Au cours de la vie d’une entreprise, il arrive de rencontrer des difficultés financières susceptibles de nécessiter l’ouverture d’une procédure collective.

 

Il en existe plusieurs allant de la sauvegarde de justice au redressement judiciaire jusqu’à la liquidation judiciaire. Tout dépendra de la gravité des difficultés rencontrées et de la possibilité de maintenir une activité ou non.

 

Les procédures collectives visent à traiter les difficultés financières de la société de manière ordonnée, en accompagnant le chef d’entreprise dans la gestion de cette crise. La gestion de l’entreprise est alors placée entre les mains d’un tiers expert (administrateur, mandataire ou liquidateur en fonction de la procédure collective), afin d’établir un plan de redressement, d’organiser le paiement des dettes ou de liquider la société.

 

Parmi les procédures possibles, la liquidation judiciaire est celle qui sonne le glas de l’entreprise. En effet, le rétablissement de la société est à ce stade manifestement impossible et les dettes bien trop supérieures aux potentielles recettes. L’objectif est alors de mettre fin à l’activité et de payer les créanciers dans la mesure du possible.

 

En effet, les difficultés financières rencontrées par la société peuvent résulter d’une mauvaise gestion ou d’un détournement d’actifs.

 

Dès lors, les risques que le gérant encourt sont alors très importants tant sur le plan personnel que financier et professionnel, les sanctions potentielles peuvent être très lourdes.

 

A ce titre, la liquidation judiciaire peut entraîner la responsabilité du dirigeant de la société ; aussi bien du dirigeant de droit que celui de fait (voir https://consultation.avocat.fr/blog/margaux-sportes/article-2967573-la-mise-en-lumiere-de-la-pratique-du-dirigeant-de-fait-derriere-les-coulisses-des-societes-commerciales.html).

 

Il convient donc d’éclaircir ce que risque un dirigeant en cas de redressement, mais plus fréquemment en cas de liquidation judiciaire.

 

1-   Les sanctions encourues sur le plan professionnel

 

Le dirigeant de l’entreprise qui fait l’objet d’une liquidation judiciaire s’expose d’abord à la faillite personnelle. Il s’agit d’une sanction civile entraînant automatiquement l’interdiction de gérer, et dont la durée ne peut excéder quinze ans.

 

La faillite personnelle concerne toute personne physique dirigeante. En l’occurrence, il peut aussi bien s’agir de commerçants que d’artisans, d’agriculteurs, d’indépendants ou encore de professions libérales.

 

Pour cela, il faut que le gérant ait commis des fautes de gestion pouvant lui être imputables et ayant directement contribué à l’insuffisance d’actif et donc à l’endettement de la société.

 

Par exemple, parmi les fautes retenues pour condamner à une faillite personnelle, on peut relever :  l’usage des biens de la société comme ses biens propres, la réalisation d’actes de commerce dans un intérêt personnel, l’exercice d’une activité prohibée, l’utilisation des biens ou du crédit de façon contraire à l’intérêt de la société, le détournement ou la dissimulation de l’actif, en tout ou partie, ou encore la poursuite d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait que conduire à la cessation des paiements, maintenir une rémunération élevée ou encore se verser par anticipation des dividendes avant l’ouverture de la procédure collective…

 

A défaut d’une condamnation à une faillite personnelle, le dirigeant de la société peut se voir prononcer une interdiction de gérer, pouvant aller jusqu’à 10 ans.

 

En vertu de l’article L 653-8 du Code de commerce, il s’agit de « l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ».

 

Cette sanction conduit le dirigeant à se voir interdire la gestion de son entreprise, mais aussi, parfois, la gestion de plusieurs autres entreprises ou de toute entreprise à venir.

 

Elle a lieu si le gérant a omis de demander l’ouverture d’une procédure collective dans les 45 jours de la cessation de paiements, a agi de mauvaise foi envers le mandataire ou le liquidateur judiciaire ou s’il a commis certains actes passibles d’une mise en faillite personnelle.

 

En cas de condamnation à une faillite personnelle ou une interdiction de gérer, cette dernière sera inscrite sur le casier judiciaire du dirigeant.

 

Toutefois, il est possible pour l’ancien gérant d’écourter la sanction s’il a suffisamment contribué au règlement des dettes.

 

Le Tribunal de commerce qui a prononcé la sanction pourra alors rééxaminer le dossier et lever l’interdiction si l’ancien dirigeant justifie non seulement d’avoir payé le montant des condamnations mais également de la nécessité de reprendre une activité en tant que dirigeant.

 

C’est donc la bonne foi du dirigeant dans l’exécution de la condamnation qui sera étudiée.

 

En plus des sanctions professionnelles, le dirigeant peut également devoir supporter tout ou partie du passif de la société.

 

2-  Les sanctions encourues sur le plan financier

 

Sur le plan financier, le dirigeant peut être condamné à rembourser les dettes de l’entreprise en liquidation judiciaire. On parle alors de comblement de passif.

 

A ce titre, la responsabilité du dirigeant peut être recherchée pour des fautes de gestion ayant conduit à une insuffisance ou une réduction de l’actif de la société, c’est-à-dire de ses possessions matérielles et immatérielles.

 

Cette sanction peut venir se cumuler avec la sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer.

 

C’est le cas par exemple d’un gérant dont la rémunération est excessive au regard du chiffre d’affaires déficitaire de la société, l’absence de surveillance n’ayant pas permis d’empêcher un détournement de fonds par un collaborateur ou encore le prélèvement d’une somme ayant contribué à la cessation des paiements.

 

Les faits justifiant une sanction tant professionnelle et/ou financière sont nombreux et dépendent de la gestion qui a été faite de la société avant l’ouverture de la procédure collective.

Par ailleurs, en cas de changement de gérant, il est important de préciser que ce n’est pas obligatoirement le gérant en exercice à la date d’ouverture de la procédure collective qui sera le seul poursuivi. Tous les gérants dont les fautes de gestion ont contribué à l’insuffisance d’actifs sont susceptibles d’être poursuivis en responsabilité.

Ainsi, contrairement à l’idée reçue, changer de gérant six mois avant l’ouverture d’une procédure collective ne « protège » pas le ou les anciens dirigeants d’une procédure en responsabilité à leur encontre. Chaque gérant reste responsable des actes commis pendant sa période de gestion. Le quitus voté par les associés n’est valable qu’entre le dirigeant et les associés et ne vient pas mettre à l’abri le dirigeant sortant de poursuites de la part du liquidateur.

Enfin, l’action en engagement de la responsabilité du dirigeant se prescrit par trois ans, à compter de la date d’ouverture de la procédure collective.

Surtout, cette action n’est qu’une possibilité offerte au liquidateur ou au procureur, si bon leur semble.

Il ne s’agit nullement d’une obligation de poursuivre les dirigeants à chaque fois qu’une liquidation judiciaire est ouverte. Et même si des poursuites sont engagées, le Tribunal peut, souverainement, décider de ne pas sanctionner le dirigeant ou d’atténuer la sanction demandée ou de ne prononcer qu’une interdiction de gérer sans comblement de passif ou de cumuler les deux types de sanctions…

Le Tribunal est totalement libre de sa décision de sanctionner ou non l’ancien dirigeant. Il n’y a donc aucune automaticité dans la sanction prononcée.

Si vous êtes poursuivi en responsabilité pour insuffisance d’actif, le cabinet peut vous accompagner dans cette procédure.

 

Article co-rédigé par Me Margaux Sportes et Cassandre Dupierre