Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 7 novembre 2019
N° de pourvoi: 18-17.748

Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s)

 


 

Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 2018), que M. P... a construit une maison sur son terrain, à la suite d'un permis de construire délivré le 9 novembre 2009 par le maire de la commune de [...] ; que, ce permis ayant été annulé par la juridiction administrative, l'association de défense de l'environnement rural (l'ADER) a assigné M. P... en démolition ;

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de dire l'action de l'ADER recevable et d'accueillir la demande de démolition, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet ; qu'il résulte des propres constations de l'arrêt qu'aux termes de ses statuts, l'ADER avait pour objet le « maintien de la "qualité de la vie rurale" et la mise en oeuvre d'actions "contre les personnes physiques ou morales ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement plus particulièrement dans le secteur des communes de (
) [...]" » ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la juridiction administrative avait annulé le permis de construire pour méconnaissance des articles NC1 et NC2 du plan d'occupation des sols sans constater la poursuite par l'association d'un intérêt entrant dans son objet, la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu 1103, du code civil et 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une association dont les statuts précisent les conditions dans lesquelles elle peut défendre en justice les intérêts qui entrent dans son objet n'a intérêt à agir que si ces conditions sont réunies ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la construction avait été édifiée en violation des règles d'urbanisme sans constater, ainsi qu'elle était invitée, une dégradation visuelle, auditive, olfactive de l'environnement, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

3°/ que, lorsqu'il se prononce sur une demande de démolition d'une construction dont le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire ne peut contredire le juge administratif en se fondant sur une atteinte que ce dernier a jugé inexistante ou insuffisante pour entraîner l'illégalité du permis de construire ; qu'en retenant que la construction portait atteinte au site de la Montagnette en ce qu'elle méconnaissait l'esthétique dudit site, cependant que le tribunal administratif avait retenu que le permis de construire n'était illégal qu'en raison de sa méconnaissance de l'article NC1 du plan d'occupation des sols et qu'aucun des autres moyens soulevés par l'ADER devant lui n'était de nature à justifier l'annulation de ce permis, dont celui pris de ce que la construction porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et aux sites, la cour d'appel a violé les articles L. 600-4-1 et L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

4°/ que les motifs par lesquels le juge administratif écarte les moyens soulevés par les parties à l'encontre d'un permis de construire au terme de l'examen qu'il pratique en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme sont revêtus de l'autorité absolue de chose jugée, quand bien même l'annulation serait fondée sur des motifs distincts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme et 1351, devenu 1355, du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que la décision de la juridiction administrative ayant prononcé l'annulation du permis de construire n'était revêtue de l'autorité de la chose jugée que dans la mesure où elle fondait celle-ci sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif ;

Attendu, d'autre part, qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'ayant relevé que, selon ses statuts, l'association avait pour objet social la défense de la qualité de la vie rurale contre les personnes ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive ou olfactive l'environnement, que le permis de construire avait été annulé en raison de la violation des règles d'urbanisme relatives à la construction des immeubles d'habitation, qui étaient destinées à protéger notamment le caractère agricole et l'esthétique de la zone, et que la construction en cause, d'une superficie de 206 m², édifiée dans une zone classée, à l'esthétique remarquable et d'une superficie réduite, faisant l'objet d'une protection particulière face au développement des immeubles d'habitation, portait, par sa superficie et sa destination, une atteinte grave aux intérêts protégés par la loi, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'action de l'ADER était recevable, a pu retenir l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec la violation de la règle d'urbanisme sanctionnée et, après avoir constaté que la construction était implantée dans l'une des zones énumérées à l'article L. 480-13, 1°, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, en ordonner la démolition ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en démolition alors, selon le moyen, que, compte tenu des conséquences attachées à la démolition d'une construction à usage d'habitation, les juges du fond ne peuvent prononcer une telle mesure sans s'être préalablement assurés de sa nécessité, non seulement au regard de ses effets et de leur caractère proportionné, mais également en ce qu'elle constitue la seule mesure permettant d'assurer l'indemnisation du préjudice, toute autre mesure étant insuffisante ; qu'en ne recherchant pas si la démolition de la construction était nécessaire et si aucune autre mesure de réparation n'était possible, notamment sous forme de dommages et intérêts, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune autre mesure que la démolition ne permettait de réparer le préjudice causé à l'environnement, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. P... et le condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 1 500 euros ;