Lorsqu’un salarié engage une procédure contre son employeur - ou lorsqu’il doit se défendre - il lui appartient d’apporter les éléments établissant les faits en cause. Une tâche souvent complexe : les documents sont conservés par l’entreprise et les situations litigieuses reposent parfois sur des échanges verbaux, notamment en matière de harcèlement.

Deux leviers juridiques permettent cependant d’accéder à des éléments essentiels :

  1. Le droit à la preuve, qui peut justifier l’utilisation d’un enregistrement réalisé à l’insu de l’employeur.

  2. Le droit d’accès aux données personnelles, garanti par le RGPD, permettant notamment de récupérer ses e-mails professionnels.

 A - Enregistrement clandestin : une preuve désormais recevable… sous conditions

En matière prud’homale, la preuve est en principe libre : tout élément pertinent peut être produit devant le juge.

Pendant longtemps, une preuve collectée de façon déloyale - par exemple un enregistrement secret - était presque automatiquement déclarée irrecevable. La situation a profondément changé avec un arrêt majeur de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 [1].

  • Ce que dit désormais la Cour de cassation

Le juge doit examiner plusieurs éléments avant d’écarter ou non la preuve :

  • L’impact sur l’équité du procès : la preuve nuit-elle à un débat loyal ?

  • L’indispensabilité de la preuve : le salarié disposait-il d’un autre moyen d’établir les faits ?

  • La proportionnalité : l’atteinte aux droits de l’autre partie est-elle justifiée par l’objectif recherché ?

Lorsque ces critères sont remplis, la preuve illicite peut être retenue.

Exemples récents de preuves acceptées

  • Inégalité de traitement : un salarié présente les bulletins de paie de collègues pour prouver une différence de rémunération. Malgré la violation de la vie privée, la preuve est admise car nécessaire [2].

  • Violences au travail : une salariée dépose un enregistrement clandestin démontrant des faits graves dont elle ne pouvait autrement justifier [3].

  • Pressions pour signer une rupture conventionnelle : un enregistrement obtenu sans informer l’employeur est retenu pour établir la réalité des pressions exercées [4].

  • Une preuve illicite peut aussi être écartée

Si le salarié dispose déjà d’éléments suffisants, le juge peut refuser une preuve illégale.
Exemple : un enregistrement rejeté car un rapport du CHSCT apportait déjà des éléments sur les faits de harcèlement [5].

À retenir : une preuve irrégulière n’est admise que lorsqu’elle est strictement nécessaire et qu’aucune autre démarche moins intrusive n’est possible.

 

B- Récupérer ses e-mails professionnels grâce au RGPD : un droit garanti

Les échanges professionnels contiennent fréquemment des éléments essentiels dans un litige. Pourtant, de nombreux salariés quittent l’entreprise sans avoir accès à leurs mails, parfois à la suite d’une mise à l’écart immédiate ou d’une mise à pied conservatoire.

Le RGPD offre une solution puissante :

l’article 15 reconnaît à toute personne un droit d’accès à ses données personnelles, ce qui inclut ses courriers électroniques professionnels.

  • Ce que peut demander le salarié

Le salarié peut obtenir :

- une copie de ses e-mails professionnels,

- leur contenu intégral,

- la date et l’heure d’envoi,

- les destinataires et expéditeurs.

Ce droit a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 juin 2025 [6].

La CNIL rappelle que ce droit s’applique :

- aux salariés en poste,

- comme aux anciens salariés, même plusieurs années après leur départ.

 

Conclusion : deux outils puissants pour rétablir l’équilibre du procès

Pour établir la réalité des faits qu’il dénonce, un salarié peut s’appuyer sur :

  1. Une preuve obtenue irrégulièrement, si elle est indispensable et proportionnée.

  2. Une demande d’accès aux données personnelles, permettant notamment de récupérer ses e-mails professionnels.

Ces mécanismes renforcent l’égalité des armes entre salarié et employeur et permettent un jugement plus juste. Ils doivent toutefois être utilisés avec prudence : une preuve recevable peut malgré tout constituer une atteinte aux droits d’autrui et engager des responsabilités.