À l’heure du « tous connectés », la publication de contenus foisonne. Des images de personnes ou de lieux, sont « postées » en abondance sur internet, par les particuliers ou les entreprises.
Ce partage, facilité par les réseaux sociaux, n’est toutefois pas sans risques. En effet, avant de pouvoir utiliser l’image de quelqu’un, voire quelque chose, certaines vérifications s’imposent. Des réglementations essentielles, bien que parfois méconnues, méritent d’être connues de ceux qui investissent ces médias.
En France, il est admis que « toute personne dispose sur son image […] d'un droit exclusif qui lui permet de s'opposer à sa reproduction »[1]. Ainsi, toute personne qui souhaite capter, exploiter et/ou diffuser l’image d’une autre – par photographie, vidéo, dessin ou tout autre moyen – doit s’assurer d’obtenir au préalable l’autorisation de celle-ci.
A défaut, au-delà des dommages et intérêts éventuellement dus à la personne concernée, une amende pouvant aller jusqu’à 45 000€ peut être infligée[2].
Si ce cadre est bien établi, des problématiques demeurent comme par exemple l’utilisation de l’image d’une personne décédée, le droit à l’image ayant vocation à s’éteindre à la mort de l’individu, ou encore, les reproductions ultra réalistes réalisées à l’aide de l’intelligence artificielle (IA).
Dans le secteur de l’audiovisuel, ces difficultés sont très présentes. Les stars du petit comme du grand écran sont considérées comme des personnalités publiques, et le droit à l’information ainsi que la liberté d’expression et culturelle trouvent à s’appliquer. Or ces éléments peuvent permettre de déroger au droit à l’image. Par suite, nombreux sont les acteurs qui « renaissent » après leur mort grâce aux nouvelles technologies[3].
Face à ces enjeux, la Californie a promulgué, fin septembre 2024, une réglementation ayant trait à l’usage d’images générées par IA. Les projets de loi AB 2602 et AB 1836 répondent aux attentes des acteurs-interprètes. Ces textes empêchent la création de « répliques numériques » d’acteurs, vivants ou morts, sans leur consentement préalable (ou celui de leurs ayants droits). Les sanctions ne peuvent être moindre à 10 000$.
D’autres textes (AB 2655, AB 2839, AB 2355) visent à lutter contre la désinformation générée par l’IA en période électorale. Ils mettent à la charge des grandes plateformes en ligne l’obligation d’étiqueter les contenus inauthentiques, de bloquer la publication de contenu matériellement trompeur lié aux élections en Californie ; et permettre aux utilisateurs de signaler les contenus qui seraient passés à travers les filets. Est également interdit à toute personne la diffusion d’une communication électorale au contenu truqué. Exit donc le partage d’une fausse image ou vidéo ou d’un faux appel automatisé artificiel avec la voix d’un politicien.
Enfin, les projets de loi SB 926 et SB 981 concernent les deepfakes à caractère sexuel. Ces derniers sont criminalisés et une obligation de notice and take down est mise à la charge des plateformes pour ces publications.
Cette actualité législative étrangère est l’occasion de rappeler que des règles très similaires s’appliquent déjà en Europe, ce qui impose la plus grande prudence[4].
Image des biens : une utilisation moins libre qu’il n’y paraît
Les personnes ne sont pas les seules dont l’image n’est, pour ainsi dire, pas de libre parcours. L’usage d’images de biens fait lui aussi l’objet de quelques contraintes fréquemment oubliées.
Lorsqu’un bien est représenté, l’autorisation de son propriétaire au titre d’un « droit à l’image » n’est en principe pas requise, sauf le cas où cette utilisation lui causerait un trouble anormal[5].
En revanche, il ne faut pas négliger l’application d’autres droits non moins contraignants, au premier rang desquels : le droit d’auteur. Ce dernier confère au créateur d’une œuvre le droit exclusif de l’exploiter. Les tiers qui souhaiteraient user de sa création, et notamment la reproduire par le biais de photos, vidéos, etc., doivent donc y être autorisés, moyennant le paiement d’éventuelles redevances.
Si la protection de certains biens mobiliers, comme les tableaux, livres ou sculptures, est bien connue, il ne faut pas omettre les monuments qui peuvent également constituer des œuvres architecturales au sens du droit d’auteur. Ces ouvrages sont donc, de la même manière, protégés jusqu’à soit 70 ans après la mort de leur créateur.
Or, si de nombreux immeubles sont tombés dans le domaine public de par leur ancienneté (par exemple l’Arc de Triomphe ou le Dôme des Invalides) ce n’est pas le cas du Centre Pompidou, de l’Arche de la Défense ou encore du Viaduc de Millau. Et quand ce ne sont pas les monuments eux-mêmes qui sont protégés, il peut s’agir de leur « habillage ». Ainsi, l’image de la tour Eiffel de jour peut être librement reproduite, mais pas celle de nuit dans la mesure où son éclairage nocturne est considéré comme une création visuelle originale. Il n’est pas non plus possible de faire apparaître au sein d’une vidéo la célèbre pyramide du Louvre sans accord préalable du titulaire des droits, sous peine de s’exposer à des dommages et intérêts, voire une sanction pénale pour contrefaçon.
L’article L.122-5, 11° du Code de la propriété intellectuelle prévoit bien une exception en permettant « Les reproductions et représentations d'œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques » mais uniquement en dehors de tout usage commercial. La jurisprudence reconnaît parfois une dérogation tenant au caractère accessoire de la reproduction de l’œuvre, mais de manière fluctuante. En définitive un post promotionnel Instagram sur lequel figurerait la Dame de fer scintillante requiert bel et bien une autorisation.
Dans un autre registre, l’article L.621-42 du Code du patrimoine dispose que « L'utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles qui constituent les domaines nationaux […] » est soumise à l'autorisation préalable d’un gestionnaire. Autrement dit, certains ensembles immobiliers relevant du patrimoine architectural français font l’objet d’une protection spéciale. Un décret en dresse la liste[6]. On y retrouve le domaine de Chambord ou le Palais de l'Elysée.
De ce quelques lignes il faut retenir que si la publication d’une image peut paraître anodine, il n’en est rien.
Son usage – sous toutes ses formes – nécessite au préalable de se questionner sur les droits en cause, d’identifier leurs titulaires, déterminer les règles applicables, s’interroger sur le bénéfice d’éventuelles exceptions, et le cas échéant, formaliser, dans le respect des conditions prescrites, l’accord des personnes concernées. L’analyse juridique lors de ses différentes étapes s’avère donc être un enjeu non négligeable.
[1] Cass. Civ. 1ère, 27 février 2007, n° 06-10.393.
[2] Article 226-1 du Code pénal.
[3] C’est par exemple le cas de l’actrice Carrie Fisher, ressuscitée numériquement pour apparaître dans un film de la saga Star Wars.
[4] Voir par exemple l’article 226-8-1 du Code pénal pour les deepfakes à caractère sexuel.
[5] Cass. Ass. Plén., 7 mai 2004, n° 02-10.450
[6] Décret n°2017-720 du 4 mai 2017.
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