La sélection à l’entrée en master donne lieu à un contentieux abondant, les étudiants se trouvant, fréquemment, sans aucune proposition d’entrée en master. Cette sélection est parfois assez obscure pour les étudiants. Mais le Conseil d’Etat a précisé que cette sélection en master ne pouvait se faire que sur les « mérites des candidats » tout en laissant les universités totalement libres de préciser ou non comment ces « mérites » étaient appréciés.

 

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En effet, les refus d’entrée en master donnent lieu à beaucoup de contentieux (voir l’article : Quels recours en cas de refus de masters ?) du fait de la difficulté pour les étudiants de trouver, après sélection des candidatures, une inscription.

Dans se cadre, peut notamment se poser la question des critères de sélection à l’entrée en master car il est fréquent que ces critères ne soient pas précisés ou demeurent assez flous pour les étudiants. Ce qui peut les conduire à douter des raisons du refus de master qui leur est opposé, ce que renforce le fait que les refus ne soient pas motivés et aient, en général, un contenu très stéréotypé.

Or, jusqu’ici, la jurisprudence n’avait pas eu l’occasion de préciser :

- Quels critères peuvent être utilisés pour sélectionner les étudiants et leur opposer un refus de master ?

- Ces critères doivent-ils être précisés ?

- Ces critères doivent-ils être portés à la connaissance des étudiant ?

Dans la décision commentée (CE. CHR. 13 octobre 2023, n° 467671, mentionnée aux tables), le Conseil d’Etat a apporté des éléments de réponse sur ces différents points.

 

● Quels critères peuvent être utilisés pour sélectionner les étudiants à l’entrée en master ?

 

S’agissant des critères de sélection pour opposer légalement un refus de master, le code de l’éducation n’est pas particulièrement précis.

En effet, il se borne à indiquer en son article L. 612-6 qu’en cas de sélection « L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ».

Mais il n’indique pas expressément sur quoi doit porter ce « concours » ou cet « examen du dossier ».

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a répondu à cette question en précisant que « les seuls critères applicables soient ceux tenant aux mérites des candidats ». Il est même allé plus loin afin de lever toute ambiguïté puisqu’il a indiqué :

« […] ces dispositions font obstacle à ce que les établissements d'enseignement supérieur arrêtent d'autres critères pour l'admission dans leurs formations du deuxième cycle. ».

Ainsi, comme pour les examens et les concours, seuls les « mérites » des candidats doivent être pris en compte, et tout autre critère est interdit. Par ailleurs, le Conseil d’Etat a précisé que ces mérites étaient « en particulier » appréciés « au vu de leurs compétences académiques et de leur projet professionnel ».

Cela peut paraître évident de prime abord, mais il n’était pas inutile de le préciser.

En effet, il aurait pu être envisageable pour les universités de tenir compte d’autres éléments, comme par exemple, si les étudiants venaient de l’université elle-même ou d’un autre établissement.

Le Conseil d’Etat a donc coupé court à tout débat en précisant bien que seuls les « mérites » des candidats peuvent justifier un refus d’admission en master.

 

● La méthode d’appréciation des « mérites » des candidats doit-elle obligatoirement être précisée ?

 

Une fois établi que les étudiants ne peuvent pas être sélectionnés à l’entrée en master pour autre chose que leurs mérites, se pose également la question de savoir si les universités ont l’obligation d’être plus précises quant aux éléments d’appréciation de ces mérites.

En effet, de nombreux éléments peuvent être pris en compte pour apprécier ces « mérites ».

Les notes sont évidemment l’élément qui vient le plus facilement à l’esprit, mais d’autres éléments peuvent être pris en compte, comme les stages réalisés, la cohérence du parcours universitaire, l’absence de redoublement, le projet professionnel, etc.

Les « mérites » des candidats à l’entrée en master sont en effet un élément d’appréciation assez large, surtout dans l’hypothèse où cette appréciation se fait sur le dossier de l’étudiant.

Il aurait donc pu être envisagé que les universités soient obligées de préciser les éléments d’appréciation des mérites sur lesquels elles se fondent, voire même la part de chaque élément (comme par exemple : les notes pour 50 %, le parcours pour 25 % et les stages pour 25 %).

Toutefois, telle n’a pas été la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée.

En effet, il a considéré que les textes n’imposent pas aux universités « de préciser les éléments d'appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinés ».

Autrement dit, les universités peuvent parfaitement ne pas adopter de critères d’admission en master et laisser les commissions d’admission ou les autres organes chargés de l’étude des dossiers totalement libres de décider comment apprécier ces mérites.

Cette position est assez regrettable car elle vient renforcer le sentiment d’opacité que nombre d’étudiants ressentent déjà à l’occasion de la sélection à l’entrée en master, ceux-ci ne comprenant pas pourquoi tel ou tel étudiant, dont les notes sont similaires ou moins bonnes que les leurs, ont été admis et pas eux.

Une exigence de transparence de la part des universités sur ce point aurait été utile pour faciliter l’acceptation d’une sélection à l’entrée en master particulièrement anxiogène pour les étudiants.

Cependant, par la décision commentée, le Conseil d’Etat a considéré que les universités pouvaient ne pas préciser quels éléments d’appréciations allaient être utilisés.

 

● Lorsque la méthode d’appréciation des « mérites » des candidats est précisée, doit-elle être portée à la connaissance des candidats ?

 

Il convient également de préciser que le Conseil d’Etat a tranché un autre point quant à la méthode d’appréciation des « mérites », lorsque celle-ci est précisée par l’université.

En effet, l’on pouvait s’interroger sur l’obligation ou non, dans cette hypothèse, pour les universités d’informer les étudiants de cette méthode au moment de leurs candidatures en master ou après leur refus.

Il paraîtrait, sur ce point, logique que les étudiants sachent quelle méthode est utilisée pour apprécier leurs mérites, ce qui pourrait d’ailleurs les aider à constituer leurs dossiers.

Toutefois, là encore, le Conseil d’Etat a répondu par la négative.

Plus précisément, il a considéré que les universités n’avaient pas à informer précisément les étudiants de cette méthode de sélection des candidatures en master.

Il s’est borné à rappeler le principe selon lequel, un acte réglementaire d’une université doit être publié pour être opposable (article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration).

Or, pour les universités, comme le rappelle également le Conseil d’Etat, cette publication peut se faire :

- Sur le bulletin officiel de l’université,

- Sur le site internet de l’université.

Il est bien évident que si cette publication est réalisée sur le bulletin officiel de l’université et qu’il n’est pas accessible en ligne, les étudiants n’auront aucune chance de connaître ces critères de sélection en master.

En effet, l’on imagine mal que les étudiants fassent le tour de toutes les universités de France au sein desquelles ils candidatent pour prendre connaissance de leur bulletin officiel en version papier (à supposer que ce bulletin soit en pratique accessible…).

De même, si la délibération fixant les critères d’appréciation des mérites des candidats à l’entrée en master est publiée sur le site internet de l’université, il est assez peu probable que les étudiants en aient en pratique connaissance puisqu’il n’est généralement pas aisé de trouver ces délibérations et encore plus difficile de les comprendre et de s’y retrouver pour un étudiant qui, par définition, n’est pas un professionnel du droit.

Ainsi, en pratique, cela signifie que la seule publication des critères de sélection des candidatures en master est celle qui s’applique à tous les actes administratifs réglementaires.

Autrement dit, les universités n’ont pas d’obligation de porter ces critères à la connaissance des étudiants.

Cette position est, encore une fois, assez dommage car la solution inverse aurait permis, d’une part, une plus grande transparence dans ce processus de sélection en master et, d’autre part, de faciliter l’acceptation éventuelle des refus opposés aux étudiants.

 

Cette décision est donc décevante puisque, si elle précise bien que seuls les mérites des candidats peuvent être utilisés pour opposer un refus de master, elle laisse les universités totalement libres de fixer ou non la méthode d’appréciation de ces mérites et d’en informer ou non les étudiants.

 

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