Le droit de l'urbanisme est un domaine complexe, où chaque détail compte. Une décision récente du Tribunal Administratif de Nice (Jugement n° 2205014 du 19 mai 2025) vient opportunément rappeler un principe fondamental, mais parfois méconnu, concernant les déclarations préalables de travaux et l'existence d'irrégularités antérieures. Cette affaire met en lumière les pièges à éviter pour les propriétaires souhaitant réaliser des travaux sur un bien ayant déjà fait l'objet d'aménagements non autorisés.
Les faits : une déclaration préalable retoquée à cause du passé irrégulier de l'immeuble
L'affaire concernait des propriétaires et un syndicat de copropriétaires qui avaient déposé une déclaration préalable pour des travaux de ravalement de façades, de remplacement de garde-corps et de stores-bannes sur un immeuble situé à Cannes. Le maire de la commune s'est opposé à cette déclaration, et a rejeté le recours gracieux des requérants.
La raison du refus ? L'existence d'un procès-verbal d'infraction datant de 2020, constatant des travaux réalisés sans autorisation au sixième étage de l'immeuble. Ces travaux incluaient la construction de garde-corps, l'augmentation de la surface habitable par la pose de nouvelles baies vitrées, la pose de placards et la création d'un édicule de cage d'ascenseur.
Les requérants soutenaient que leurs nouveaux travaux n'avaient pas vocation à régulariser l'existant irrégulier et qu'ils avaient même tacitement obtenu une déclaration préalable "globale" en 2019. Ils mettaient également en avant le classement sans suite de la procédure pénale concernant les irrégularités.
La problématique juridique : Quand des nouveaux travaux obligent à régulariser l'existant irrégulier ?
La question centrale posée au Tribunal était la suivante : Un propriétaire qui souhaite réaliser de nouveaux travaux sur un bâtiment doit-il, ou non, obligatoirement régulariser l'ensemble des éléments de construction déjà réalisés sans autorisation, même si les nouveaux travaux ne sont pas directement liés aux irrégularités passées ?
La solution du Tribunal : L'obligation de "tout régulariser" en cas d'ensemble immobilier unique
Le Tribunal Administratif de Nice a confirmé la décision du maire de Cannes et rejeté la requête des propriétaires.
Le jugement s'appuie sur une jurisprudence établie, rappelant que "lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment". Ce principe s'applique également lorsque la construction a été transformée sans les autorisations requises.
Le point crucial de la décision réside dans l'appréciation du lien entre les nouveaux travaux et les irrégularités existantes. Le Tribunal a jugé que les travaux visés par la déclaration préalable de 2021 (façades, garde-corps, stores-bannes) étaient "indissociables des éléments déjà construits de manière irrégulière" et formaient un "ensemble immobilier unique avec la construction existante illégale". En clair, comme les nouveaux garde-corps et stores-bannes concernent l'ensemble de l'immeuble, y compris le sixième étage irrégulier, il était impératif d'inclure la régularisation de ces parties dans la déclaration préalable.
Le Tribunal a précisé que les arguments des requérants concernant une déclaration préalable "globale" tacite n'étaient pas prouvés. De plus, le classement sans suite de la procédure pénale n'avait aucune incidence sur la légalité de la décision d'urbanisme, car "les législations pénales et d'urbanisme étant indépendantes". Enfin, il n'a pas été démontré que les travaux envisagés avaient une finalité de "préservation du bâtiment" permettant une autorisation dérogatoire.
Les enseignements pour les propriétaires et les professionnels de l'immobilier :
Cette décision est un rappel ferme à la prudence pour tout projet de travaux sur un bien immobilier. Voici les points essentiels à retenir :
-
L'obligation de régularisation globale : Si votre propriété a des éléments construits sans autorisation ou en violation d'une autorisation initiale, et que vos nouveaux travaux forment un "ensemble immobilier unique" avec ces éléments, vous devez impérativement déposer une demande d'autorisation qui porte sur l'ensemble du bâtiment, y compris la régularisation des parties irrégulières.
-
L'indépendance des procédures : Une décision de classement sans suite par le parquet ou une absence de poursuites pénales n'exonère en aucun cas de l'obligation de régularisation administrative en matière d'urbanisme.
-
La charge de la preuve : Il appartient au demandeur d'apporter la preuve de ses allégations (par exemple, l'existence d'une autorisation tacite).
-
L'intérêt de l'avocat spécialisé : Face à une situation complexe impliquant des irrégularités passées, il est crucial de consulter un avocat spécialisé en droit de l'urbanisme. Il pourra analyser votre situation, évaluer les risques et vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter pour déposer votre demande d'autorisation de travaux et éviter un rejet.
En conclusion, cette décision du Tribunal Administratif de Nice souligne l'importance d'une approche rigoureuse et exhaustive en matière de droit de l'urbanisme. Ne pas prendre en compte les irrégularités passées d'une construction lors d'une nouvelle demande d'autorisation peut conduire à un rejet et à un retard significatif de vos projets. La vigilance est de mise !
Pas de contribution, soyez le premier