Le Conseil d'Etat définit la parahôtellerie de courte durée assujettie à la TVA sur la base d'un seul critère, celui de la concurrence potentielle avec les hôtels, ce qui est conforme au droit européen. Mais il précise que ce critère s'apprécie en fonction de plusieurs indices :

- les services hôteliers qui sont chacun un indice important,

- d'autres indices possibles comme la durée minimale du séjour.

La Cour administrative d'appel de Douai rajoute un indice pertinent, celui de la situation de l'exploitation : si l'entreprise est dans une zone touristique, cela fait plus facilement présumer une situation de concurrence avec le secteur hôtelier.

Les deux grilles de lecture possibles

Selon moi, le contribuable a désormais deux moyens de justifier de son assujettissement à la TVA.

Soit il invoque la loi et il doit justifier de l'existence de trois services sur quatre.

Soit il invoque le droit européen et il doit justifier d'une concurrence avec le secteur hôtelier en invoquant les indices prouvant cette concurrence, c’est-à-dire les services hôteliers, mais pas forcément trois sur quatre, et les autres indices comme le séjour à la nuitée (ou même à la semaine selon moi) et le fait que l'activité est située dans une zone touristique (ou selon moi une zone où la clientèle, pas forcément touristique, peut séjourner dans des hôtels).

La fin des rappels basés sur le ménage prévu uniquement en fin de séjour

Cette nouvelle approche met un terme selon moi à la conception restrictive des services fiscaux, toujours mentionnée à ce jour dans la doctrine du BOFIP (qui par ailleurs renvoie toujours par son lien internet à l'ancienne version de l'article 261 D du CGI), selon laquelle ne pouvait être considérée comme une activité de parahôtellerie assujettie à TVA une location meublée sans petit-déjeuner et ne proposant qu'un ménage de fin de séjour.

Dans de très nombreux dossiers, en effet, les services fiscaux constataient l'absence de service de petit-déjeuner, ne contestaient pas le service d'accueil ni le service de linge de maison, mais motivaient leur rappel en faisant observer que le service de ménage, limité à un ménage de fin de séjour, ne pouvait pas être retenu comme un service suffisant conforme au ménage proposé dans les établissements hôteliers. Il n'y avait donc selon l'administration que deux services sur quatre.

Cette position était conforme à la doctrine administrative et elle était validée par les tribunaux administratifs, et même par le Conseil d'Etat. Elle permettait aux services fiscaux de contester l'assujettissement à la TVA et faire un rappel de la TVA déduite et grevant le coût de la construction ou des travaux. Cela permettait de remettre en cause la déduction de la TVA des loueurs de meublés de tourisme louant à la semaine, qui ne proposaient pas sérieusement de ménage en cours de séjour.

Cette démarche simpliste, qui était très fréquente, n'est plus possible. 

L'administration ne pourra pas remettre en cause l'assujettissement à la TVA si le contribuable peut démontrer que son activité fait concurrence au secteur hôtelier, alors même qu'il ne fournit que deux services sur quatre par exemple.

Mais pour s'opposer au rappel dans un tel cas, le contribuable devra utiliser au moins l'un des deux autres indices : durée du séjour et zone touristique.

La preuve de la concurrence avec le secteur hôtelier par la durée réduite du séjour minimal

La meilleure preuve objective de la concurrence avec le secteur hôtelier est la durée du séjour. Si une activité de location meublée prévoit des courts séjours, elle fait nécessairement concurrence au secteur hôtelier. En pratique, il suffira donc de prouver l'existence effective de locations en court séjour.

Mais il y a une question piège : quelle est la durée du court séjour minimal ?

Les services fiscaux risquent de faire valoir que le court séjour est plutôt le séjour d'une seule nuit, la nuitée, car ce serait la principale caractéristique d'un hôtel que de proposer un séjour à la nuit.

Sur ce point, citons quelques extraits des remarquables conclusions du rapporteur public, Romain VICTOR, sous l'arrêt du CE du 5 juillet 2023 :

"Pour dissiper d’avance un possible malentendu, il nous semble important de souligner que le constat de l’incompatibilité des dispositions du b du 4o de l’article 261 D du CGI dans la stricte mesure où ces dispositions posent la règle des « trois sur quatre », n’implique pas pour autant d’abandonner tout examen des prestations parahôtelières fournies par l’exploitant du logement : petit déjeuner, réception plus ou moins personnalisée, assistance pendant le séjour, nettoyage des chambres en cours de séjour, autres services offerts. Mais ces éléments sont en quelque sorte rétrogradés du rang de critères à celui de simples indices, dans le cadre d’une approche plus souple et contextualisée.

Il nous semble, à cet égard, que la durée de la location et les modalités de la location constituent d’autres éléments pouvant être pris en compte. L’impossibilité de réserver un hébergement à la nuitée, l’obligation de réserver pour une semaine ou une quinzaine entière, l’obligation de réserver pour une série de nuitées à compter d’un samedi ou d’un dimanche exclusivement peuvent notamment constituer des indices pertinents qui jouent en faveur de l’absence d’assimilation à une prestation hôtelière."

Analyse de l'indice de la nuitée

Ce discours est intéressant mais selon moi, même prudent, il reste excessif, et il n'est pas conforme au droit européen. Certes, le régime du droit européen est basé sur la concurrence avec le secteur hôtelier mais le droit européen ne prévoit pas l'assujettissent à la TVA des seuls établissement produisant une prestation identique ou presque identique au secteur hôtelier. Il suffit selon moi de proposer une prestation similaire.

Le texte européen évoque les secteurs ayant une fonction similaire : "les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire" (article 13 de la directive).

D'ailleurs, l'article 261 D reprend également la notion de secteurs ayant une fonction similaire. La fonction similaire ne peut pas s'interpréter comme imposant une service identique au service de l'hôtel, mais plutôt logiquement comme un service similaire, suffisant pour faire concurrence au secteur hôtelier, mais sans nécessairement reprendre toutes les caractéristiques du service d'hébergement proposé par le secteur hôtelier. 

Un meublé touristique, pas plus qu'un camping, ne propose les mêmes services qu'un hôtel. Mais il lui fait quand même concurrence car il propose un hébergement au même type de clientèle. Il fait concurrence, mais avec une prestation un peu différente.

Donc selon moi, il est contraire au droit européen de continuer à chercher une prestation identique aux prestations du secteur hôtelier, avec des indices trop précis, et notamment à vouloir imposer la location à la nuitée et le nettoyage en cours de séjour.

Par ailleurs, les touristes louent également à la semaine dans les hôtels. C'est même très courant en saison dans les zones touristiques.

Et enfin, certains hôtels, en saison, refusent les clients qui ne louent que pour une seule nuit.

Cette question est décisive et le risque est que la jurisprudence, et la doctrine administrative à venir, réserve le régime de la parahôtellerie courte durée assujettie à TVA aux seuls établissements proposant des séjours à la nuitée, la parahôtellerie longue durée relevant d'un autre régime qui n'aurait évidemment pas cette contrainte.

Ce risque existe car, pour des raisons budgétaires, l'Etat souhaite limiter au maximum la possibilité pour les exploitants de meublé de tourisme de récupérer la TVA sur les achats d'immeuble neufs et sur les travaux de reconstruction ou de rénovation.

L'indice du secteur touristique

Je transmets ci-après une décision récente de la CAA de Douai qui illustre assez bien la nouvelle démarche des tribunaux pour rechercher l'existence d'une concurrence potentielle avec les hôtels.

La Cour reprend le mode d'analyse précité proposé par le rapporteur public avec l'indice de la durée du séjour. 

Elle retient également l'argument selon lequel l'activité était exercée dans un secteur particulièrement touristique. Cette observation est discutable car la France entière est devenue une zone touristique, même si, bien sûr, certains endroits connaissent une affluence touristique plus importante. 

Par ailleurs, la location meublée court séjour ne s'adresse pas seulement aux touristes. L'analyse précitée omet la clientèle professionnelle qui peut louer à la nuitée, mais aussi sur plusieurs jours. Evidemment la clientèle professionnelle peut exister en dehors d'un secteur touristique, à moins d'intégrer dans la notion de secteur touristique, les secteurs où il existe une demande significative et régulière pour de l'hébergement professionnel, par exemple près des villes ou dans les zones de foires et de salons professionnels. 

Mais dans cette affaire, la Cour retient l'existence d'une proposition de séjour à la nuitée et le secteur touristique comme deux indices importants démontrant la concurrence avec le secteur hôtelier.

Même si ces indices sont contestables, je pense qu'ils seront repris par les tribunaux, et sans doute également par la doctrine administrative, lorsqu'elle sera modifiée.

Autres indices possibles 

Il y a d'autres indices possibles pour démontrer la concurrence avec le secteur hôtelier et ils devraient être possible de les invoquer. Il y a d'abord d'autres services hôteliers possibles comme les paniers-repas, les transfers vers l'aéroport ou la gare. Il peut aussi y avoir des modes de fonctionnement révélateurs d'une activité proche de l'hôtellerie comme les techniques commerciales, le référencement sur une plateforme visant la clientèle hôtelière comme Booking.

Sur l'absence de saisie de la CJUE

Il y a lieu de s'étonner que toute cette affaire se termine sans que ni la CAA de Douai ni le Conseil d'Etat n'ait jugé utile d'interroger directement la CJUE pour avoir ses lumières sur la bonne définition du droit européen. Il semble que les autorités françaises n'avaient pas envie que le juge européen constate les errements du droit français en la matière. Restons entre-nous.

Conclusions pratiques pour les meublés de tourisme qui louent à la semaine

Dans la plupart des meublés de tourisme, la location se fait à la semaine, avec un accueil, du linge de maison pour la semaine, un ménage seulement en fin de séjour et pas de petit-déjeuner. 

Il y a donc un seul service incontestable : l'accueil et deux services incertains, le ménage et le linge de maison. Ces deux services de ménage et de linge de maison sont discutables car ils ne sont fournis qu'une seule fois durant le séjour.

Auparavant, sur la base de la doctrine administrative, dans une telle situation, les services fiscaux considéraient que seul le service d'accueil était fourni et qu'il ne s'agissait pas de parahôtellerie assujettie à TVA.

Il fallait proposer un ménage et un changement de linge en cours de séjour pour être un parahôtelier.

Mais, selon moi, avec les nouvelles règles, si le meublé de tourisme se situe en zone touristique ou une zone d'hébergement avec la présence significative d'hôtels, il ne risque plus de remise en cause de l'assujettissement à la TVA, car il fait concurrence aux hôtels, même avec un ménage limité à la fin d'un séjour hebdomadaire. Il est "rattrapé" par l'indice de la zone touristique.

En revanche, si le meublé de tourisme se trouve dans une zone avec une fréquentation limitée, l'assujettissement à la TVA pourrait être remis en cause. Dans cette situation, il faudra continuer à proposer, et à faire de temps en temps selon moi , un ménage et un changement de linge en cours de séjour. 

Il pourra aussi être conseillé de proposer, et de faire vraiment de temps en temps, des séjours à la nuitée, pour rajouter un indice favorable de concurrence avec le secteur hôtelier. Cet indice est généralement respecté pour ceux qui exercent leur activité par la plateforme AIRBNB.

Sur les effets de cette nouvelle définition de la parahôtellerie pour l'impôt sur le revenu

Actuellement le régime de la parahôtellerie en matière d'impôt sur le revenu est défini dans la doctrine administrative (BOI-BIC-CHAMP-40-10 n° 20) par renvoi au régime TVA et avec une exclusion expresse du service de nettoyage de fin de séjour. 

Cette définition est très importante car elle permet de faire la distinction avec le régime fiscal de la location meublée, différent de celui de la parahôtellerie, notamment en matière d'amortissement, de régime micro et de plus-value. 

Selon moi, cette doctrine reste opposable dans les mêmes conditions puisque la règle des trois services sur quatre n'a pas été significativement modifiée dans le nouveau régime de l'article 261 D du CGI. D'ailleurs la doctrine BIC actuelle renvoie toujours à l'ancienne version de l'article 261 D du CGI par le lien Internet, avant la réforme de 2024. 

La question peut se poser de savoir si la nouvelle définition, élargie, du régime de la parahôtellerie au sens de la TVA, s'applique également en matière d'impôt sur le revenu. 

C'est d'autant plus vrai que cette doctrine n'est pas uniquement un renvoi au régime TVA. La doctrine administrative semble déjà proposer une définition plus large en indiquant qu'il s'agit de toute convention d'hébergement qui en raison des services fournis dépassent la simple jouissance du bien. L'utilisation du terme "ainsi" fait penser que le renvoi au régime TVA n'est pas exclusif d'autres cas d'application.

"Cependant sont considérées comme des prestations de nature hôtelière ou para-hôtelière, non soumises au régime fiscal de la location meublée, les conventions d'hébergement qui, en raison des services fournis ou proposés, dépassent la simple jouissance du bien. Ainsi, l’exploitant qui fournit ou propose, en sus de l'hébergement, au moins trois des prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts (CGI), (…)"

L'exploitant d'un meublé de tourisme qui n'a pas de service de ménage en cours de séjour, mais qui se trouve en zone touristique et/ou qui fait des séjours à la nuitée est-il un parahôtelier au sens de l'impôt sur le revenu ou un loueur en meublé ?

Selon moi, à ce jour, la réponse est non car la doctrine administrative précitée n'a pas été changée et elle est claire pour exclure du régime de la parahôtellerie un meublé de tourisme avec seulement deux services prouvés et avec un ménage limité en fin de séjour. 

Donc le contribuable peut invoquer cette doctrine restrictive en sa faveur pour rester en régime de location meublée si c'est son intérêt. Il semble donc devenu possible d'être un exploitant direct de meublé de tourisme, loueur en meublé au sens de l'impôt sur revenu, et parahôtelier au sens de la TVA. Il est cependant probable que la doctrine administrative soit modifiée sur ce point.

A l'inverse un contribuable qui souhaite en impôt sur le revenu relever de la qualification de parahôtellerie a intérêt à respecter scrupuleusement le régime des 3 services sur 4, et en particulier ne pas se contenter du ménage en fin de séjour. 

Ok, tout cela n'est pas très simple et encore très évolutif. Mon conseil : relisez l'article, et si vous n'avez toujours pas compris alors que c'est un sujet pour votre entreprise, contactez moi.

 

Je joins la décision de la CAA de Douai 22DA01714 portant sur le dossier ayant donné lieu à l'avis du Conseil d'Etat :

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A C a demandé au tribunal administratif de Lille, d’une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, d’autre part, de lui accorder le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l’année 2017. Par un jugement n° 1809990, 1900477 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir, à son article 1er, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, a, à son article 2, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, et des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2023, le 23 janvier 2023, ce mémoire n’ayant pas été communiqué, et le 3 octobre 2023, M. C, représenté par Me Alice Baillet, demande à la cour : 1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il ne lui donne pas entière satisfaction ; 2°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 pour un montant de 56 772 euros ; 3°) de lui accorder le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 1 688 euros au titre de la période couvrant l’année 2017 ; 4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : — les dispositions du b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qu’elles conditionnent strictement l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d’un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle à la fourniture de trois des quatre prestations qu’elles énoncent alors que le juge de l’impôt doit vérifier, indépendamment du nombre des critères, si l’activité de l’entreprise concernée est en concurrence potentielle avec les activités hôtelières ; — à titre subsidiaire, la cour doit transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions du b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts avec la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; — alors que l’administration a admis que la prestation de réception était rendue dans des conditions similaires à celles des établissements d’hébergement à caractère hôtelier et alors que les logements proposés étaient garnis du linge de maison, il a apporté la preuve que la prestation de fourniture des petits-déjeuners ainsi que celle de nettoyage avaient été proposées pendant la période en litige ; — compte tenu de la durée moyenne des séjours, la clientèle effectuant, en règle générale, de courts séjours d’un week-end ou d’une semaine, l’offre proposée est nécessairement perçue, du point de vue du consommateur moyen, comme pouvant se substituer à l’offre hôtelière située dans la même zone, de sorte que le principe de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée doit être reconnu. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, et des mémoires, enregistrés le 23 janvier 2023, ce mémoire n’ayant pas été communiqué, et le 4 août 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés. Par un arrêt avant dire droit du 2 mars 2023, la cour, avant de statuer sur l’appel formé par M. C, a sursis à statuer afin de transmettre au Conseil d’Etat, en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, des questions de droit. Le Conseil d’Etat a rendu son avis le 5 juillet 2023 sous le n° 471877. Par une ordonnance du 14 août 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : — la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; — le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; — le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Après avoir entendu au cours de l’audience publique : — le rapport de M. Pin, président-assesseur, — les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public, — et les observations de Me Baillet, représentant M. C. Considérant ce qui suit :

Sur l’objet du litige : 1. M. C a, le 21 janvier 2015, acquis, en l’état futur d’achèvement, un logement situé dans un ensemble immobilier dénommé « Résidence Le Domaine Sauvage », à Equihen-Plage, pour le louer en meublé de tourisme ou de vacances. Il a créé, en vue de l’exploitation de ce bien immobilier, une entreprise individuelle immatriculée en France mais a confié la mise en location effective de ce bien à un tiers exploitant, la société Holiday Suites. Estimant que l’activité de location en meublé ainsi exercée entrait dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée et n’était pas exonérée de cette taxe, M. C a demandé et obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l’achat de ce bien immobilier. 2. A l’issue d’une vérification de comptabilité de l’activité individuelle de M. C, l’administration fiscale a estimé, au contraire, que cette activité était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée et a remis en cause les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par l’intéressé et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 56 772 euros au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Pour les mêmes motifs, le service a rejeté la demande de M. C tendant au remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017. 3. M. C a demandé au tribunal administratif de Lille, d’une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, d’autre part, de lui accorder le remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 1 688 euros au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. C tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avait été assorti le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assigné au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. M. C relève appel de ce jugement en tant qu’il ne lui a pas donné entière satisfaction. Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et du refus de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige : 4. L’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l’article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent « la location de biens immeubles ». Toutefois, en application de son 2, « Sont exclues de l’exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire () ». 5. Il résulte de ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de Justice de l’Union européenne, d’une part, qu’introduisant une exception à l’exonération prévue pour l’affermage et la location de biens immeubles, elles ne doivent pas recevoir une interprétation stricte, d’autre part, que ne peuvent pas faire l’objet d’une exonération, dans la législation des Etats membres, les locations de logements meublés qui correspondent à des opérations d’hébergement, soit hôtelières, soit assimilables à ces dernières. 6. S’il appartient à chaque Etat membre de fixer, lors de la transposition de ces dispositions, les critères utiles à la distinction entre la location d’un logement meublé susceptible d’être exonérée et la mise à disposition d’un tel logement dans des conditions l’apparentant à un hébergement hôtelier et, de ce fait, obligatoirement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ces critères doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l’activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent donc pas en situation de concurrence potentielle.

7. Aux termes de l’article 261 D du code général des impôts : « Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : () / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation. / Toutefois, l’exonération ne s’applique pas : / () b. Aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. () ». 8. Ces dispositions ont pour effet d’inclure dans le champ de l’exonération toute mise à disposition d’un local meublé qui n’est pas assortie de l’offre, par l’exploitant, d’au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d’entraîner l’exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. 9. Par suite, le b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. 10. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération.

11. Pour estimer que les opérations de location du logement meublé dont M. C est propriétaire au sein de la résidence de vacances « Résidence Le Domaine Sauvage », gérée par la société Holidays Suites, ne sont pas assimilables aux prestations fournies par les entreprises du secteur hôtelier et, par suite, ne relèvent pas de l’exception, prévue au b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts, à l’exonération de taxe sur la valeur ajouter applicable aux locations de logements meublés, l’administration s’est fondée sur le fait que, si la société Holiday Suites proposait la fourniture à la clientèle du linge de maison ainsi qu’un service de réception, elle n’assurait, en revanche, ni la fourniture de petits-déjeuners, ni le nettoyage régulier des locaux dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

12. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la location du logement meublé appartenant à M. C était disponible à la nuitée et qu’au demeurant les réservations au sein de la résidence de vacances concernaient majoritairement des courts séjours dont la durée moyenne s’établissait à trois nuitées environ au cours de la période en litige. 13. En deuxième lieu, à supposer même qu’il ne soit pas établi, comme le relève le service, que la fourniture du petit-déjeuner et le service de nettoyage en cours de séjour aient été proposés à titre optionnel au cours de la période litigieuse, il est constant que le nettoyage des locaux était effectué en début et en fin de séjour et il n’est pas contesté que la mise à disposition de ce logement s’accompagnait de prestations de réception téléphonique et d’accueil sur place ainsi que de la fourniture du linge de maison. 14. Au surplus, en troisième lieu, l’activité exercée par la société Holiday Suites s’exerçait dans un secteur particulièrement touristique.

15. Au vu des conditions dans lesquelles la prestation de location du logement était ainsi offerte, en particulier la possibilité pour le client de réserver l’hébergement à la nuitée et les prestations fournies outre l’hébergement, l’activité exercée par la société Holiday Suites doit être regardée comme s’étant trouvée en concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Dès lors que cette société se trouvait en situation d’une telle concurrence, c’est à tort que le service a remis en cause l’assujettissement de M. C à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que M. C est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 pour un montant de 56 772 euros et au remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 1 688 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017. Sur les frais liés au litige : 17. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. C d’une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE : Article 1er : L’article 2 du jugement n° 1809990-1900477 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé. Article 2 : M. C est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour un montant de 56 772 euros au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Article 3 : L’Etat remboursera à M. C un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 1 688 euros. Article 4 : L’Etat versera à M. C une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.