Selon l'article L 142-6 du Code rural et de la pêche maritime, tout propriétaire peut mettre à la disposition de la SAFER un bien rural, bien sur lequel la SAFER va pouvoir, elle-même, conclure un "bail" au profit de l'exploitant qu'elle a retenu. Cette opération permet à ce propriétaire de disposer d'un délai pour choisir la meilleure modalité de transmission de son patrimoine (en jouissance ou en propriété) et/ou de trouver l'exploitant idoine.
Cette opération s'effectue en deux temps.
Première étape : un propriétaire, disposant d'un bien libre de toute occupation, consent à la SAFER une Convention de mise à disposition (CMD) dont la durée peut varier entre un an et six ans (durée maximale). Une telle convention est renouvelable une fois et une seule. Rien n'interdit que la durée de la CMD renouvelée soit différente de celle de la CMD initiale.
Deuxième étape : après avoir procédé à un appel à candidatures et sollicité l'avis au Comité technique départemental, la SAFER conclut, sur ce même bien, un "bail" au profit de l'exploitant retenu. Il s'agit en fait d'une sous-location. Ce "bail SAFER" est entièrement dérogatoire au Statut du fermage, sauf pour le prix, lequel doit respecter les dispositions de l'article L 411-11 du Code rural et de la pêche maritime. La durée de ce bail n'est pas nécessairement calquée sur celle de la CMD, mais elle ne saurait, bien évidemment, excéder la durée de la CMD consentie initialement par le propriétaire.
Ainsi, sur une CMD d'une durée de 6 ans, on peut concevoir que plusieurs baux SAFER se succèdent : le premier d'un an, le deuxième de 3 ans et le dernier de 2 ans. De plus, la SAFER peut retenir des exploitants différents dans le cadre de ces baux. Même si, en pratique, la durée du bail SAFER est généralement calquée sur celle de la CMD et le bail consenti à un seul et même exploitant.
Que ce soit la CMD ou le bail, les deux contrats relèvent de la liberté contractuelle et peuvent contenir une clause de résiliation unilatérale ainsi que le permet l'article 1224 du Code civil. La résiliation exigera alors la notification à l'autre partie, en respectant le délai de préavis prévu au contrat.
Reprenant l'exemple de la CMD conclue sur une durée de 6 ans, le bail SAFER, établi également pour une durée de 6 ans, pourrait être résilié au terme de 2 ans. Dans un tel cas de figure, la SAFER aurait alors la faculté de résilier la CMD pour la même date ou de "relouer" le fonds à un autre exploitant pour la durée restant à courir.
Sur cette faculté pour la SAFER de consentir plusieurs baux successifs, il convient d'observer que la limitation légale à un seul renouvellement ne s'applique qu'à la CMD, pas aux "baux SAFER".
Inversement, un propriétaire pourrait résilier la CMD avant son terme. Par exemple, ayant conclu une CMD d'une durée de 6 ans, il pourrait la résilier au terme de 2 ans. Ce qui obligera alors la SAFER à résilier le "bail" de son côté.
Il faut réserver l'hypothèse où le bail SAFER (consenti au même exploitant) a connu une durée supérieure à 6 ans (ce qui suppose que la CMD ait été renouvelée). Dans ce cas, la loi impose au propriétaire, s'il souhaite louer le bien, de le proposer en priorité à l'ex-preneur SAFER. La jurisprudence est venue toutefois préciser que le non-respect de ce droit de priorité ne saurait se traduire par un bail forcé (Cass. 3° civ., 18 juin 2014, n° 13-17.002).
Encore faut-il que le propriétaire dispose des coordonnées du preneur "SAFER" et qu'il ait connaissance de la présence de ce dernier sur le fonds pendant plus de 6 ans. Et ce alors que, par cette opération, ledit propriétaire n'a aucune relation avec l'exploitant, lequel ne connaît de son côté que la SAFER.
Eric GRANDCHAMP de CUEILLE
Avocat
Courriel : eric.grandchamp@gmail.com
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