Vente immobilière et vice caché

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er mars 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 155 F-D

Pourvoi n° A 21-25.315




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023

Mme [K] [S], épouse [T], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 21-25.315 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [B], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Sombat - Les Façades de l'Anjou, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Areas dommages, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [S] épouse [T] (Mme [T]) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Sombat- Les Façades de l'Anjou et la société Areas dommages.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 12 octobre 2021), par acte du 29 décembre 2009, Mme [T] a vendu une maison d'habitation à Mme [B].

3. Se plaignant de divers désordres, Mme [B] a assigné Mme [T] en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de Mme [B], alors :

« 1°/ que l'action en garantie des vices cachés ne peut être accueillie quand les défectuosités qui affectaient la chose vendue ont été réparées préalablement à la vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « le contre-mur ne semble pas avoir été réalisé pour que puisse être validée une intention de vice caché mais dans le but du confortement, en l'occurrence efficace, d'un ouvrage ancien vétuste » et que « ce contre-mur ne souffre d'aucun désordre » ; qu'en affirmant, pour dire que l'immeuble vendu souffrait d'un vice caché, que les travaux réalisés sur le contre-mur attestaient de la fragilité de l'immeuble vendu, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il ressortait que les travaux réalisés avant la vente avaient permis de conforter efficacement l'immeuble vendu, en violation de l'article 1641 du code civil ;

2°/ que si les juges ne sont pas liés par les constatations ou les conclusions de l'expert judiciaire, ils ne peuvent s'en écarter sans énoncer les motifs qui ont déterminé leur conviction ; qu'en affirmant que la réalisation du contre-mur attestait de la fragilité intrinsèque de l'immeuble vendu, sans donner les raisons l'ayant conduite à s'écarter des conclusions du rapport d'expertise qui indiquaient que « cette réalisation a permis au contraire d'en assurer la stabilité » et que « concernant la partie habitable : il n'y a pas péril en la demeure », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « "le masquage" des désordres, notamment des fissures affectant le mur litigieux, n'est pas démontré » ; qu'en accueillant néanmoins l'action en garantie des vices cachés, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si Mme [B] n'avait pas pu se convaincre par elle-même de l'état de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1641 et 1642 du code civil ;

4°/ que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les désordres invoqués par Mme [B] se limitaient aux désordres extérieurs localisés sur le « contre-mur visible depuis la propriété voisine [?] [qui] se compose d'un mur de soutènement été de contreforts, de la reprise en sous-oeuvre des contreforts existants, de celle de tête de mur en schiste, et d'un enduit de finition », et aux désordres intérieurs qui « concernent les cloisons de doublage et les menuiseries de l'extension, à savoir : « – Des fissurations longilignes en cueillies de plafond de la salle de bains, avec retour vertical dans les angles des cloisons ; – Une fracture d'un carreau de faïence murale en angle du châssis de la salle de bains – tracé en diagonal sur la largeur du carreau ; – Un décollement de l'huisserie de la porte d'accès à la cuisine – ouverture + ou - 1 cm, avec faux-aplomb de + ou - 2 cm sur toute la longueur – à noter que le désaffleure est manifestement d'origine, – Un faux-aplomb de + ou - 2 cm sur toute la longueur de la porte d'accès à la salle de bains ; – Fracture de deux carreaux de sol au seuil de ladite porte » ; qu'en retenant toutefois que les désordres résidaient dans « la fragilité de l'immeuble dans son ensemble », la cour d'appel, qui a statué sur l'existence de désordres dont Mme [B] ne se plaignait pas, a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que l'action en garantie des vices cachés ne peut être accueillie sans que soit recherchée l'origine du dysfonctionnement en cause ; que faisant référence à la lettre du 5 octobre 2003 versée aux débats par Mme [B], Mme [T] indiquait dans ses conclusions que « s'agissant de ces fissures dénoncées dans cette lettre, il s'agit de fissures horizontales sur le mur pignon de la partie ancienne de la maison totalement à l'opposé de l'extension ! Pendant les opérations d'expertise, aucune fissure horizontale n'a été alléguée par Mme [B] qui n'a pas demandé à l'Expert de Justice de les constater pendant les diverses réunions d'expertise » ; qu'en se fondant néanmoins sur cette lettre pour caractériser la fragilité de l'immeuble, sans rechercher si les fissures évoquées dans la lettre concernaient les désordres dont l'origine avait été examinée par l'expert, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé qu'un contre-mur avait été réalisé en 2008 afin de conforter un mur ancien fissuré, élevé en schiste, qui annonçait des signes de basculement et sur lequel s'était appuyée l'extension de la maison et que ce contre-mur avait pour but de conforter un ouvrage ancien vétuste dont la fragilité était dénoncée depuis longtemps par les anciens propriétaires.

6. Elle a constaté que le contre-mur avait été édifié, avec l'autorisation des propriétaires, sur la parcelle voisine et que l'acte de vente ne faisait pas état de ces travaux récemment engagés, de sorte que Mme [B], qui n'avait pas de raison de se rendre sur le fonds voisin, ne pouvait pas en avoir connaissance.

7. Elle a retenu que, si ce contre-mur ne souffrait d'aucun désordre, il avait été réalisé pour maintenir un ouvrage ancien qui attestait de la fragilité intrinsèque de l'immeuble dans son ensemble et a pu déduire de ces seuls motifs, sans modifier l'objet du litige, que la fragilité de l'immeuble était constitutive d'un défaut caché, antérieur à la vente, et présentant un caractère de gravité suffisant pour rendre la chose impropre à l'usage à laquelle on la destinait, et que, Mme [T] ne pouvant pas ignorer cette fragilité, la clause de non-garantie devait être écartée.

8. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [S], épouse [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;