Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 21 novembre 2019
N° de pourvoi: 17-24.454 17-26.629

Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SARL Cabinet Briard, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Marc Lévis, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

 


 

Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° H 17-24.454 et W 17-26.629 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2017), que la société Franche-Comté affinage préemballage (FCAP) a fait réaliser par la société G..., assurée auprès de la société Allianz assurances ( Allianz ), sous la maîtrise d'oeuvre de M. E..., l'isolation de locaux d'affinage dont l'exploitation est assurée par la société Jura terroir ; que les panneaux isolants entrant dans la constitution des parois ont été vendus par la société Misa France (Misa), assurée auprès de la société GAN assurances (GAN), et acquis par elle de la société Misa SR SPA devenue Cofilm, assurée auprès de la société HDI Gerling industrie versicherung, aux droits de laquelle vient la société HDI global SE (HDI) ; que les tôles d'acier revêtues d'un film devant assurer l'adhérence de la mousse garnissant l'intérieur des panneaux ont été fournies par la société Lampre ; qu'ayant constaté le décollement des parements en tôle des panneaux isolants, les sociétés FCAP et Jura terroir ont, après expertise, assigné en indemnisation de leurs préjudices les sociétés G..., Allianz, Misa, HDI et Lampre ; que cette dernière et la société HDI gerling industrie versicherung ont assigné en garantie M. E... et la société GAN ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° H 17-24.454, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés Misa et Cofilm font grief à l'arrêt de dire que les panneaux d'isolation constituaient des EPERS et relevaient des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, de mettre hors de cause M. E... et les sociétés GAN, HDI et Lampre et de condamner les sociétés Cofilm et HDI avec les sociétés G... et GAN à payer certaines sommes aux sociétés FCAP et Jura terroir ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les panneaux avaient une fonction spécifique, s'agissant d'éléments isothermiques conçus pour la réalisation d'entrepôts frigorifiques à température positive et négative, qu'ils avaient en outre été choisis pour assurer le maintien des conditions thermiques nécessaires au bon déroulement du processus de fabrication des fromages et à sa protection contre des agents extérieurs, qu'ils avaient été pré-découpés en usine en fonction des dimensions des bâtiments à équiper et que la société Misa avait réalisé un premier plan de calepinage, de sorte qu'ils ne constituaient pas des éléments indifférenciés même si la société Misa avait l'habitude d'en fabriquer plusieurs types, proposés sur catalogue, correspondant à plusieurs sortes de finition, et qu'ils avaient été livrés à la société G... qui les avait installés, selon les règles définies par le fabricant, sans leur apporter de modifications à l'exception de la pose d'une porte, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les panneaux litigieux relevaient des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° H 17-24.454, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés Misa et Cofilm font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie contre la société Lampre ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport d'expertise, n'avait pas à répondre à des conclusions impropres à justifier une demande en garantie dirigée contre la société Lampre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° H 17.24-454, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés Misa et Cofilm font grief à l'arrêt de condamner la première à payer à la société Jura terroir une somme à titre de dommages-intérêts ;

Mais attendu qu'ayant soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que leur responsabilité ne pouvait être recherchée qu'en la qualité de « constructeurs », en application de l'article 1792-4 du code civil, ou en celle de vendeurs, sur le fondement de la garantie des vices cachés, les sociétés Misa et Cofilm ne sont pas recevables à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à la position qu'elles ont adoptée devant les juges du fond ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal n° H 17.24-454, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés Misa et Cofilm font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société GAN, assureur de la société Misa ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la responsabilité de la société Misa pouvait être recherchée en application de l'article 1792-4 du code civil à l'égard des sociétés FCAP et Jura terroir et relevé que la police de responsabilité civile souscrite par la société Misa auprès de la société GAN excluait du champ contractuel les responsabilités et garanties de la nature de celles prévues par les articles 1792, 1792-2 à 1792-6 du code civil, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal n° H 17.24-454, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés Misa et Cofilm font grief à l'arrêt de mettre la société HDI hors de cause ;

Mais attendu, d'abord, que les sociétés Misa et Cofilm ne sont pas recevables à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à leurs propres écritures ; qu'ensuite, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que ces sociétés, s'agissant de droits disponibles, aient invoqué devant la cour d'appel l'application du droit étranger ; qu'enfin, ayant relevé que l'extension à la police d'assurance de responsabilité souscrite par la société Cofilm, réalisée par un avenant n° 6, concernait notamment l'indemnisation des préjudices causés aux tiers par les produits fournis par l'assuré après leur livraison lorsque les dommages résultaient de l'interruption ou de la suspension totale ou partielle d'activités industrielles, commerciales, agricoles ou de services, « à condition qu'ils soient la conséquence de sinistres indemnisables conformément à la police », et retenu que le sinistre n'était pas couvert par la police d'assurance puisque celle-ci ne portait pas sur la responsabilité définie par l'article 1792-4 du code civil, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la société HDI n'était pas tenue de garantir le préjudice immatériel résultant de l'obligation pour la société Jura terroir d'aménager une « cave tampon », a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur les premier et troisième moyens du pourvoi n° W 17-26.629, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° W 17-26.629, ci-après annexé :

Attendu que la société Allianz fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Lampre et de rejeter la demande de garantie formée contre elle ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que les pièces produites par la société Lampre montraient que le film appliqué sur les tôles des panneaux litigieux ne présentait en lui-même aucune défectuosité, que le film s'était détaché des tôles sur les côtés des panneaux qui étaient en contact avec les caves d'affinage dont l'atmosphère se caractérisait par un degré d'humidité élevé et un écart prononcé entre les températures et que la société Lampre ignorait l'usage auquel les panneaux réalisés avec la tôle livrée par elle étaient destinés, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans dénaturation du rapport d'expertise, que, même si l'expert concluait que les désordres étaient liés à une impropriété du film appliqué sur les tôles à assurer son rôle de liaison entre celles-ci et la mousse de garniture, la société Lampre n'était pas tenue de la garantie des vices cachés au titre de la vente des tôles fournies avec le film, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 628 du code de procédure civile, condamne les sociétés Misa et Cofilm envers le Trésor public à payer une amende civile de 5 000 euros ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;