La presse se fait régulièrement l’écho des condamnations de communes littorales liées à des actions indemnitaires découlant d’une mauvaise application de la loi Littoral. Les condamnations sont en effet très régulières notamment en Bretagne (V. pour un dernier exemple CAA Nantes 31 mars 2021 n° 19NT04718 – condamnation de la commune de Moëlan-sur-Mer à verser une somme de 151.370,99 euros).

Le présent article vise à détailler la procédure à suivre pour obtenir une indemnisation de ses préjudices devant les juridictions administratives (il ne concerne pas les autres actions civiles envisageables comme par exemple l’action en nullité de la vente).

A titre liminaire, il convient de souligner que les communes/intercommunalités sont en principe assurées pour ce type d’actions indemnitaires (V. pour un exemple récent, le communiqué de la Ville de Saint-Rémy-de-Provence «  En tout état de cause, la commune est assurée pour ce genre de litige ; même si le jugement à venir de la Cour administrative d’appel était défavorable, la commune ne verserait aucun dédommagement (…) https://www.mairie-saintremydeprovence.com/tennis-du-mas-de-zelon-aucune-condamnation-definitive-a-ce-jour/).

 

Quelle action ?

 

1.

L’action indemnitaire contre une commune/intercommunalité est une action en responsabilité pour faute, qui répond alors au cadre juridique classique d’une telle action.

Il est donc nécessaire de démontrer l’existence d’une faute, de préjudices et d’un lien de causalité.

La faute est en l’espèce constituée par l’adoption d’une décision administrative illégale.

Ainsi, dans l’hypothèse où un plan local d’urbanisme a rangé un terrain en zone urbaine constructible alors qu’en vertu de la loi Littoral tel n’aurait pas dû être le cas (terrain en discontinuité avec une agglomération/village, en dehors d’un espace urbanisé de la bande de cent mètres…), ce document d’urbanisme est alors entaché d’une illégalité fautive.

Cette faute est alors, quasi-systématiquement, reprise dans les éventuels actes individuels édictés au moment à la vente ou postérieurement (certificat d’urbanisme d’information ou opérationnel, déclaration préalable de lotissement, permis de construire…).

Ce sont alors ces actes individuels qui permettent, notamment, d’établir le lien de causalité avec les préjudices subis.

2.

Le recours contentieux indemnitaire nécessite dans un premier temps le dépôt d’une demande indemnitaire préalable auprès de la commune/intercommunalité.

Cette dernière peut alors y répondre expressément (ce qui est rare). En l’absence de réponse et passé un délai de deux mois, la demande est regardée comme implicitement rejetée.

Il convient alors de déposer un recours contentieux indemnitaire devant un Tribunal administratif.

Il est obligatoire d’avoir recours à un avocat pour introduire une telle action (article R. 431-2 du Code de justice administrative).

La procédure est intégralement écrite.

Actuellement, la durée moyenne de jugement pour un recours indemnitaire de ce type devant les tribunaux administratifs est d’environ 24 mois.

L’appel est possible dans ce type de contentieux, sauf si les préjudices demandés sont inférieurs à 10.000 euros, ce qui est très rare en pratique.

Les juridictions administratives d’appel statuent en général dans un délai d’environ 12 mois dans ce type de contentieux.

Il n’existe aucun risque particulier à mener une telle action, si ce n’est celui d’être condamné, en cas de défaite, à rembourser une partie des frais d’avocat de la commune/intercommunalité (très généralement évaluée à 1.500 euros). En cas de victoire contentieuse, il est également possible de demander le remboursement d’une partie de ses frais d’avocat.

Enfin, il est toujours possible de transiger en cours de procédure. 

 

Quand ?

 

Deux délais doivent ici être pris en compte.

D’abord le délai de prescription.

Les actions administratives indemnitaires sont soumises à la prescription quadriennale. Concrètement, un délai de 4 ans commence à courir le 1er janvier de l’année qui suit l’année de déclenchement.

Il ressort de la réglementation et de la jurisprudence que le délai de prescription quadriennale ne peut être déclenché qu’à compter de « la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration » (CE 11 juillet 2008 n° 306140). 

Ainsi, concrètement, en matière d’action indemnitaire fondée sur une illégalité fautive liée à une mauvaise application de la loi Littoral, le délai de prescription sera déclenché, soit par la décision de la commune/intercommunalité de considérer comme inconstructible le terrain (refus de permis de construire, certificat d’urbanisme négatif…), soit de l’annulation d’une autorisation d’urbanisme par les juridictions administratives.

Outre ce délai de prescription, il existe également un délai de recours contentieux de deux mois qui court à compter de la décision prise par la commune suite au recours indemnitaire préalable.

Il convient d’être particulièrement vigilant s’agissant des délais d’action.

 

Quels préjudices ? 

 

Il est possible de demander l’indemnisation de plusieurs préjudices.

Le plus important est constitué par la perte de valeur vénale du terrain concerné. Concrètement, il s’agit de la différence de valeur entre un terrain constructible et un terrain inconstructible.

Il est également possible de demander l’indemnisation des frais liés à l’acquisition du terrain (frais de notaire, frais d’agence…) ainsi que des taxes et impôts payés en raison du fait que le terrain est constructible (taxe foncière bases terres non agricoles, IFI…).

Les victimes peuvent également demander l’indemnisation d’un préjudice moral. A défaut d’élément pour caractériser ce préjudice (attestation de témoins, attestations médicales…), il est très généralement estimé à 1.000 euros par les juges administratifs.

D’autres préjudices sont également envisageables en fonction de chaque cas d’espèce. Un audit approfondi par un avocat permettra alors d’en dresser la liste exhaustive et ainsi de s’assurer la meilleure indemnisation possible.

Enfin, il convient de relever que les communes/intercommunalités invoquent quasi-systématiquement la faute de la victime pour tenter de faire diminuer le montant des dommages et intérêts à verser. Cette faute de la victime est alors très généralement admise lorsqu’est en cause un « professionnel » de l’immobilier.