Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’Union Européenne et n’est ainsi plus lié par les règlements européens.

Quelles conséquences concrètes sont liées à cette sortie de l’Union Européenne en cas d’enlèvement d’enfant impliquant la France et le Royaume-Uni?

A titre liminaire, il sera précisé que l’enlèvement illicite de l’enfant s’entend du déplacement ou non-retour d’un enfant dans l’Etat de sa résidence habituelle au mépris de l’autre parent exerçant effectivement l’autorité parentale (ou qui aurait dû l’exercer en l’absence de cet événement).

Jusqu’au 31 décembre 2020, la demande de retour de l’enfant dans son Etat de résidence habituelle était formulée sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant et le Règlement Bruxelles II bis combinés.

Depuis le 1er janvier 2021, ce dernier texte qui assurait une protection et une effectivité renforcées de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, ne s’applique plus au Royaume-Uni.

Reste applicable entre la France et le Royaume-Uni la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant.

En conséquence, le parent victime peut toujours déposer une demande de retour de l’enfant déplacé ou retenu illicitement en France ou au Royaume-Uni.

En revanche, dès lors que les dispositions du Règlement Bruxelles II bis ne sont plus applicables, les procédures de retour engagées entre la France et le Royaume-Uni risquent d’être plus longues (1.) et auront moins de chances d’aboutir (2.).

  • 1. Possible augmentation du délai de procédure

N’étant plus liées par le règlement Bruxelles II bis, les juridictions anglaises et françaises ne sont plus tenues de rendre leur décision dans les six semaines de leur saisine ; entraînant un possible allongement des délais de procédure. Si la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 en son article 11 requiert un traitement urgent de ce contentieux et la possibilité de solliciter des explications sur les raisons de ce retard à l’Etat refuge, le caractère contraignant de cet article est à l’évidence bien moindre.

Le retour de l’enfant pourra être d’autant plus retardé que le règlement Bruxelles II bis prévoit l’exécution de plein droit de la décision de retour par la seule production d’un certificat délivré dès que la décision de retour est exécutoire, sans qu’aucune formalité ne puisse être exigée. Tel ne sera plus le cas et une procédure d’exequatur semble à nouveau nécessaire.

  • 2. Probables augmentation des hypothèses de non-retour

En outre, la notion de danger, pouvant justifier le non-retour de l’enfant, est entendue plus restrictivement par le règlement. En effet, son article 11 § 4 prévoit qu’« une juridiction ne peut pas refuser le retour de l’enfant en vertu de l’article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant après son retour ». En conséquence, si les mesures adéquates permettant d’assurer la protection de l’enfant ont été prises par l’Etat de sa résidence habituelle, son retour ne peut pas être refusé sur ce motif.

Le règlement Bruxelles II bis ne s’appliquant plus dans les relations entre les Etats Membres et le Royaume-Uni, la marge de manœuvre des juridictions de l’Etat refuge est à présent plus grande. Elles auront la possibilité de rejeter la demande de retour en raison du « danger » encouru par l’enfant revenant dans l’Etat de sa résidence habituelle, nonobstant les mesures prises par l’Etat d’origine pour assurer la protection de ce dernier.

Enfin, en vertu des articles 11 §8 et 42 combinés du règlement Bruxelles II bis, une décision rendue par l’Etat d’origine de l’enfant et ordonnant son retour prévaut sur la décision de non-retour rendue par l’Etat refuge, dès lors que :

« a) l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité,

b) les parties ont eu la possibilité d’être entendues, et que

c) la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision [de non retour] prise en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980 ».

Dorénavant et comme dans toute affaire d’enlèvement international d’enfant impliquant la France et un Etat tiers – non membre de l’Union Européenne, l’Etat refuge pourra s’opposer au retour de l’enfant, nonobstant une décision contraire rendue par l’Etat d’origine de l’enfant.

Ainsi, le parent victime pourrait avoir intérêt à saisir dans les plus brefs délais la juridiction de l’Etat de résidence habituelle de l’enfant pour tenter d’obtenir rapidement une décision sur le fond et en solliciter l’exécution et ainsi espérer la faire appliquer avant qu’une décision de non-retour n’intervienne.

Toutefois, l’exécution de cette décision sera ralentie en l’absence de circulation automatique de la décision.

Ce faisant, depuis le 1er janvier 2021 et en l’absence de conventions internationales ou bilatérales aussi protectrices que le Règlement Bruxelles II bis liant la France et le Royaume-Uni, les enlèvements illicites d’enfant impliquant le Royaume-Uni et la France bénéficient d’une protection moindre, au détriment de l’enfant et du parent victime.

Prisca BLARD